Argentine: D'une crise surmontée à une crise annoncée
La crise de 2001, un cas d'école, des méfaits de la mondialisation néolibérale
Par Françoise Lopez,
Introduction : qu'est-ce que l'Argentine ?
L'Argentine couvre 2 780 000 km², c'est-à-dire cinq fois la superficie de la France mais dès le départ, l'Argentine est considérée comme un lieu de transit : en effet, les conquistadors qui la découvrent n'envisage pas de s'y installer, ils en veulent seulement l’or. Au temps de la Colonie, les gauchos ne sont que des métis pauvres et fiers qui louent leurs services aux riches éleveurs de bovins qui possèdent de vaste « estancias ». Au XIXe siècle, toute la pampa humide est conquise sur les Indiens liquidés sans pitié.
En 1879 commence la période des migrations vers l'Argentine :
–paysans pauvres du « Mezzogiorno » italien
–De la Galice espagnole,
–du Sud-Ouest de la France,
–juifs de Russie et de Pologne.
–Syrio-libanais
–croates
En 1850, l'Argentine, compte 800 000 habitants
En 1914, ils sont 800 000
1 habitant sur 3 est étranger, 1 sur 2 habite Buenos Aires, mais l'intégration ne se fait pas.
Longtemps, les Argentins se sont considérés comme des Européens transplantés plutôt que comme des Latino-américains ordinaires :
« nous sommes le seul pays blanc au sud du Canada, », déclarent-ils volontiers, et ils rejettent l'ensemble des pays métissé du continent.
Il est impossible un Argentine d'acquérir de petites propriétés. Les immigrants, qui ne s'attachent pas à une terre qu'ils ne possèdent pas, sont rejetés vers les villes où ils pratiquent le commerce, les petits métiers de l'artisanat, les professions libérales ou occupent des emplois dans la fonction publique. Ce prolétariat urbain et les différentes nuances des classes moyennes se retrouvent dans le parti Radical.
En 1916 a lieu la première élection au vote secret et obligatoire : les Argentins élisent le radical, Hipolito Yriguoyen. Buenos Aires deviennent une grande capitale moderne de style européen.
L'Argentine exporte :
–de la viande.
–du blé
–de la laine
–du cuir
vers l'Europe qui a bien du mal à se relever de la guerre.
Le capital étranger accourt, les banques et les sociétés anonymes se multiplient, l’Argentine est en tête des indicateurs de prospérité et pour son taux d'alphabétisation. Mais la crise de 1929 met fin aux achats et aux crédits et en 1930, le pays élit à sa tête une série de généraux pour « une décennie infâme. »
La seconde guerre mondiale relance l'économie et en 1948, le PIB de l'Argentine est supérieur à celui du Royaume-Uni.
Viendra ensuite la période Péron pendant laquelle coexistent malversations, corruption et une législation sociale avancée que le petit peuple n'oubliera pas :
« Sale de la Rosada, gorillon, que es la casa de Juan Peron! »(« sors de la maison Rose, gros gorille, c'est la maison de Juan Péron ! ») hurlentt-ils après son départ lors d'une manifestation hostile à l'un de ses successeurs.
Après la mort de Péron en 1974, l'armée reprend rapidement le pouvoir pour 7 terribles « années de plomb » : une dictature sanglante au cours de laquelle 30 000 personnes disparaissent et de nombreux intellectuels et membres des professions libérales choisissent de s’exiler.
En 1983, c'est enfin le retour à la démocratie, mais Carlos Menem entraîne son pays sur la voie d'un néolibéralisme effréné en privatisant tout ce que Péron avait nationalisé et en perpétuant une tradition d'endettement solidement établie dont les conséquences seront extrêmement lourde pour le pays.
I Les origines de la crise :
1°) La Banque Mondiale
La Banque Mondiale et fondée en 1945 dans le but de prêter aux alliés stratégiques des États-Unis pour des projets qui vont connecter plus étroitement ces pays au marché mondial. Il s'agit de reconnecter des pays qui avaient eu une politique d'éloignement des anciennes puissances coloniales comme c'est le cas de l'Argentine de Péron. On prête beaucoup à bas taux d'intérêt. La Banque Mondiale crée des institutions qu'elle contrôle pour faire pression sur les pouvoirs publics et les convaincre d'emprunter auprès d'elle et du FMI (cela s'appelle du « lobbying »). Par contre, elle ferme les yeux sur la corruption.
2°) Le Fonds Monétaire International ((FMI).
Conçu à l'origine comme une institution régulatrice de l'économie mondiale, le FMI joue en fait dans cette économie un rôle à la fois capital et néfaste. Contrairement à une idée reçue, il ne vient pas en aide généreusement aux pays en difficulté mais se fait payer ses interventions au prix fort : selon la Banque Mondiale, entre 1980 et décembre 200 il a mis 71 300 000 000 de dollars à la disposition des pays d'Amérique latine et ceux-ci lui ont remboursé 86 700 000 000 de dollars. Il a donc gagné 15 400 000 000 de dollars.
