Venezuela : La véritable portée du pari sur le gaz naturel
Traduction Françoise Lopez, pour Amérique latine-Bolivar infos
L'année dernière, le président Nicolas Maduro a fait savoir que le Venezuela se trouve dans un processus de validation de plus de 50 blocs de gaz naturel dans la zone côtière nord : « Aujourd'hui, nous sommes en train de faire une certification de ce qui pourrait s'appeler « la bande caribéenne de gaz », nous pourrions parler de la quatrième réserve de gaz du monde. »
Cette initiative du Gouvernement fait partie d'un effort plus large pour diversifier l'économie vénézuélienne, qui dépendait traditionnellement de l'exportation de pétrole dans un contexte de coopération avec des parties intéressées pour avancer dans la gestion du gaz naturel.
Ce point de vue vers le développement du secteur du gaz vénézuélien répond non seulement aux besoins internes de diversification déjà évoqué, mais s’insère aussi dans les circonstances géopolitiques actuelles.
En particulier, dans le contexte de l'escalade du conflit en Ukraine, les sanctions des États-Unis et de l'Union européenne envers le secteur du gaz russe on perturbé de façon importante la carte énergétique en amenant les pays consommateurs à chercher de nouvelles sources de fourniture de gaz naturel pour garantir leur sécurité énergétique.
C'est pourquoi le Venezuela, avec ses larges réserve et sa position stratégique, à émerger, comme une variable importante dans l'équation commerciale de cet hydrocarbure, même avec le régime de sanctions en place.
Perspectives stratégiques
Le champ Perle, dans la péninsule de Paraguana, et reconnu, comme la découverte la plus importante d'un gisement de gaz naturel en Amérique latine. en 2015, lors de l'essai de production, il a atteint environ 150 000 000 de pieds cubes de gaz par jour (4.247.500 m3 selon mes calculs… (note de la traductrice)
D'autre part, les estimations pour le Champ Dragon, sur les côtes de l'État de Sucre, sont de plus de 150 000 000 de pieds cubes par jour de production pour la première année avec des plans d'augmentation à 300 000 000 (donc, 8 495 000 m3) plus tard.
L'ingénieur président de PetroPymi, Reinaldo Quintero, consulté pour cet article, explique qu'aussi bien le projet du Champ Perle, développé en collaboration avec ENI et REPSOL que celui du Champ Dragon développé en société avec Trinidad et Tobago ont des perspectives très prometteuses sur le marché étant donné les grandes réserves prouvées qu'ils possèdent.
Quintero affirme : « Trinidad et Tobago pourrait activer des trains de liquéfaction, des usines pétrochimiques ou des aciéries. En effet, on dit que le manque de fournitures de gaz pour ce pays représente la perte de 13 000 emplois directs, », ce qui souligne l'importance de ces projets pour son économie, car presque 80 % des revenus du pays sont dûs à l'exportation de gaz dont la production a diminué de façon notable depuis 10 ans.
On a aussi consulté le député à l'Assemblée nationale William Rodríguez sur les perspectives des projets concernant le gaz au Venezuela, et il nous a répondu : « il y a deux projets offshore, qui ont de grandes perspectives, l’un est celui pour lequel on a accordé une licence à la Russie et qui se trouve dans les champs de Patao et de Mejillones dans l'état de Sucre. Et l'autre qui va avoir les meilleurs opportunités est le projet multi-clients à Cardon IV , qui est notre premier projet offshore opérationnel. »
Le député a souligné que ces modèles d'affaires sont conçus pour générer des revenus substantiels à travers des impôts, des royalties et des paiements en espèces et il a affirmé que la priorité de ce modèle est de subvenir à la demande intérieure.
« Le passage de l'importation à l'exportation du Cardon IV, par exemple, est possible tant que le marché intérieur est satisfait. C'est important car le marché intérieur est une priorité pour la nation. Cependant, il existe d'autres opportunités en terre qui pourraient être développées pour satisfaire le marché intérieur et abandonner ce gaz cher, qui est le gaz offshore, pour de grands investissements et pour l'exportation », a conclu le député.
Le critère de cette politique est régi par le corpus juridique relatif à l'exploitation et à la commercialisation du gaz naturel dans le pays, qui reflète un engagement en faveur de la souveraineté nationale.
