Guatemala : La farce du Parquet pour tenter d'invalider la victoire de Semilla
Par Héctor Silva Ávalos
Toute l'opération judiciaire engagée par le ministère public (MP) du Guatemala, pour s'approprier les urnes électorales est basé sur une plainte déposée par le citoyen, Giovani Fratti le 26 juillet 2023, un mois après que Bernardo Arévalo et Karin Herrera du Mouvement Semilla, soient arrivés au second tour des élections présidentielles.
Fratti est un éditorialiste–il s’auto-définit comme journaliste–qui a l'habitude de se faire l'écho des positions de l'extrême droite guatémaltèque. Sur ses réseaux sociaux, surtout sur son compte X, il a exprimé des opinions proches de celles de groupes comme Guatemala Immortel ou la Fondation Contre le Terrorisme selon lesquels le parti Mouvement Semilla a commis une fraude au premier tour des élections et, grâce à elle, a gagné le ballottage en août dernier.
Un mois après le premier tour des élections, Fratti s'est rendu au Ministère Public pour déposer une plainte contre Semilla. Son raisonnement est que le parti grâce auquel Bernardo Arévalo est arrivé à la présidence peut tomber dans l'illégalité à l'avenir s'il reçoit la dette électorale qui lui correspond pour chaque vote valide obtenu au premier tour.
L'illégalité, dit Fratti, serait basée d'abord sur le fait que le Mouvement Semilla a été suspendu par un juge, Freddy Orellana, le 12 juillet 2023, raison pour laquelle il ne devrait pas recevoir de fonds publics et ensuite, sûr de soi-disant incohérences entre les votes physiques reçus par Semilla, et ceux reportés sur les procès-verbaux des élections avalisés par le Tribunal Suprême Electoral ((TSE). Sur le second point, Fratti ne présente aucune preuve et sur le premier, il dit être informé par « des rapports dans les médias. » Orellana avait suspendu temporairement Semilla pour une soi-disant falsification de signatures lors de l'inscription du parti politique. L'affaire est basée sur la dénonciation d'une seule personne.
Sans rien ajouter, à ce qui est demandé par Fratti, le procureur spécial contre l'impunité ((FCI)) du Ministère Public a fait sienne la plainte de l'éditorialiste et s’en est servi comme base pour demander au juge Freddy Orellana, celui qui avait suspendu Semilla en juillet dernier, d'autoriser la perquisition du centre d'opération du processus électoral (COP), dans le Parc de l'Industrie et du registre des électeurs dans la zone 2 de la capitale.
Le 7 septembre, à la demande du Ministère Public, le juge Orellana a convoqué une audience extraordinaire pour entendre la plainte du procureur. L'audience a débuté à 10h41 du matin. Leonor Eugenia Morales Lazo, la procureur désignée, a lu devant Orellana ses arguments qui sont les mêmes que ceux qu’a utilisé Fratti : « Il existe un risque raisonnable et fondé que le parti suspendu provisoirement reçoive des fonds de l'Etat du Guatemala suite à des faussetés ou à des incohérences dans la quantité de votes valides obtenus et détourne des fonds publics illégalement, étant donné les irrégularités et les incohérences qui ont été établies dans ce processus électoral 2023 et le fait qu'il existe une possibilité raisonnable et fondée que des fonds du patrimoine de l'État et du peuple de du Guatemala soient détournés. » Quand elle a eu fini de lire son argumentation, la procureur Morales a remis la documentation de base au juge, y compris la plainte de Fratti. Moins de deux minutes après, Orellana a donné sa réponse à haute voix : « L'autorisation de ce qui est demandé est conforme à la recherche de la vérité, historique ou matérielle. Ce qui est demandé a lieu… On autorise les perquisitions, » a dit ce juge que le département d'État des États-Unis a qualifié de fonctionnaire antidémocratique et corrompu pour avoir « sapé les processus et les institutions démocratiques en autorisant des charges criminelles non soutenues et avec une motivation politique contre des journalistes qui exerçaient leur liberté d'expression sous la protection de la loi guatémaltèque. »
Quand le Ministère Public a perquisitionné le Parc de l’Industrie, le 12 septembre dernier, six mois après que le juge Orellana ait donné son aval, le chef de la FECI en charge de l'affaire a affirmé plus d'une fois que cette opération n'était pas en relation avec Semilla : « il n'y a aucune implication directe du parti politique Mouvement Semilla, », a dit Rafael Curruchiche, le dirigeant du FECI nommé par le procureur général Consuelo Porras.