Contrairement à une autre idée reçue, ni le FMI ni la Banque Mondiale ne sont ces institutions opaques que les médias nous présentent et dont les décisions seraient prises dans l'ombre, sans qui que ce soit puisse exercer aucun contrôle sur elles. Cela est vrai pour l’AMI mais ne l'est ni pour le FMI pour la Banque Mondiale. Bien au contraire, la France détient 5 % du capital du FMI et de la Banque Mondiale et dispose d'un siège d'administrateur dans ces deux institutions. De sorte que les décisions qui sont prises ne nous sont pas imposées mais ont été explicitement approuvées et votées par notre pays.
3°) La dette
Après le choc pétrolier de 1973, les banques privées possèdent beaucoup de liquidités en eurodollars. Elle démarche les pays du Sud pour leur faire des prêts à bas taux d’intérêt.
Au départ, les pays empruntent des sommes raisonnables qui pèsent peu sur leur économie. En 1960, la dette du Tiers-Monde représente 20 000 000 000 de dollars, ce qui est effectivement très peu par rapport à l'économie globale du Tiers-Monde mais elle va rapidement augmenter à partir de 1968, pour atteindre 560 000 000 000 de dollars en 1980 (elle a donc été multiplié par 12 ans en 20 ans !)
De plus, les règles changent subitement : en 1979, aux USA, les taux d'intérêt subissent une forte augmentation, alors qu'en 1982, le dollar est fortement réévalué (50 % d'augmentation de sa valeur). Ces prêts à à faible taux vont se révéler être des pièges car ils sont indexés sur les taux des marchés financiers et 80 % de la dette latino-américaine est payable en dollars. Ils s'ensuivra une croissance exponentielle des intérêts de la dette et de nombreux pays ne pourront plus la payer.
L’Argentine, cependant, n'interrompra jamais réellement le paiement de sa dette, sauf sur de courtes périodes.
II La dette argentine :
À la fin de la période Péron, la dette argentine est de 8 000 000 000 de dollars, aujourd'hui elle a atteint 155 000 000 000 de dollars (130 milliards de dollars pour la dette extérieure publique).
Que s'est-il donc passé entre-temps ?
Après le choc pétrolier de 1973, des sommes considérables sont placées dans les banques des pays industrialisés par les pays producteurs de pétrole. Ces fonds ne trouvent aucun débouché dans le Nord à cause de la récession qui règne dans ces pays. Des 1974, le FMI encourage le recyclage de ces surplus.
À certaines périodes, plus de 1500 banques démarchent les pays d'Amérique latine pour leur offrir des prêts importants dans des conditions chaque fois plus laxistes. Mais les apparences sont trompeuses, car par exemple :
ANNEE |
SOMME PRETEE |
somme retenue pour le paiement de la dette antérieure |
SOMME EFFECTIVEMENT PRETEE |
1979 |
31,9 |
15,3 |
16,6 |
1980 |
34 |
22,3 |
11,7 |
1981 |
33,7 |
32,2 |
1,5 (5% du prêt nominal) |
|
|
|
|
Les chiffres sont indiqués en milliards de dollars.
Les intérêts, eux, sont calculés sur la somme totale. Il est bien évident, dans cet exemple. qu'aucun pays ne peut venir à bout de sa dette dans ces conditions. Mais revenons à l’Argentine.
Sous la dictature mise en place en mars 76, la dette de l'Argentine augmente de façon exponentielle (en 7 ans, elle est multiplié par 4). Le FMI, la Banque Mondiale et les banques transnationales prêtent à tour de bras sans s'inquiéter de la façon dont seront utilisées les sommes prêtées : 70 % des sommes qu'ils empruntent seront placés par les membres de la junte à leur propre nom dans des banques étrangères (celles-là même qui avaient octroyé les prêts et qui récupèrent ainsi leurs fonds), comme soi-disant « réserve internationale », 15 des 55 000 000 000 de la dette ont servi pour la compagnie nationale des pétroles (4 600 000 000 de dollars), le télédisque, la télé couleur, l'achat d'armes et la construction de 3 stades pour le mondial de foot. Le reste s'est évaporé ou à servi au financement des sorties de capitaux (les Argentins placent systématiquement dans les paradis fiscaux l'argent qu'ils gagnent dans leur pays et comme les classes possédantes ne payent pas d'impôts ou presque…)
En mars 84, les 55 000 000 000 de dollars de la dette argentine absorbent 70 % de ses recettes d' exportation. L'Argentine rue dans les brancards mais malgré l'aide du Mexique, du Venezuela, du Brésil et de la Colombie, ne pourra pas échapper aux conditions du FMI pour renégocier et devra mettre en place une politique d’austérité.
Qu'est-ce qu'un plan d'austérité ?
C'est un plan d'ajustement structurel imposé par le FMI et dont les conditions pour que le prêt soit accordé sont les suivants :
–réduction drastique du déficit du pays emprunteur alors que les États-Unis font de celui-ci la clé de leur récupération économique
–réforme des structures
–réduction de l'inflation
–démantèlement des services publics
–privatisation de toute activité lucrative, l'État ne conservant que les secteurs non productifs
–équilibre de la balance extérieure par l'orientation de la production nationale vers l'exportation afin de favoriser l'entrée de devises destinées au paiement de la dette
–suppression des subventions de l'État aux produits de première nécessité
–blocage ou baisse des salaires
–réduction des déficits publics par la baisse des dépenses de l'État
–licenciement de fonctionnaires
–réduction des investissements de l'État en particulier dans les secteurs sociaux : santé, éducation.
