Bolivie : La nationalisation garantit le contrôle du Gouvernement sur le lithium
Par Lorenzo Santiago,
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos
La production du minerai en Bolivie fait partie des objectifs du Gouvernement des États-Unis, qui disputent à la Chine, l'accès au lithium.
Les États-Unis et la Bolivie s'affrontent ce dimanche lors de la première journée de la coupe d'Amérique dans l'état de Dallas. Mais les deux pays sont également en compétition hors du stade pour une ressource essentielle pour l'industrie des États-Unis : le lithium.
La Bolivie possède la plus importante réserve de lithium dans le monde. Il y a environ 23 000 000 de tonnes concentrées dans le sud du pays. La région connue sous le nom de Saline d’Uyuni, fait partie d'un triangle de grandes réserves avec l'Argentine–17 000 000 de tonnes–et le Chili– 9 300 000 tonnes-.
La demande de ce minerai a énormément augmenté pendant ces dernières années après la croissance de la production de voitures électriques. L'industrie dépend du lithium pour fabriquer des batteries à haut rendement pour les véhicules. Alors, le prix du produit a augmenté et, en 13 ans, il est passé de 5000 $ étasuniens (27 000 réaux) par tonne de carbonate en 2010 à plus de 80 000 $ étasuniens en 2020. En 2023, le prix est descendu à 23 000 $ étasuniens et les experts y voient une chute des ventes de voiture électrique en Chine.
Les États-Unis sont en train d'essayer de contrôler la production de lithium du pays pour éviter la concurrence de la Chine et de la Russie dans la région. Cela a été encore plus clair lors d'une conférence de la chambre des représentants des États-Unis en mars 2023. La chef du Commandement Sud, Laura Richardson, a dit que le triangle du lithium est traité comme une « question de sécurité nationale dans notre arrière-cour. »
Le professeur Paulo Niccoli Ramírez avait déjà exposé cette situation dans son livre « Le coup d'Etat de 2019 en Bolivie–l'impérialisme contre Evo Morales. » Selon lui, les États-Unis ont participé directement au coup d'État contre Evo Morales en 2019 et avaient le lithium comme principal objectif.
Le Gouvernement bolivien a adopté une stratégie pour conserver cette ressource à l'État et a formé des alliances stratégiques avec d'autres pays qui possèdent la technologie pour exploiter le minerai. L'État a créé la loi 928 qui donne la priorité à la souveraine nationale dans la production de lithium avec la totale participation de la compagnie d'état YLB à toutes les étapes de la production. De plus, il a mis en place la technologie qu’on appelle extraction directe du lithium (EDL) par le Gouvernement, une technologie moins contaminante et qui utilise moins d'eau pour nettoyer le lithium cru.
L'idée du Gouvernement est qu'avec le temps, le pays lui-même ait la capacité de produire les outils nécessaires à l'extraction du lithium.
Dans le plan d'industrialisation de cette chaîne de production, le pays a signé en 2023 une association avec la Chine pour éteindre la capacité de production annuelle du composé chimique. Le consortium CBC–composé par les compagnies chinoises Contemporary Amperex Technology Limited (CATL), Brunp et China Molybdenum Company Limited (CMOC)–est chargé d'installer deux usines de production de carbonate de lithium dans les salines boliviennes de Coipasa et Uyuni.
La compagnie Uranium One Group, une branche de la compagnie d'État russe Rosatom, a aussi signé un projet qui accepte les conditions du Gouvernement bolivien pour réaliser des essais et des projets pilotes dans le pays.
Avec un investissement de plus de 1000 000 000 de $ (presque 5 200 000 000 de réaux, chaque usine aura une capacité de production de 25 000 tonnes de carbonate de lithium par an. En 2022, la production bolivienne du minerai a été d’à peine 600 tonnes selon YLB.
Pour l'économiste bolivien Martin Moreira, l'idéal serait que le pays ait le contrôle de la production et les relations avec les États-Unis ne sont pas positives dans ce sens.
« Plus que tout, nous devons conserver la souveraineté du pays et faire des affaires avec les États-Unis signifie perdre cette souveraineté et accepter leurs conditions. Dans ces conditions, nous cherchons à ne pas négocier avec des entreprises qui posent les mêmes conditions que le pays du Nord mais nous pouvons négocier avec des investisseurs qui acceptent les conditions de notre pays concernant l'exploration des ressources minérales stratégiques et ne restreignent pas la libre gestion d'YLB comme l'entreprise qui nous guidera. L'idée est que les entreprises des autres pays répondent à cette stratégie d'entreprise bolivienne, », a-t-il dit à Brazil de Fato.
La nationalisation de la production des ressources minérales en 2008 et en 2017 avec la création de la compagnie YLB a permis de concentrer les investissements et les exportations dans cette zone vers la structure publique du pays. Pour Moreira, cela a résolu la plupart des problèmes structuraux du pays.
« Grâce à la nationalisation, les problèmes structurels de l'a Bolivie, depuis les infrastructures jusqu'à la santé et l'éducation ont pu être résolus. Maintenant, le lithium est notre opportunité pour attirer des investissements et des devises dans le pays, », a-t-il affirmé.
Que font les autres pays de la région avec leurs lithium ?
À la différence de la Bolivie, au Chili et en Argentine, le lithium n'est pas nationalisé. Au Chili, certains membres de l'assemblée constituante ont présenté en 2022 des propositions destinées à réguler l'exploitation minière chilienne de cuivre et de lithium et à mettre fin aux concession privées en affirmant la souveraineté de l'État sur ces explorations. Mais ces propositions ont été rejetées par la Convention constitutionnelle et ne sont même pas arrivées au texte final de la première version de la nouvelle Constitution qui a également fini par être rejetée lors d'un plébiscite.
Le débat sur la nationalisation du lithium en Argentine a pris plus d'importance ces dernières années avec des propositions destinées à créer une compagnie d'État du lithium , propositions discutées dans un pays dans lequel les actifs miniers appartiennent aux provinces. Le secteur patronal argentin représenté par la Chambre Argentine des Patrons de Mines (CEM), l'Union Industrielle Argentine (UIA) et la Chambre Argentine de la Construction (CAMARCO) s’est opposé à cette initiative.
Avec 880 000 tonnes de réserves de lithium identifiées, le Pérou occupe la 13e place sur la liste du service géologique des États-Unis (l'agence des États-Unis responsable des ressources naturelles). Deux mois avant le coup d'Etat contre Pedro Castillo, ce qu'on appelle le le Bloque Magisterial de Concertación Nacional a présenté au parlement péruvien un projet de loi, destiné à nationaliser la prospection, l'exploration et l'industrialisation du lithium dans le pays.
Montage : Rodrigo Durão Coelho
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