Guatemala: Problèmes pour Arévalo
Par Eric Calcagno
Il semble qu'il n'ait jamais été facile pour les Arévalo de présider le Guatemala, même s'ils gagnent les élections, que ce soit en 1945 ou en 2023. Cette fois, c'est à Bernardo, fils de Juan José, de faire face à une configuration politique défavorable qui semble se répéter dans Notre Amérique. Aujourd'hui, nous allons parler des institutions et des croyances.
Tout d'abord, il y a les institutions colonisées par les classes dirigeantes. Nous nous référons à des organisations qui font la vie républicaine, mais par cooptation ou corruption cessent d'agir pour le Bien Commun, selon les résultats des élections, pour privilégier leurs propres objectifs, indépendants des besoins populaires et de l'expression politique des citoyens. Comme l'administration de la justice est le pouvoir le plus sélectif et le moins électoral, c'est là que vont les efforts des oligarchies politiques, économiques, sociales et médiatiques. Ils l'appellent "lawfare", bien qu'il s'agisse d'un autre épisode de la lutte des classes entre nationaux et libéraux.
Dans ce cas, c'est le ministère public du Guatemala qui favorise la sédition. C'est une institution qui rassemble tous les procureurs du pays, du niveau local au niveau national, et qui a pour mission de maintenir l'état de droit, d'enquêter sur les causes d'action publique et de fournir la plainte dans les poursuites privées. Ce sont des attributions variées et étendues, propres à une interprétation arbitraire. La procureur général actuelle s'appelle María Consuelo Porras.
Porras a une prédilection pour poursuivre les journalistes, les référents des mouvements sociaux et même les procureurs eux-mêmes qui ne lui conviennent pas. Elle poursuit même et surtout les familles des accusés grâce à des perquisitions. Depuis qu'Arévalo est entré dans la course à la présidence, Porras a attaqué la personnalité du Mouvement Semilla (arevaliste), des dirigeants et des députés de Semilla et a même menacé d'arrêter Bernardo Arévalo lui-même.
Ce qu'elle a réussi, c'est à faire valoir qu'il manquait des avals de 2018 pour la reconnaissance du Mouvement en tant que parti politique, de sorte que Semilla a été dissous en tant que bloc parlementaire. Elle a également fait arrêter l'avocate Claudia González Orellana, défenseure des personnes attaquées par le ministère public, sous l'accusation d'abus de pouvoir, une figure qui s’applique aux fonctionnaires, alors que le Dr. Orellana ne pratique que dans le privé…
Un autre problème auquel la démocratie guatémaltèque est confrontée est l'influence religieuse sur la politique : nous parlons du courant néopentecôtiste évangélique. Née aux États-Unis dans la seconde moitié du XIXe siècle, cette opinion a pris de l'importance en Amérique latine lorsque Jean-Paul II a démantelé la théologie de la libération et laissé le champ libre à ces sectes soutenues par des moyens, des figures charismatiques et même des dirigeants, comme le dictateur Ríos Montt au Guatemala, ou le président élu Jimmy Morales - évangéliste notoire - qui a nommé Porras. En fait, la moitié des chrétiens guatémaltèques s'identifient comme évangélistes. Quand la politique ne contient pas et ne conduit pas…
Comme le soutient Civilta Cattolica, une publication jésuite que nous recommandons, « la présence du leader charismatique Carlos Enrique Luna Arango, qu’on appelle Cash Luna, » une personne engagée dans certains problèmes de trafic de drogue et de blanchiment d'argent, a été déterminante. Le plus grave, disent-ils, « est son effet pervers sur les pauvres. En effet, non seulement il exacerbe l'individualisme et annule le sentiment de solidarité mais il pousse les gens à avoir une attitude miraculeuse dans laquelle la prospérité ne peut être procurée que par la foi et non par l'engagement social et politique ».
De cette façon, « il n'y a pas de compassion pour les personnes qui ne sont pas prospères car, clairement, elles n'ont pas suivi les « règles » et vivent donc dans l'échec et, par conséquent, ne sont pas aimées par Dieu. » Ils sont ultra-conservateurs sur les questions sociales et ultra-libéraux sur les questions économiques. Cela semble-t-il familier ?
Ce ne sont que deux des problèmes auxquels Arévalo est confronté. Il a été élu, maintenant il doit construire le pouvoir et esquiver les balles. Une coutume familiale. Disons que la politique est une question de relatifs, la foi est une question d'absolus. Mélanger la foi avec la politique, c'est mettre comme absolues des positions relatives, provoquer l'essentialisme, naturaliser les faits sociaux comme s'ils étaient d'origine divine. C'est la fin de l'argumentation, du débat, de la démocratie tout simplement. Bonne chance au Guatemala !, Attention, Argentine !
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/09/04/guatemala-problemas-para-arevalo/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/09/guatemala-problemes-pour-arevalo.html