Ce qui est particulièrement intéressant dans le cas de l'Argentine, c'est qu'elle a toujours été le meilleur élève du FMI et a toujours appliqué à la lettre tous ces dictats. La responsabilité du FMI est donc particulièrement claire dans la catastrophe actuelle.
Le 21 et le 22 juin 1984, constatant que la valeur cumulée de la dette extérieure latino-américaine est supérieure à la moitié de son PIB, le groupe de Carthagène (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Equateur, Mexique, Pérou, Uruguay, Venezuela, Saint-Domingue ) met l’accent sur la nécessité d'une approche politique de la question au niveau international, il pose en principes :
–de subordonner le paiement de la dette à la récupération de la croissance économique
–la nécessité d'ajuster le service (les intérêts) de la dette, à la capacité de paiement
–la corresponsabilité endetté-créancier, ceux-ci ne pouvant plus alors se désintéresser de l'utilisation des sommes qu'ils prêtent ou de la personnalité des régimes auxquels ils prêtent
–l'urgence de reconsidérer les mécanismes de la dette.
Cet appel, comme ceux qui vont suivre, sera purement et simplement ignoré, sans doute à cause de la présence au pouvoir dans la majorité des grands pays industrialisés (USA, Grande-Bretagne, Allemagne, Japon)) des conservateurs qui considèrent le marché comme la seule solution possible à tous les problèmes économiques.
En janvier de la même année, un groupe de prestigieux économistes étasuniens parmi lesquels James Tobin met en cause la responsabilité des pays créanciers, en particulier des États-Unis :
« Nos propres politiques économiques ont une grande responsabilité dans la crise globale des liquidités. De grandes déficits fédéraux, résultant de réductions des impôts allant de pair avec une croissance des dépenses, accompagnés d'une politique monétaire restrictive ont généré des taux d'intérêt extraordinairement élevés. »
Pendant le 25 années qui ont suivi la dictature, l'Argentine a remboursé plus de 200 000 000 000 de dollars, c'est-à-dire beaucoup plus qu'elle ne devait. C'est une première raison pour demander l'annulation de la dette, mais il en est une seconde qui est la notion de « de dette odieuse ». En effet, un Gouvernement démocratique n'est pas obligé, selon le droit à l'international, de rembourser les dettes d’un régime dictatorial. Cette notion a été appliquée au moins dans deux cas:
–par les États-Unis, lorsque les cubains ont chassé les Espagnols avec leur aide et qu'ils ont pris le contrôle de l'île. Ils ont alors refusé de rembourser la dette de Cuba envers l’Espagne.
–Par Lénine qui a refusé après la Révolution Russe de rembourser la dette du Tzar.
Le président Alfonsin, élu démocratiquement après la chute de la junte, aurait été fondé à dénoncer la dette. Mais il ne l'a pas fait…
Le 21 novembre 1986, John Kenneth Galbraith, prix Nobel d’économie, déclare lors d'une conférence à São Paulo:
« En encourageant des projets insensés, des Gouvernements insensés ont réussi à se faire accorder des crédits insensés par des banquiers tout aussi insensés. Ce festival d'absurdités ne fait pas du tout honneur au système capitaliste et constitue une offense au régime démocratique ; il a ruiné des dizaines de pays du Tiers-Monde dans le cadre d'un processus encore jamais vu d'appauvrissement des pauvres à partir de l'enrichissement des riches. »
Reste à savoir si ce fonctionnement ne découle pas des fondements même du capitalisme dont le but suprême et de faire toujours plus de profit.
IV les responsabilités.
–La classe possédante argentine :
L'orientation ultra-libérale du budget de l'État se traduit par une défiscalisation croissante des revenus des classes possédantes.
Vito Tanzi, directeur du département des affaires fiscales du FMI, déclarait le 11 août 1997, dans le quotidien « Clarin » :
« L'actuelle structure fiscale a permis à beaucoup de gens de s'enrichir du fait qu'ils n'ont pas payé d'impôt, notamment ceux qui ont gagné beaucoup avec les profits du capital, intérêt et dividendes. »
Si ces profits étaient réinvestis en Argentine, la situation serait sans doute différente. Mais ils sont généralement placés dans les paradis fiscaux où ils rapportent plus et plus vite qu'en Argentine et ne profitent donc nullement au pays. Parfois, même ceux qui ont réalisé de gros profits quittent physiquement le pays fortune faite, avec leur magot. De même, aucune infrastructure n'a été mise en place pour permettre la production locale des produits pour l'exploitation. Péron avait accès sa politique sur l'autosuffisance et ses successeurs n'ont pas déroger à la règle. Ils n'ont pas non plus investi dans la modernisation des moyens de production. De sorte qu'il est beaucoup plus rentable d'investir dans des entreprises étrangères installées dans le pays que de faire produire par des entreprises locales. C'est ce qui explique le nombre important d'entreprises étrangères présentes sur le sol argentin ((275 pour la France, l'Allemagne étant aussi très présente). On peut citer pour mémoire parmi les entreprises françaises : Renault, Peugeot, Carrefour, BNP Paribas, AXA, EDF, Danone, Auchan, Casino, Gaz de France, etc.…
Tout cela fait que l'Argentine, un pays extrêmement prospère, se trouve actuellement non pas en voie de développement mais en voie de sous développement. Une attitude plus responsable de la classe possédante serait donc éminemment souhaitable.