Auparavant, il avait dit quelque chose de similaire : «Cette procédure n'a aucune relation directe ou indirecte destinée à favoriser ou à porter préjudice à un parti politique ou à ses dirigeants. »Curruchiche et Porras ont également été qualifiés de fonctionnaires corrompus et antidémocratiques par le Gouvernement de Joe Biden.
Des documents en relation avec le processus judiciaire en relation avec ces perquisition, le numéro 1079–: 2023–231 mettent en évidence le fait que Curruchiche a menti : tout ce qui a été fait par le MP dans cette affaire est en relation avec le Mouvement Semilla et avec la possibilité que dans l'avenir, ce parti vainqueur des présidentielles reçoivent la dette électorale de l'État alors qu’il est suspendu temporairement. La plainte du citoyen Fratti est directement contre Semilla. Et c’est cette plainte qui soutient tout ce qui a été fait par Curruchiche, la procureur Morales Lazo et le juge Orellana.
En public, le chef de FECI est toujours resté vague en parlant des raisons des perquisitions. Ces actions, dit-il, découlent de « certaines incohérences qui ont pu être faites ce jour là. » En aucun des documents que le juge Orellana a vu pour autoriser les perquisitions du COPE et du registre des électeurs on ne voit quelles sont ces incohérences. Curruchiche, protégé par la réserve que Orellana a décrétée dans cette affaire, n'a rien eu à dire de plus.
Une intervention condamnée au Guatemala et à l’étranger
Quand les agents du Ministère Public dirigés par Curruchiche et la procureur Morales Lazo sont entrés dans les institutions du Tribunal Suprême Electoral dans le Parc de l'Industrie protégés par des contingents de la police nationale civile, ils se sont embarqués dans des actions qui ne s'étaient pas vues au Guatemala depuis l'époque des dictatures militaires, au milieu du siècle dernier. Jamais, dans l'histoire récente, une autorité n'avait confisqué les urnes et les bulletins de vote après une journée électorale.
Dans l'une de ses interventions publiques, ce jour-là, Curruchiche a justifié ses actions en disant que même si la volonté des Guatémaltèques était déposée dans les urnes, comme le reconnaît le TSE, pour lui, il pouvait y avoir là « des indices. »
Plusieurs Gouvernements étrangers et organismes multilatéraux ont accompagné les protestations que les actions du MP en provoquées au Guatemala. L'un des plus agressifs a été Luis Almagro, le secrétaire général de l'OEA qui s'est même rendu dans la capitale du Guatemala. Le 6 septembre, Almagro a rencontré Consuelo Porras pour lui exprimer son inquiétude à cause des actions contre les vainqueurs des élections. Le lendemain de cette rencontre, le Ministère Public a demandé de perquisitionner le Tribunal Suprême Electoral pour tenter de défenestrer Semilla.
Lors de la réunion du 6 septembre, c’est Rafael Curruchiche qui a pris la parole pour répondre à Almagro. Ces réclamations, a dit le chef du FECI, sont des actes d'ingérence étrangère. Il a également dit que seule la Constitution de son pays devait répondre.
Quelques jours après, le 12 septembre, l'OEA a publié un communiqué ferme sur les perquisitions que le Ministère Public avait effectuées ce jour-là. C'était, dit l'organisme, des preuves, de « l'instrumentalisation politique de l'appareil de persécution pénale. »
« Ces actions constituent une preuve de plus que le Ministère Public, loin de faire concorder ses actions avec les standards démocratiques, viens aiguiser une stratégie de remise en question du processus électoral et d'intimidation des autorités électorales, du personnel électoral et des milliers de personnes qui, grâce à leur énorme engagement civique, ont mené à bien deux journées de vote pacifique et transparent, », dit l’OEA dans son communiqué.
Le Gouvernement de Biden, à Washington, s'est également prononcé: « Ce comportement antidémocratique, sape les institutions démocratiques guatémaltèques et n’est pas conforme aux principes de la Charte Démocratique et Inter-américaine… Le peuple du Guatemala a parlé. Sa voix doit être respectée, », a dit le département d'État dans un communiqué. Fin octobre, les États-Unis ont annoncé la suspension des visas, pour les fonctionnaires et les particuliers liés aux actes antidémocratiques, parmi lesquels il a cité « les efforts, continuels pour saper la transition pacifique du pouvoir au président élu Bernardo Arévalo, » et a mentionné le fait que le Ministère Public ait « saisi le matériel électoral » qui était sous la protection du TSE.
