Colombie : La ministre communiste qui a sauvé les réformes de Gustavo Pétro
Par Juan Miguel Hernández Bonilla
Traduction Françoise Lopez, pour Amérique latine-Bolivar infos
La responsable du ministère du travail a obtenu que le Congrès approuve la réforme des pensions, la plus grande victoire politique du gouvernement, et à éviter que la réforme du travail ne fasse naufrage dans la dernière ligne droite.
La ministre du travail de Colombie, Gloria Inés Ramirez, est calme et satisfaite. Avec une autorité sereine, elle a réussi en une semaine à concrétiser deux des réussites politiques les plus importantes du Gouvernement de Gustavo Petro pendant cette dernière année : l'approbation de la réforme des pensions et le sauvetage de la réforme du travail. Deux avancées qui contrastent avec l'échec retentissant de la réforme de la santé. Ramirez est heureuse que son travail aide à améliorer les conditions de vie des gens des plus défavorisés: « Avec le pilier solidaire de la réforme des pensions, nous allons sortir de l'extrême pauvreté plus de 2 500 000 vieux qui, aujourd'hui, sont sans protection, nous allons leur donner un revenu de base qui leur permettra de vivre dignement leur vieillesse, » a-t-elle dit au téléphone.
Ramirez et l'un des cinq ministres qui sont dans le Gouvernement de Pétro depuis le début. Elle a survécu aux trois grands changements de cabinet, et tout semble indiquer qu'elle survivra aussi au suivant que le président a annoncé la semaine dernière. Son nom n'apparaît dans aucune des rumeurs sur les ministres qui quitteront leur poste. L'approbation de la réforme des pensions l’a mise au centre de l’attention médiatique et politique. Les critiques concernant son militantisme communiste et sa proximité avec le chavisme qui sont apparues sur les réseaux sociaux quand Pétro l'a, nommée ont cédé la place aux éloge de différents secteurs politiques. Le chercheur et professeur de l'université Externado, Jorge Ivan Cuervo, a résumé ainsi la perception concernant la première ministre d'origine communiste du pays: « Elle a été la figure indiscutable du Gouvernement dans les démarches de cette législature. Elle a compris la nécessité de s'ouvrir au consensus et de faire la tâche de gestion et de suivi des projets, » a-t-il écrit sur son compte X.
Dans une ancienne interview accordée à El Pais, Ramirez se définissait comme une maîtresse d'école, une dirigeante syndicale, une femme de gauche et une féministe. Elle est également l'une des dirigeantes les plus en vue du Parti Communiste de Colombie et de l'Union Patriotique. Pendant plusieurs années, elle a été présidente de la Fédération Colombienne des Educateurs, un syndicat qui compte environ 300 000 adhérents dans un pays avec un taux de syndicalisation bas et directrice de la Centrale Unitaire des Travailleurs de Colombie, la centrale ouvrière la plus importante du pays.
De 2006 à 2014, elle a été l'une des sénatrices qui se sont opposées avec véhémence aux politiques économiques de l'ancien président Álvaro Uribe. En effet, l'un des drapeaux de sa réforme du travail qui a été sauvé au premier débat à la Chambre des Représentants est de replacer la surtaxe de nuit à 19h, comme avant que ce Gouvernement réussisse à la déplacer à 21h et de rétablir le paiement à 100 % des dimanches et des jours fériés.
Les personnes proche d'elle sont d'accord pour dire que la capacité de dialogue et le talent tranquille de la ministre ont été essentiels pour réussir à faire aboutir les deux grandes réformes sociales du président au Congrès. Quelques mois auparavant, Ramirez avait déjà donné des preuves de ses capacités de négociation. En décembre 2022, elle avait réussi, contre toute attente, à mettre d'accord les syndicats et les entreprises sur une augmentation du salaire minimum, quelque chose qu'on n’obtient pas toujours même avec des gouvernements de tendance plus traditionnelles que l’actuel: « Ma formation politique m'a aidé à concilier les différences, » a dit la ministre. Et elle a ajouté : « Je pense profondément que les conflits se règlent par la voie du dialogue, c'est ma plus grande conviction. » Ramirez est licenciée en physique et en mathématiques, spécialiste droit du travail et possède une maîtrise en développement social et éducatif.