Pour Pierre Kalfon, ce comportement découle d'une crise des valeurs :
« Valeur de travail, considéré comme une naïveté dans une société persuadée que la richesse du pays est depuis toujours à portée de la main. Valeur éthique, dans un système où l'usage est plutôt de trouver la bonne combine pour tourner la loi en recourant au réseau clientéliste de tel ami bien placé. Valeur civique, consistant à refuser de payer l'impôt et de réinvestir dans le pays ses bénéfices au lieu de les placer dans un paradis fiscal. Valeur proprement sémantique, enfin, le moindre forfait du justicialisme (péronisme) n'étant pas d'avoir perverti les concepts clés du socialisme en les galvaudant de telle sorte qu'il est nécessaire, chaque fois, de redéfinir la signification des mots et, par exemple, d'une formule aussi manipulée que « justice sociale », en un temps où les injustices se multiplient avec la corruption. »
(Pierre Khalfon, « Dieu n'est plus argentin », paru dans « le monde diplomatique » de février 2002).
Mais cette crise des valeurs n’est-elle pas inévitable dans une société néo-libérale où le profit s’affiche comme but suprême ? Peut-on envisager sérieusement dans ce contexte de placer ses gains dans son propre pays où il rapporteront fatalement moins et moins rapidement que dans un paradis fiscal ? Peut-on envisager sérieusement de payer un impôt, si minime soit-il, alors qu'on peut facilement y échapper ?
Cela semble difficile à imaginer. Et enfin, peut-on envisager sérieusement de respecter la loi alors qu'aucun des dirigeants à la tête du pays ne la respecte plus depuis bien longtemps sans même s'en cacher et que le profit n'est justement régi par aucune loi, si ce n'est que « la fin justifie les moyens » et que tout est bon pour s'enrichir ?
En 2000, les exportations de l'Argentine représentent seulement 9 % de son PIB, ce qui est très peu et introduit un doute chez les investisseurs. Pour enrayer ce mouvement, il a fallu procéder à des augmentations spectaculaires des taux d'intérêt de façon à offrir des garanties contre le risque de change et contre un risque d'insolvabilité : en juin 2001, 29,5 29 500 000 000 de dollars d'obligations venant à échéance en 2005 sont échangés contre de nouveaux titres à plus long terme (jusqu'à 30 ans) en échange de taux d'intérêts plus rémunérateurs (en moyenne 15 %). Cela alourdit d'autant la facture des intérêts.
Entre 1996 et 2008, cette facture a doublé rien qu'en ce qui concerne la dette publique (4 600 000 000 de dollars en 96, 9 650 000 000 de dollars en 2000). Cette même année, les 39 700 000 000 de dollars de « fonds de secours », du FMI négociés dans le cadre du « plan de blindage financier » sont englouti dans la tourmente.
Le plan de parité péso-dollar est très contraignant : la masse monétaire dépend des réserves officielles du change qui évoluent elles-mêmes au gré du solde de la balance des paiements. Cela conduit à la limitation des retraits de la monnaie déposée auprès des banques : le péso est fort mais il n'y a plus de péso!
L'alignement du péso sur le dollar n'a été possible qu'au prix d'une formidable régression sociale. Entre 1991 et 1998 :
–la croissance est de 5 % (3,5 % pour l'ensemble de l'Amérique latine)
–la productivité par tête augmente de 30 % (moins de gens travaillent)
–le salaire moyen baisse de 3 %
–le chômage augmente près de 10 % (7 % en 92,17 % actuellement) sans parler du sous emploi
–enfin le partage des gains de productivité devient de plus en plus inégalitaire.
Les bénéfices de ce modèle sont accaparés par une couche sociale très étroite, ce qui est évidemment inacceptable mais ce modèle est aussi économiquement vicieux car l'absence de dynamisme du marché intérieur finit par décourager l'investissement et les classes dirigeantes se comportent comme des rentiers : en pleine crise, la bourse de Buenos Aires a monté en raison d'achats de titres facilement négociables en dollars (environ 120 000 000 000 de dollars de fuite de capitaux) ».
Pour conclure ce chapitre, il faut l’avouer assez rébarbatif, je laisse la parole à Michel Husson qui écrit dans son article intitulé « Cette mortelle fascination du dollar » paru dans « Le monde diplomatique », de ce mois-ci :
« L'impossible quête d'un taux de charge optimal fait ressortir l'incohérence du postulat sur lequel repose la mondialisation libérale. »… et, plus loin, « Les taux de change oscillent entre deux « attractivités » contradictoires qu'il faudrait exercer simultanément : attirer les acheteurs par des prix compétitifs (donc une monnaie plutôt sous-évaluée) et attirer des capitaux par des rendements solides ((donc une monnaie surévalué). »
Nous le voyons clairement à présent, l'hypothèse de base de ce système est fausse et c'est ce qui produit les crises. Cependant, si les responsabilités du FMI, de la banque Mondiale et du système néo-libéral sont énormes en Argentine, les Argentins, ou plutôt leur classe politique et leur classe possédante y ont aussi leur part, nous allons en parler maintenant.