Mais la condamnation la plus forte a été celle de dizaines de milliers de Guatémaltèques qui sont descendus dans la rue pour, protester, ont pris les principales rues du pays et ont même fermé pendant plusieurs jours les villes les plus importantes, y compris la capitale. Les protestations ont débuté le 2 octobre et se sont maintenues bien que de façon intermittente et continuent à exiger la démission de la procureur générale Consuelo Porras et le respect de la volonté populaire exprimée dans les urnes.
La réaction de ceux qui soutiennent la procureur Consuelo Porras et sont opposés au triomphe de Semilla est l'écho des arguments que le Ministère Public a utilisés devant le juge Orellana, basés sur les arguments du citoyen Giovani Fratti. Il y a eu, disent-ils, fraude électorale. Parmi les caisses de résonance qui continuent à utiliser cet argument, se trouve une une organisation qui s'appelle Guatemala Immortel de l'laquelle Fratti a été membre.
Les mêmes que toujours
Le nom de Giovani Fratti s’ajoute, aujourd'hui, à la liste des fonctionnaires publics qui ont dirigé les actions du système judiciaire guatémaltèque contre le Mouvement Semilla parmi lesquels Rafael Curruchiche et le juge Fredy Orellana.
Nous avons essayé de contacter Fratti mais nous n'avons pas obtenu de réponse.
Fratti, sur ses réseaux sociaux, dit qu'il est journaliste. Il a été, en fait, éditorialiste de Publinews, un journal guatémaltèque. Il est également avocat. Il s'oppose toujours aux actions de la commission internationale contre l'impunité au Guatemala ((CCG). Aujourd'hui, en plus, il a dénoncé le Mouvement Semilla et sa plainte constitue la base des actions qualifiées d’antidémocratiques dans le monde entier.
Leonor Eugénie Morales Lazo, la procureur qui a fait siens les arguments de Fratti pour demander les perquisitions du Tribunal Suprême Electoral a également été signalée. En janvier de cette année, elle a été dénoncée par les avocats Leily Santizo Rodas et Juan Francisco Sandoval, tous deux représentés par Claudia Gonzalez, qui l'ont accusée de mentir et d'ajouter de fausses informations pour demander à un juge un mandat d'arrêt international contre eux.
Santizo a été mandataire de la CICIG et est en exil. Au Guatemala, elle a été en prison pour une affaire qui, comme celle des perquisition du TSE, est basée sur des plaintes déposées par des caisses de résonance de l'extrême droite guatémaltèque, dans ce cas de la Fondation contre le Terrorisme. Sandoval a été chef du FECI avant Curruchiche et est en exil aux États-Unis depuis juillet 2021, date à laquelle elle a été destituée pour, entre autres choses, avoir enquêté sur le président Alejandro, Giammattei pour de soi-disant pots-de-vin.
Claudia Gonzalez, l'avocate qui a représenté Santizo et Sandoval dans cette affaire que la procureur Morales a traitée, a été arrêté, il y a plus de deux mois pour une sale affaire pour soi-disant abus de pouvoir, un délit dont elle ne peut être accusée car elle n'a jamais été fonctionnaire.
Morales Lazo, l'ancien procureur Sandoval et l'ancien mandataire Santizo l’ont accusée d'abus d'autorité. Cette dénonciation a été enterrée au Ministère Public de Consuelo Porras. Morales, loin d'être l'objet d'une enquête, a été la principale voix de l'audience de septembre au cours de laquelle, avec les mêmes arguments qu'un journaliste, qui n’en est pas un, elle a demandé au juge Freddy Orellana de perquisitionner le Tribunal Suprême Electoral et de saisir les urnes d'une journée d'élection. Elle est la procureur qui a basé ses allégations sur une plainte qui est basée, à son tour, sur la suspension temporaire du Mouvement Semilla ordonné par le même juge Orellana qui a donné son aval aux perquisitions avec tout cela sur la table. Rafael Curruchiche, le chef du FECI, a dit que la perquisition du TSE n'a rien à voir avec Semilla.
« Ce que cela montre, et de la part de la personne qui le représente (Fratti), c'est qu'ils n'ont absolument aucun argument et qu'ils vont tomber. Il y a un secteur qui tente un coup d'État. Ils ont fait des choses complètement illégales et irrationnelles... Ils ont été complètement démasqués », a déclaré Samuel Pérez, député du parti Semilla.
L’enregistrement audio a été publié sur le compte X de la journaliste Michelle Mendoza.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
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