Ramirez a amené au ministère du travail des personnes de confiance, comme c'est naturel, mais n'a pas hésité à maintenir à des postes importants des fonctionnaires qui venait du Gouvernement précédent. Bien que cela puisse sembler illogique, conserver dans son cercle des personnes capables qui viennent d'un Gouvernement idéologiquement opposé alors que dans d'autres ministères, ces personnes sont vues avec suspicion, est un trait de personnalité qui peut être à l'origine de son succès dans les négociations. Elle est radicale dans les principes, mais prête à trouver des points communs pour avancer: « Nous savions que le système de pensions que nous avons aujourd'hui est insoutenable, qu'il fallait le changer pour un régime de piliers qui garantissent la soutenabilité fiscale et qui élargisse la couverture. Aujourd'hui, seulement une personne sur quatre en âge de prendre sa retraite à une pension. »
Comment faire une transformation profonde du système, malgré le puissant lobby des fonds privés qui a beaucoup d'alliés au congrès ? Les clés ont été écouté, de céder et de mettre d'accord. Ramirez et les membres du Congrès appartenant au Pacte Historique ont donné la priorité au pacte avec les groupes indépendants, même en passant par-dessus les souhaits du président Pétro. La réforme a obtenu le soutien de la majorité des membres du congrès, du Parti lLbéral, de la U et du parti conservateur, en maintenant le seuil jusqu'auquel les citoyens doivent contribuer au fonds public Colpensiones à 2,3 salaires minimums et non aux 4 salaires minimums que Petro avait promis lors de sa campagne et sur lesquels il avait insisté même après avoir conclu l'accord qui a sauvé la réforme au cours de son processus législatif. « Nous rêverons toujours que ce soit plus, mais la réalité est différente, nous devons être pragmatiques au Congrès », déclare. Ramírez.
Ce pragmatisme m'a aussi permis à Ramirez d'accepter que la septième commission de la chambre élimine un bloc de 20 articles sur les droits syndicaux et collectifs, pour que la réforme du travail puisse être sauvée. Si elle n'avait pas cédé, le projet n'aurait pas avancé et aurait été une autre défaite politique de Petro. Mais, dit-elle, elle n'a fait que respecter les instructions du président : « Ses ordres étaient d’écouter pour pouvoir pouvoir avancer. »
La capacité de Ramirez à obtenir des accords pour faire avancer les réformes dont elle avait la charge contraste, par exemple, avec les effroyables naufrages de la réforme de la santé à la septième commission du Sénat, et avec le naufrage de la réforme statutaire de l'éducation lors de son dernier débat. L'échec de la réforme sanitaire est dû en partie à l'intransigeance du Gouvernement et à l'attitude de confrontation des ministres de la santé, d'abord Carolina Corcho et, à la fin, Guillermo, Alfonso, Jaramillo. En ce qui concerne l'éducation, c'est le contraire qui s'est passé: dans son désir d'obtenir des accord avec l'opposition, la ministre Aurora Vergara a tellement cédé que Fecode et beaucoup de secteurs proches du pétrisme ont eu l'impression que le projet avait trahi ses principes et s’y sont opposés jusqu'à le faire tomber.
Avec la réforme des pensions et du travail, Ramirez a obtenu un équilibre réussi en arrivant à des accords sans céder sur les principes. Cela en fait l'une des plus en vue du Gouvernement. Elle reconnaît que les deux moments les plus difficiles dans les démarches concernant la réforme des pensions ont été à la septième commission du Sénat, quand les termes du processus de transition pour les hommes et les femmes ont été discutés et au moment du vote en session plénière du Sénat, pour fixer la date d'entrée en vigueur de la loi : « Le Centre Démocratique et Changement Radical voulaient qu'elle soit fixée en 2028, et d'autres secteurs plus modérés que ce soit en 2026, » dit Ramirez. Et elle plaisante : « Nous n'allions pas installer l'autel pour qu'un autre dise la messe. » Finalement, le Gouvernement a obtenu que la date d'entrée et en vigueur soit juillet 2025 comme prévu. Face au vote à la Chambre des Représentants qui a décidé de ne pas soumettre au débat le texte du Sénat, Ramirez affirme que c'était la seule façon de le sauver : « Ce n'est pas la première fois que cela arrive au Congrès, et ce ne sera pas la dernière. Dans le peu de tant que nous avions, la conciliation était impossible. »
Le président Gustavo Preto a reconnu son travail et s'est réjouit de l'approbation de la réforme des pensions : « C'est la principale conquête sociale du peuple travailleur de Colombie depuis longtemps. 2 000 000 de personnes qui ont donné leur vie en travaillant recevront un bon de pension digne pendant leur vieillesse, » a écrit le premier président de gauche de Colombie sur son compte X. Et il a ajouté : « C'est la première grande réforme du Gouvernement du changement qui est approuvée.. La réforme des pensions progressiste est aujourd’hui une loi de la République. Nous commençons à sortir du néolibéralisme et nous entrons dans la construction de l'État social de droit et de paix.
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