La classe politique argentine.
« Nous sommes une classe dirigeante de merde et j'en fais partie, » déclarait récemment Eduardo Duhalde, ancien vice-président de Carlos Menem et tout nouveau président argentin. C'est le moins que l'on puisse dire. En effet, le détournement de fonds semble être devenu le sport national en l'Argentine. Cela, semble-t-il, a toujours touché « le haut de la pyramide », selon l'expression de Pierre Kalfon (« Dieu n'est plus Argentin », « Le monde diplomatique », février 2002), mais, pendant la période Péron, le mal s'étend aux autres strates de la pyramide et prend avec ses différents successeurs des proportions proprement hallucinantes : nous avons déjà parlé des 70 % des emprunts de la junte placés à leur nom propre dans des paradis fiscaux. Carlos Menem, quant à lui, aurait détourné une partie des 40 000 000 000 de dollars que ses privatisations massives ont rapporté et se serait comporté en « chef mafieux ». Ses comptes sont d'ailleurs actuellement bloqués et si la justice ne semble pas très pressée de lui faire rendre gorge, il reste sous le coup d'une inculpation avec interdiction de quitter le pays.
La population dénie donc toute légitimité à la classe politique et ne s’est pas gênée pour le faire savoir à grand renfort de casseroles. C'est d'ailleurs ce qui a entraîné la démission tout d'abord du ministre des finances, puis du Gouvernement tout entier et c'est aussi ce qui explique qu'il soit si difficile de former un Gouvernement qui soit accepté par le peuple.
Il ne faut pas oublier non plus que les partis de gauche ont été complètement laminés par les exactions de la junte (près de 30 000 morts et disparus qui, naturellement, n'étaient pas n'importe qui et qu'il est difficile de remplacer). Même le parti péroniste n'a conservé de Péron que les orientations de droite de son dernier mandat et pratique une politique économique néolibérale, nous l'avons vu. Cela fait deux raisons : corruption et néo,-libéralisme, pour que le peuple rejette ce parti, car il est bien évidemment conscient que c'est cette politique économique qui a conduit le pays à la catastrophe.
Car si la dette a tellement augmenté ces dernières années (multipliée par 2 sous le mandat de Carlos Menem), c'est que les dirigeants y ont trouvé leur compte de même que dans les privatisations massives imposées par le FMI dont ils ont détourné une grande partie. L'alliance de la corruption et du néo-libéralisme a donc produit le terreau fertile aux agissements du FMI, de la Banque Mondiale et des banques étrangères. Bien entendu, personne dans la classe politique n'a réagi et pour cause. Mais le peuple semble avoir repris la situation en main et être sorti de la léthargie dans laquelle l'avait plongé la terreur instaurée par la dictature militaire.
V La solution
La solution à la crise argentine est à la fois économique et politique, tout cela étant intimement lié.
Économiquement, les trois calamités qui pèse sur l'Argentine sont :
–la dette
––le néo libéralisme,
–le FMI et sa complice, la Banque Mondiale.
à quoi il faut ajouter la corruption de la classe politique.
Pour que le pays se relève, il faudrait donc un Gouvernement honnête qui renonce à appliquer une politique économique néo-liibérale, rompe avec le FMI et dénonce la dette comme odieuse. Déjà, il ne sera pas facile de trouver en Argentine un homme politique propre. De plus, rien de tout cela ne peut se faire sans une volonté politique réelle. Car pour sortir d'une crise pareille, il est bien évident qu'on ne peut se contenter de demi-mesures et que l'économie d'un pays, pour avoir un sens, doit d'abord avoir été pensée politiquement.
C'est déjà ce que pensait Che Guevara en 1966 :
« Tout part de la conception erronée de vouloir construire le socialisme avec des éléments du capitalisme sans réellement en changer la signification. C'est ainsi qu'on arrive à un système hybride qui mène à une voie sans issue difficile à percevoir dans l'immédiat mais qui oblige à de nouvelles concessions aux éléments économiques, c'est-à-dire à un retour en arrière. »
Françoise Lopez, 7 mars 2002
Deuxième partie: Après la crise
- L’homme politique propre: Nestor Kirchner
Président du 25 mai 2003 au 10 décembre 2007.
Prenant ses fonctions pendant la crise économique,
- il renégocie la dette publique,
- nationalise certaines entreprises stratégiques et
- crée d'importants programmes sociaux.
- Lors de son mandat, la pauvreté est divisée par deux.
- Il permet l'ouverture de procès sur les crimes commis pendant la dictature, mettant fin à 20 ans d’impunité.
