Argentine : Le Gouvernement restreint par décret l'accès à l'information publique
Par Melisa Molina,
Traduction Françoise Lopez pour amérique latine-Bolivar Infos
Le DNU qui porte la signature de Francos et Milei limite la liberté des citoyens de consulter les données sur la gestion. Les critiques ont plu de tous les espaces politiques. « Sous prétexte de changer la réglementation de la loi, ils rendent l'État plus opaque et moins transparent », a déclaré le CELS. « Un fonctionnaire ne pourra plus jamais dire ce que nous pouvons demander et ce qu'on ne peut pas », a déclaré l'UCR.
Le Gouvernement, avec la signature du président Javier Milei et du chef de cabinet Guillermo Francos, a publié au Journal officiel le décret 780/2024 qui réglemente la loi 27.275 sur l'accès à l'information publique (approuvée en 2016) et a modifié la norme réglementaire précédente, le décret 206/2017.
Grâce à cela, ce que le Gouvernement qui se dit lui-même « libéral » a fait, c'est de limiter la liberté des citoyens de poser des questions d'intérêt public en faisant une différence arbitraire entre « information publique » et « données de nature privée » et de chercher à poursuivre ceux qui posent des questions gênantes sous la figure de la « mauvaise foi », entre autres questions. « Le Gouvernement légifère à nouveau par décret pour restreindre l'accès à l'information publique », a dénoncé le Centre d'études juridiques et sociales (CELS). L'organisme a ajouté: "Ssous prétexte de modifier la réglementation de la loi, ils rendent l'État plus opaque et moins transparent. »
Dans la même édition du Journal officiel dans laquelle le veto à la nouvelle loi sur la mobilité des retraités est sorti, le Gouvernement a officialisé le décret 780 avec la signature de Milei et de Francos qui vise à limiter l'accès à l'information publique. À l’article 2, en réglementant l'article 3 de la loi 27.275, le décret limite la notion d'« information publique », en excluant toute information contenant des données de « nature privée ». « Il exclut par sa nature les informations concernant le domaine privé du fonctionnaire ou du magistrat, en particulier lorsque la demande vise à entrer dans une sphère typiquement domestique, » dit-il.
En outre, il exclut les « délibérations préparatoires, les documents de travail ou l'examen préliminaire de l'affaire » et le limite aux registres générés, contrôlés ou conservés par l'activité de l'État. Ce point a suscité un rejet particulier de la part de l'avocat constitutionnaliste Gil Domínguez : « De cette manière, les « apports du secteur privé » sont particulièrement protégées, ce qui finit par définir les contours des politiques publiques », a-t-il déclaré. Le décret, a déclaré Gil Domínguez, « porte atteinte à un droit considéré comme essentiel au système démocratique et renforce un système qui tente d'éteindre les voix divergentes et le pluralisme idéologique. »
La réponse n'a pas tardé à venir du Congrès de la nation. Le bloc Rencontre Fédérale, présidé par Miguel Ángel Pichetto, a demandé à Francos et au chef de l'Agence d'accès à l'information publique « d’informer" sur une série de questions telles que, par exemple, s'il était nécessaire et pertinent de « mettre en place des mesures qui restreignent l'accès à l'information publique », et les raisons - si nécessaire - de le faire. En outre, ils ont demandé si l'AAIP a été consultée sur la portée du décret et quelle était sa position à ce sujet.
Les députés signataires - avec Margarita Stolbizer à leur tête - ont également demandé si l'Exécutif avait consulté l'une des entités ou organismes de la société civile de référence en la matière - dans cette liste aurait pu être l'ACIJ, le CELS ou le pouvoir citoyen, parmi beaucoup d'autres -, ce qui est clair, c’est qu'il ne l’a pas fait.