L'État se réserve l'exportation de gaz naturel mais peut accorder des opportunités attractives à des entreprises privées pour qu'elles y participent quand la situation du pays le demande. C'est pourquoi on a réaffirmé que l'exportation de gaz naturel est soumise à la demande intérieure et on a ajouté que la sécurité énergétique du pays était prépondérance.
Exportation et revenus de l’État
Quintero, avec une vision fondée sur le développement soutenable, suggère que si le pays réussit à se renforcer en tant que puissance productrice de gaz à moyen terme, non seulement cela établira un marché d'exportation robuste mais cela donnera aussi un nouvel élan à des secteurs vitaux comme le secteur électrique, celui du raffinage, celui de la pétrochimie et celui de la sidérurgie.
L'ingénieur estime qu'atteindre une production quotidienne de 12 000 000 000 de pieds cubes de gaz permettrait non seulement de fournir et d'exporter mais aussi de libérer les mégawatts nécessaires pour la génération d'électricité qui dépend actuellement du diesel.
« En Colombie, le gaz est arrivé à coûter jusqu'à 16 $ le million de BTU alors que nous, nous pourrions l'exporter à un prix compétitif entre 4 et 6 dollars le million de BTU. » Cette différence représente une opportunité stratégique aussi bien pour le pays que pour la région.
Pour sa part, le député Rodriguez a souligné la nécessité impérieuse que le Venezuela renforce son secteur du gaz en utilisant ses propres revenus découlant de cette ressource.
Selon le parlementaire, le pays devrait diversifier les utilisations pour garantir un parc automobile qui fonctionne au gaz naturel, une génération thermoélectrique au gaz et ainsi augmenter la capacité pétrochimique et industrielle du pays.
Il a également déclaré qu'il « est important de diversifier les noeuds de transport du gaz, que ce soit, grâce à des gazoduc, du gaz liquéfié ou du gaz comprimé, ce qui inclut la mise en place de gazoducs virtuels. »
Le député Rodriguez a ajouté d'autres choses importantes :
- Infrastructure et diversification. « Les infrastructures pour le gaz au Venezuela sont concentrées dans le nord du pays, c'est pourquoi diversifier son utilisation demandera de nouveaux projets qui couvrent tout le territoire national et profitent au secteur agricole, industriel et commerciaux. »
- Exportation de gaz naturel liquide (GNL). « Le Venezuela pourrait entrer sur le marché du GNL vers l'Europe ou l'Asie à un moment où les prix sont historiquement élevés. Ce serait une opportunité stratégique pour le pays. »
- Chaîne de valeur. « Bien que l'on puisse initialement choisir de sous-traiter ou de vendre à des conditions CIF (coût, assurance et fret ; port de destination convenu), le véritable succès du commerce du gaz réside dans l'établissement d'une chaîne de valeur et de transport qui garantisse la rentabilité pour tous les acteurs concernés. Sans rentabilité, le gaz ne peut être ni traité ni transporté ».
En résumé, les deux experts sont d'accord sur le fait que cet hydrocarbure est appelée à reconfigurer l'économie du pays non seulement en générant des devises mais aussi en s’alignant sur la stratégie gouvernementale de diversification des exportations.
Même si ce processus assure de nouveaux revenus au pays, il s'agit aussi d'un mouvement intégral destiné à dynamiser et à revitaliser les secteurs de production sur tout le territoire vénézuélien.
Les affaires sous le régime de sanctions
Dans le contexte des sanctions imposées au Venezuela, l'industrie du pétrole a affronté des restrictions sans précédent qui ont porté atteinte à sa capacité opérationnelle et financière. Cet environnement hostile a précipité un changement abrupt dans la façon dont les termes et les accords concernant les hydrocarbures sont réalisés. Face à cette réalité, le Gouvernement vénézuélien a adopté des stratégies innovantes pour maintenir les opérations et le rétablissement du secteur en renforçant des voies légitimes qui permettent le bon fonctionnement de l’industrie.
Ces stratégies ont compris une revalorisation du rôle des travailleurs de l'industrie dans l'organisation ainsi que le renforcement des liens avec des alliés internationaux qui partagent des intérêts stratégiques dans le domaine énergétique. Le modèle d'affaires concernant les hydrocarbures s'est redéfini comme un système pragmatique dont le pivot est la protection de la souveraineté énergétique du pays.