Kirchner réussit, en février 2005, à renégocier la dette publique argentine, et obtient une réduction d'environ 70 % des 82 000 000 000 de dollars de la dette, que cette dette soit convertie en bons du Trésor et son remboursement échelonné sur 42 ans. Malgré l'opposition de ses partenaires (notamment l'Italie), il réussit à imposer cet accord grâce à un soutien massif de la population.
La popularité de Kirchner est largement due au redémarrage de l'économie, fruit de la dévaluation, donc d'un taux de change favorable aux exportations et à la baisse des importations, et à sa politique sociale.
Il finance d'importants programmes sociaux grâce aux taxes sur l'exportation, sur les produits exportés, notamment le soja. Le pays reste compétitif en raison de la dévaluation du peso.
Le taux de pauvreté diminue ainsi de moitié en 4 ans: pendant son mandat, il passe de plus de 47 % à 16 %.
Il est opposé au néolibéralisme et à l'ALCA, un vaste accord de libre-échange mis en place par le Gouvernementales Etats-Unis, qui subira une cuisante défaite à Mar del Plata (cf discours d’Hugo Chavez) et sera remplacée en Amérique Latine par l’ALBA-TCP.
Dans le domaine social,
- il instaure une allocation universelle pour les enfants.
- il étend le système de retraites
- il instaure la gratuité des secteurs publics (santé, éducation).
- il amorce une revalorisation progressive du budget de l'éducation afin de l'élever à 6 % du PIB en 2010 pour éliminer l’analphabétisme et généraliser la scolarisation des enfants en écoles maternelles.
II. Cristina Fernández de Kirchner,
10 décembre 2007 – 9 décembre 2015
La politique sociale de Cristina Fernández de Kirchner permet de faire baisser le taux de pauvreté de 26% à 22 % en 2010, et sort ainsi de la misère entre 1 400 000 et 1 800 000 personnes:
Relance de la consommation, grands travaux, et nationalisations, création de l'allocation universelle pour enfant, nationalisation des fonds de pension de retraite et égalité des pensions entre hommes et femmes.
En matière de droit du travail, le Gouvernement conclut aussi de nombreuses conventions collectives concernant les salaires mais améliorant aussi les conditions de travail (création de comités d'hygiène et de sécurité ; décret no 1694-2009, augmentant les indemnisations d'accidents du travail15, qui avaient été plafonnées sous Menem
Fin 2015, au terme de son deuxième mandat, les inégalités sociales se sont réduites et le PIB a augmenté. La croissance économique du pays, comparable à celle de la Chine au cours de la période 2003-2008, a été atteinte par la crise financière de 2008 et est retombée à environ 3 % par la suite. La politique de développement industriel, malgré des résultats jugés insuffisants, a permis d'éviter la dépendance envers les exportations de matières premières.
La dette publique, qui représentait 166 % du PIB en 2001, n’en représente plus que 40 % en 2016. Le chômage est tombé à un niveau historiquement bas (7 % en 2016 contre 25 % en 2001).
III Mauricio Macri
2015-2019
Favorable au patronat, aux investisseurs étrangers et aux agriculteurs, la politique économique de Mauricio Macri consiste à passer à un système plus libéral. L'objectif affiché est de permettre à l’Argentine de retrouver sa position sur les marchés internationaux et de regagner la confiance des investisseurs.
En ce qui concerne la dette, il rompt radicalement avec la politique des Gouvernements Kirchner. En 2016, le Parlement adopte une loi prévoyant le remboursement de 4 650 000 000 de dollars aux « fonds vautours » — qui mettaient sous pression l’économie argentine depuis 2001 —, ce qui permet au pays de faire son retour sur les marchés financiers pour la première fois depuis 15 ans. Un an après l'arrivée de Macri au pouvoir, la dette a augmenté de 30 points pour atteindre 53 % du PIB.
Mauricio Macri met un terme au contrôle des changes instauré en 2011 par Cristina Fernández de Kirchner pour stopper la fuite de devises du pays. Cette suppression brutale du contrôle des changes entraîne immédiatement des sorties massives de capitaux. La dévaluation de la monnaie nationale participe à une hausse de l’inflation — qui atteint 40 % en 2016 % et 30 % en 2018, après avoir oscillé entre 10 et 25 % à partir de 2011 — et à une réduction du pouvoir d'achat.
L’effondrement du peso enrichit ceux qui avaient eu la possibilité de transférer une part significative de leurs actifs à l’étranger.
En 2016, l'inflation s’élève à 25 % selon les chiffres du FMI, bien que la flexibilité des salaires, harmonisés à l'évolution du taux d'inflation, en atténue les conséquences
Après une période de récession en 2016 (- 1,8 %) due à l'ouverture à la concurrence, la croissance argentine repart à un rythme de 2,9 % en 2017. D’après les données de l'université catholique argentine, la pauvreté atteint 33 % de la population. Alors que les agences de notation relèvent la note des bons souverains argentins, le FMI accorde au pays un prêt de 50 000 000 000 de dollars – soit l'équivalent de 10 % de son PIB.