Les critiques se sont également répétées à l'UCR. La députée Carla Carrizo a déclaré : «
Ce n’est pas la peine de se percevoir comme le plus grand défenseur des idées de liberté dans le monde et en tant que président de l'Argentine, de limiter le droit à l'information publique en décrétant le secret comme raison d’État ». Dans le même ordre d'idées, sa coreligionnaire Karina Banfi a ajouté : « L'accès à l'information publique est un droit de l'homme. L'État protège, ordonne et met à disposition. Plus jamais un fonctionnaire ne pourra dire ce que nous pouvons demander et ce que nous ne pouvons pas. »
La réponse du Gouvernement
A la Maison Rose, ils s'en prennent aux critiques et disent que ce qu'ils ont fait, c'est « simplement réglementer une loi qui n'était pas réglementée ». « C'était mal fait. Ils l'ont sous Macri, les génis de la gestion qui ont tout fait à moitié », disent-ils et ils en profitent pour critiquer l'ancien président Macri.
Ensuite, ils estiment que « le privé n'a rien à voir avec la gestion de l’État", et qu'il « y a des choses de la gestion de l'État auxquelles on ne doit pas ou ne peut pas répondre parce que, si elles sont mises sur la table, c'est risqué. » Ils ajoutent qu'ils « ont découvert des gens qui travaillent pour demander des informations qui ne sont pas publiques, même en dehors du journalisme », et que ce qu'ils cherchaient, c'est à « délimiter ce qui est et ce qui n'est pas une information publique parce que c’était très vague. »
« Si le président mange des frites, a des chiens ou met des chaussettes, cela n'a rien à voir avec son rôle institutionnel, » dit-on dans le parti au pouvoir et ils ajoutent: « Il n’y a pas de problèmes parce que le flux de questions, avec ou sans sens, est tel qu'on ne peut même pas y répondre. » « N'importe qui pouvait demander n'importe quoi », se plaignent-ils à Balcarce 50 et ils soulignent: « Nous répondions tout le temps à des questions idiotes. »
« Bonne et mauvaise foi »
D'autre part, l'article 1 du décret - réglementant l'article 1 de la loi 27.275 - établit la figure de « l'abus de droit » prévu par l'article 10 du Code civil pour les personnes qui tentent d'exercer le droit d'accès à l'information publique et qui, selon le Gouvernement, sont de mauvaise foi. « Cela implique que, à leur gré, les sujets obligés peuvent rejeter les demandes et poursuivre les personnes en justice pour obtenir le paiement d'une indemnité pour avoir agi « de mauvaise foi » », a déclaré Domínguez.
Dans le même sens, l’article 6 du décret impose comme fonction à tous les responsables de l’accès à l’information publique d’informer l’Agence des « dérogations » au principe de bonne foi pour prendre « les mesures nécessaires » afin de garantir l’exercice effectif du droit d’accès à l’information publique.
L'article 24 de la loi, comme le souligne l'avocat constitutionnel, détermine comme fonction de l'AAIP que, lors de l'élaboration des statistiques, elle prenne en considération les demandes qui « constituent un abus dans l'exercice du droit d'accès à l'information publique par les demandeurs. » Pour Domínguez, la réglementation connue aujourd'hui « accorde à l'État, dans le domaine de l'information publique, le rôle de « police de la bonne foi » ».
Informations confidentielles
Un autre article de la loi 27275, le huitième alinéa A, établit que les sujets légalement tenus de fournir des informations publiques sont exemptés de le faire lorsque l'information est expressément classée comme réservée ou confidentielle ou secrète pour des raisons de défense ou de politique étrangère, mais que la réserve ne peut en aucun cas atteindre les informations nécessaires pour évaluer la définition des politiques de sécurité, de défense et de relations extérieures de la nation ; ni celle qui ne représente pas un risque réel et identifiable de préjudice significatif pour un intérêt légitime lié à ces politiques.
Dans l'article 4 du décret signé par Milei et Francos, la dernière définition a été supprimée et toutes les informations publiques liées à la défense ou à la politique étrangère sont devenues confidentielles, selon l'analyse Domínguez.
Le même article de la loi stipule que les dérogations à l'exercice du droit d'accès à l'information publique ne peuvent être appliquées en cas de violations graves des droits de l'homme, de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.
L'article 4 du décret libertaire restreint cela « aux affaires judiciaires et aux informations requises dans le cadre d'une affaire. »
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