Et le député a expliqué la diversité des schémas dans les affaires concernant le gaz :
« La loi sur les hydrocarbures gazeux comprend des modèles d'affaires différents de ce concernant les hydrocarbures liquide. Il est vrai qu'il peut exister des entreprises mixtes, comme Gasguárico et Hipergas qui opère sous des licences auxquelles participe PDV S. Mais il est également possible qu'il y ait une participation privée de 100 % comme à Cardon IV et comme éventuellement ce sera le cas dans le projet Dragon ainsi que dans la licence accordée pour le bloc Patao-Mejillones ».
Et Quintero a fait remarquer que chaque modèle associatif présente des particularités propres à la perspective à développer dans le cadre de la loi anti-blocus.
Rodriguez a aussi expliqué que le pays obtient des bénéfices significatifs à travers des royalties « qui atteignent 20 %, selon ce qui est stipulé dans la loi organique sur les hydrocarbures gazeux et 35 % en impôts sur les revenus. » Cela implique que même sans participation directe, le Venezuela obtient des bénéfices substantiels.
La conversation avec les spécialistes révèle que le modèle concernant le gaz au Venezuela est un terrain d'opportunités variées sur lequel coexistent des entreprises mixtes et, grâce à des licences, la participation privée. Ce qui était essentiel, c'est qu’à travers les mécanisme établis, le Venezuela obtient des revenus considérables qui peuvent être réinvestis dans le développement de la capacité destinée à diversifier ses secteurs de production.
La souveraineté
Ces dernières années, le Venezuela a affronté une déstabilisation permanente patronnée par les États-Unis. Avec un intérêt évident pour les vastes réserves d'hydrocarbures du Venezuela, Washington cherche à renforcer sa sécurité énergétique et, par suite, à monopoliser un quota important du marché international qui revient au Venezuela.
Cet ordre du jour vise non seulement à briser la souveraineté vénézuélienne mais a aussi réussi à s'infiltrer grâce à des natifs qui se sont immergés dans la politique locale pour agir en faveur des intérêts de la Maison Blanche, et ont même en proposé la création d'une agence qui gère le secteur énergétique de manière privée.
Mais ce modèle met en danger la capacité du pays à mettre en place des politiques publiques qui profitent à la majorité puisque la gestion privée et t'orienter vers l’obtention des bénéfices les plus élevés pour ses administrateurs.
C'est pourquoi on a demandé aux experts ce que signifie le fait que ce soit l'État souverain qui gère ce nouveau secteur de l'industrie des hydrocarbures et pourquoi il y a eu eu des propositions pour que ce soit une agence de nature privée qui administre ces nouveaux projets.
Quintero soutient que les hydrocarbures considérés comme des biens stratégiques doivent être sous la tutelle de l'État. Il affirme que l'incorporation de ressources de secteurs privés qu'ils soient nationaux ou internationaux peut être mené à bien grâce à des modèles associatif qui s'ajustent à la législation vénézuélienne. Et il souligne que « la souveraineté est un droit non négociable de la nation, bien qu'on puisse faire des accords pour des opérations qui respectent les formats existants, toujours à condition qu'on qu'on paye des royalties et des impôts justes au pays. »
Rodriguez complète cette vision en expliquant que la structure de l'État doit garder une domination totale sur les hydrocarbures gazeux en appliquant une organisation comme celle que possède PDVSA. Et il dit que pour les licences de gaz, il faut présenter un plan de développement qui respecte certains profils de production et doit être supervisé par le ministère du pétrole : « C'est la responsabilité de l'État. »
Le dilemme posé par la droite vénézuélienne entre la gestion étatique et la privatisation du secteur de l'énergie dépasse le cadre purement administratif. Il s'agit d'un débat fondamental sur l'avenir de la souveraineté au Venezuela, dans un contexte où les menaces extérieures cherchent à imposer des ordres du jour qui favorisent leurs propres intérêts.
Ainsi, le grand pari du Venezuela s'oriente vers le développement de son marché du gaz, une ressource qui pourrait renforcer sa position sur le marché mondial de l'énergie et assurer une source de revenus stable, soutenable et souveraine au pays.
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