Entre janvier et septembre 2018, le peso argentin perd 50 % de sa valeur. Pour faire face à la dépréciation de la monnaie, la Banque centrale relève fortement son taux directeur et Mauricio Macri lance un plan d’austérité prévoyant la suppression d’une dizaine de ministères, l’augmentation des taxes à l’exportation, la réduction des budgets de l’éducation, de la science et de la santé.
En octobre 2019, environ 40 % des Argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté selon la chaîne nationale C5N (35 % selon les chiffres officiels, soit une augmentation de 30 % en un an). L’inflation dépasse les 54 % sur les 12 derniers mois et les 237 % depuis le début du mandat de Mauricio Macri. Les classes populaires ont de plus en plus de difficultés à se nourrir : selon la FAO, 5 000 000 d’Argentins souffrent d’une « insécurité alimentaire » grave sur la période 2016-2018, deux fois plus que pendant la période 2014-2016. Le taux de chômage dépasse les 10 % selon des chiffres officiels, vraisemblablement sous-évalués..
IV Alberto Fernandez
2019-2023
Prenant ses fonctions dans un contexte de forte crise économique (taux de pauvreté de 40 %, récession de 3,1 % pour l'année 2019, inflation de 55 %), Alberto Fernández annonce une série de mesures d'urgence économique : hausse des impôts pour les plus fortunés et la classe moyenne, avantages fiscaux pour les plus démunis, gel des tarifs des services publics pendant six mois, instauration d'une taxe de 30 % sur l'achat de devises étrangères ou encore hausse des taxes sur le secteur de l’agriculture. Il met en place plan de lutte contre la faim grâce à la distribution de bons alimentaires pour plus de 2 000 000 de personnes et augmente le salaire minimum.
Un accord de rééchelonnement de la dette argentine est signé le 3 mars 2022 avec le Fonds Monétaire International pour éviter un défaut de paiement sur un prêt de 57 000 000 000 de dollars accordé en 2018 au Gouvernement de Mauricio Macri. L’accord impose une réduction des déficits publics, une hausse des taux d’intérêt et des coupes significatives dans les subventions à l'énergie.Alberto Fernandez assure qu'aucune mesure d’austérité ne sera prise sur le plan social : « tous les droits de nos retraités seront préservés » et « aucune réforme du droit du travail » ni de « privatisation d’entreprises publiques » ne sont envisagées.
L'Argentine renoue avec la croissance en 2021 (+10,4 %) après trois années de forte récession, le taux de chômage passe de 13 % en 2020 à 7 % en 2022 et la pauvreté recule de 5 points en un an (42 % à 37 %). En revanche, l’inflation annuelle, alimentée par la guerre en Ukraine, dépasse les 60 %.
Pendant la pandémie, le Gouvernement met en place une série de mesures économiques — construction de huit hôpitaux d’urgences modulaires, augmentation des aides aux familles pauvres, aux retraités, aux chômeurs et aux femmes enceintes sans ressources financières, plafonnement des prix des médicaments et de 50 catégories de produits de première nécessité, aide financière aux petites entreprises — pour réduire l’effet du confinement sur l’économie.
Cependant, le bilan économique de son Gouvernement est jugé « particulièrement catastrophique » avec plus de 140 % d'inflation, 50 % de taux de pauvreté, une croissance en berne, des réserves de la Banque Centrale au plus bas et un énorme déficit du budget de l'État.
V Javier Milei
Élu, le 19 novembre 2023, Javier Milei ne laisse aucun doute sur ses intentions: « Tout ce qui peut être privatisé le sera. »
Dans son Gouvernement, se trouvent des personnalités issues du secteur privé et d'ancien ministre de Mauricio Macri.
Il milite pour la suppression de la Banque Centrale, l'adoption du dollar étasunien comme monnaie nationale, l'abrogation des mesures de contrôle des capitaux, la suppression des aides sociales, la fin de l'éducation gratuite, et propose de réduire de moitié les dépenses publiques en les faisant passer de 29% à 15 % du PIB. Il conteste l'existence du changement climatique, qui ne serait qu'une « invention socialiste ».
Les premières mesures:
Contre les médias publics :
- Fermeture de l'agence de presse d’Etat TELAM
Plus de 700 travailleurs sont licenciés sans préavis, le site d'information et le service de câble sont suspendus et une clôture a été érigée à la porte du bâtiment, situé au 531 rue Bolívar, sous la surveillance de la police fédérale et de la police municipale, afin d'empêcher le personnel d'y pénétrer.
- privatisation de la télévision publique et de la radio nationale
- Élimination de la chaîne, Telesur de la grille des médias opérant à travers la télévision digitale terrestre
- Suspension des réseaux sociaux et des sites des médias publics
La culture
Milei attaque une personnalité de la culture par semaine (21 journalistes ou travailleurs du domaine de la culture pendant ses 42 premiers jours de gouvernement)
- Suppression du soutien de l'État, à la foire du livre de Buenos Aires (l’une des plus importantes foires du livre du monde). Pour la première fois, l’Etat n'est pas représenté avec un stand officiel de la Maison Rose et aucun aucune personnalité officielle n'a assisté à son inauguration. Même pas la ministre de la culture.
- Le cinéma :
- suppression des fonds d’aide de l'Institut national du cinéma et des arts audiovisuels bien que le cinéma soit l'un des secteurs qui a eu le plus de croissance concernant la création d'emploi ces dernières années et que cet institut s'autofinance. Selon le syndicat des travailleurs de l'État, 170 personnes sont déjà au chômage et 645 autres emplois seraient menacés.
- privatisation d’écoles de cinéma, suppression de festivals, fermeture de salles…. Fermeture de l'institut national du cinéma et des arts audiovisuels est éliminations de l'institut national du théâtre et du fond national des arts.
- L'institut national de la musique et la commission nationale des bibliothèques populaires ne seront plus financés.
Autres domaines:
- Fermeture des unités de tourisme social. 500 emplois directs et 1000 emplois indirects sont en danger.
- Et CONICET, la plus haute institution scientifique nationale, est également concernée.
Les relations internationales
- Adhésion aux BRICS suspendue
- Rapprochement avec es USA et prise de distance envers la Chine
- Milei n’hésitant pas à insulter publiquement les dirigeants qui ne partagent pas ses idées, plusieurs pays ont déjà rompu les relations diplomatiques avec l'Argentine : la Colombie, l'Espagne, le Venezuela, la Colombie et la liste ne peut que s'allonger…
L’économie
Dans le domaine économique, Milei se reconnaît comme anarcho-capitaliste.
La dollaristion de l’économie est le point fort de son programme. Elle a été annoncée dès la campagne électorale et elle est déjà en marche.
Dans les jours qui ont suivi son investiture, dans un contexte d'une très forte inflation et d'un cours du peso sur le marché noir qui peut atteindre parfois les 1 000 pesos pour 1 dollar, il annonce la dévaluation du peso de 50 %, ce qui le fait passer de 400 pesos pour 1 dollar à 800 pesos pour 1 dollar. Il annonce des coupes budgétaires équivalentes à 20 000 000 000 de dollars, soit 5 % du produit intérieur brut (PIB), notamment à travers la réduction des subventions aux transports publics, à l'électricité, au gaz et à l'eau. L'ajustement « pèsera presque entièrement sur l'État et non sur le secteur privé », précise le président.
Dix jours plus tard, il annonce une série massive de dérégulations adopées par décret avec près de 300 mesures concernées. Fin décembre 2023, il annonce une nouvelle série de réformes comprenant 664 articles visant à « déréguler le commerce, les services et l'industrie sur l'ensemble du territoire national ».
Le décret de nécessité et d'urgence (DNU) comprend la fin des plafonds aux augmentations des mutuelles et des prix de produits de base, la dérégulation des services liés à Internet (pour ouvrir la porte à Starlink, l'entreprise du milliardaire Elon Musk en Argentine) et du marché immobilier, en particulier avec la fin de l'encadrement des loyers.
Il facilite également les privatisations, et s'attaque au droit du travail : la période d'essai pour tout nouvel emploi passe de 3 à 8 mois et les indemnités pour licenciement sont réduites.
Le 27 décembre 2023, Javier Milei présente son projet de « loi omnibus », qui, outre de nouvelles privatisations (41 entreprises publiques dont le géant pétrolier YPF et la compagnie aérienne Aerolíneas Argentinas), concède les pleins pouvoirs à l’exécutif et l’autorise à gouverner par décrets au moins jusqu'à la fin 2025. Elle restreint aussi le droit à manifester.
La grève générale du 24 janvier 2024, organisée par les syndicats, est accompagnée d'imposantes manifestations dans tout le pays. En réaction, le gouvernement menace de suspendre les allocations des manifestants et annonce qu'il ferait payer aux mouvements sociaux la facture du déploiement des policiers et gendarmes venus encadrer les cortèges.
Les conséquences
- Le règlement des loyers peut se faire en kilos de bœuf ou en litres de lait, mais ces aliments deviennent de plus en plus inaccessibles du fait des pénuries, et les salaires ne suivent pas le niveau de l’inflation.
- Le prix du billet de bus grimpe de 45 % entre décembre et janvier, puis de nouveau de 250 % en février.
- L'inflation s'accélère et atteint un taux annuel de 211%.
- Le président déclare : « Si l'on prend le chiffre seul, isolé, c'est horrible. Et c'est vrai. Mais il faut regarder où nous étions et quelle était la tendance. »
- Le taux de pauvreté dans le pays atteint désormais 50 % (les premières mesures ont fait basculer 2 500 000 personnes de plus dans la pauvreté). Selon une étude de l'université catholique argentine, il est de 57 % en février, soit une hausse de 13 points depuis l'entrée en fonction de Javier Milei.
- Le Fonds monétaire international (FMI) salue ces réformes mais revoit fortement à la baisse les perspectives de croissance de l'Argentine qui passent de 2,8 % pour 2024 à une récession de 2,8 %, soit une révision de 5,6% sous l'effet des mesures d'austérité.
- Le FMI décide d'accorder à l'Argentine un prêt de 4 700 000 000 de dollars.
Et on connaît les conséquences pour le peuple des prêts accordés par FMI à leur pays… On n'en est plus au « système hybride » dont parlait Che Guevara !
Françoise Lopez, 24 mai 2024
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