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Cuba: La Reddition de comptes : autres angles d’approche

30 Septembre 2024, 18:07pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

 

La reddition de comptes doit être perçue, ressentie et assurée comme ce qu'elle est : un processus populaire qui implique tous les facteurs de la communauté et bien d'autres en dehors de cette sphère

 

Auteur: Leidys Maria Labrador Herrera | internet@granma.cu

 

19 septembre 2024 11:09:15

 

Seuls ceux qui ont vécu l'expérience pourront apprécier à sa juste mesure l'exercice extrêmement exigeant qui consiste à se tenir devant le peuple, à le regarder dans les yeux et à lui rendre des comptes.

Au-delà de la morale, de la dignité et du prestige de la personne qui occupe ce poste, la tâche n'en est pas moins complexe, car le peuple est un juge équitable et transparent, mais qui, en fin de compte, est conscient des droits qui lui reviennent et a coutume d’être implacable.

Ce principe est le premier pas pour se mettre dans la peau du délégué et comprendre, dans le vaste éventail de ses fonctions, le rôle crucial de sa gestion, au cœur de notre système politique et de la démocratie participative. Ce qui est certain, c'est que cet être humain, qui assume, par décision populaire et mandat constitutionnel, la mission de représenter une large majorité, assume en même temps le devoir de leur rendre compte de sa gestion, de manière transparente, sans autre atout que sa propre dignité.

Il me semble que ce sont des notions encore mal comprises, qui amènent injustement le délégué sur le banc des accusés s'il manque de l'eau, si le nid de poule au coin de la rue n'a pas été réparé depuis des siècles, si le panier de la ménagère est en retard, ou si le cabinet médical ne remplit pas les conditions pour que le médecin puisse vivre dans la communauté. Tous ces problèmes doivent être un sujet de préoccupation et d'occupation de sa part, c’est vrai, mais qu'il soit responsable de les résoudre, pas du tout.

Mis à part le fait que, dans certaines circonstances très spécifiques, le délégué a été directement impliqué dans la distribution ou la livraison de certaines ressources, l'administration n'est pas du tout un aspect qui relève de sa responsabilité. Le délégué n'est pas non plus habilité à gérer des budgets, à donner des instructions à un fonctionnaire, à ordonner l'attribution de certains biens matériels à une personne déterminée ou à ordonner des processus logistiques. Nous le savons, mais nous l'oublions souvent.

Ce qui est de la compétence du délégué, c'est de traiter une question, de devenir l’échelon par lequel les problèmes de la communauté sont portés à l'attention des autorités politiques et administratives. Il est également une personne chargée d’orienter, qui rassemble et unit les volontés et qui, bien entendu, en raison de sa parfaite connaissance des particularités de sa circonscription, est une source de consultation obligatoire pour la prise de décisions, à différents niveaux, sur les problèmes qui touchent sa communauté.

Logiquement, il ne s'agit pas de n'importe quel pays, il s'agit de Cuba et, par conséquent, la principale qualité que possèdent, j’ose le prétendre, la plupart de nos délégués, c’est leur sensibilité, la façon dont ils sentent que les problèmes des gens sont les leurs. Je résume cela par les mots que l'un de ces précieux représentants du peuple m'a dit un jour lors d'un entretien : « Être délégué, c'est regarder le ciel, savoir que l'averse est imminente et sentir sa poitrine se serrer parce tu sais que dans ta communauté, il y a quelqu'un chez qui cette pluie va détremper le peu qu’il a ».

Et oui, ils ne sont peut-être pas tous ainsi, il peut y avoir des exceptions, mais d'après l'expérience qui m'a amenée à être proche des structures du Pouvoir populaire à bien des égards, je peux affirmer que la majorité de nos délégués sont de cette lignée. De ceux qui interrompent leur repas si un électeur les appelle, de ceux qui, alors qu’ils ont de gros problèmes chez eux, donnent la priorité aux problèmes des autres, de ceux qui se lèvent courageusement dans leurs assemblées municipales et disent leurs quatre vérités à qui doit les entendre, parce que leur engagement envers leur gens passe avant tout.

Il est vrai aussi qu'il y a beaucoup de choses qui « ne les concernent pas », mais qu'ils assument parce que leur sentiment d'appartenance et leur dignité révolutionnaire et politique les empêchent de rester en retrait.

Nous vivons des moments particulièrement difficiles, où les pénuries frappent à la porte, et pas seulement à la porte d'un foyer, mais à la porte d'un pays tout entier, qui, soumis à des pressions inimaginables, doit placer au bon endroit chaque pièce d’une partie d’échecs des plus difficiles. Dans de telles circonstances, la priorité est donnée à l'essentiel dans l'essentiel, non pour satisfaire quiconque, mais par nécessité.

Il nous appartient donc, en tant que peuple mûr, endurci par les sacrifices quotidiens, d'envisager le processus de reddition de comptes dans une perspective large et surtout claire, afin qu'il remplisse véritablement ses objectifs. Il ne s'agit pas de bombarder nos délégués de questions, parce que nous avons accès à eux tous les jours, parce qu'ils vivent dans le quartier, parce qu'ils les ont sûrement traitées mille fois si nécessaire.

C'est le moment d'écouter ceux qui nous écoutent tant de fois parce que, sans aucun doute, ils ne viendront pas se placer devant nous avec une posture triomphaliste : ils viendront rendre des comptes, et cette seule phrase nous parle d'autocritique, de réflexion, d'échange sincère. Saisissons ce moment pour leur témoigner, s'ils l'ont mérité, notre soutien. Réfléchissons ensemble à ce que nous pouvons encore faire de notre côté, pour contribuer à leur gestion, pour la rendre plus efficace et aussi plus humaine.

La communauté a besoin du délégué, mais le délégué a tout autant besoin de la communauté. Le peuple ne se trompe pas ; lorsqu'il élit, il le fait avec sagesse, avec détermination. Par conséquent, les personnes à qui nous avons donné plus qu'un vote, la confiance qui découle de la représentativité, doivent être dignes, éthiques et moralement honnête, dans le cas contraire, elles ne seraient pas dignes d'occuper cette place. Si elles l'occupent déjà, c'est qu'elles ont ces qualités, et si elles ne les ont pas, le peuple a le droit constitutionnel de révoquer sa décision.

Mais si le choix a été bon, comme c'est le cas pour la majorité, alors arrêtons-nous pour réfléchir à la manière dont nous pouvons contribuer à leur perfectionnement, à la manière dont nous pouvons construire ensemble la communauté que nous voulons, qui est aussi un pays.

Ce n’est pas un appel à renoncer à l'esprit critique dans les réunions, ni à taire ce qui doit être dit, ni à éviter la critique nécessaire qui, si elle est opportune et bien intentionnée, ouvrira des voies pour l'apprentissage et la croissance mutuels.
Mais pour que ce climat soit possible, nous devons également comprendre que ce n'est pas parce que le délégué rend des comptes qu'il est le seul responsable du processus. Seul, il ne peut pas le faire, même s'il est le genre de personne qui « fait bouger le monde », comme on dit des personnes actives et entreprenantes qui ne renoncent jamais.

Le processus de reddition de comptes doit être perçu, ressenti et assuré pour ce qu'il est : un processus populaire, impliquant tous les facteurs communautaires et bien d'autres en dehors de cette sphère.

N'oublions jamais qu'il y aura toujours des questions auxquelles le délégué ne pourra pas répondre, non pas par incapacité ou par manque de connaissances, mais parce ce n’est pas en son pouvoir, et qu'il faudra également répondre à ces doutes, même si ce n'est pas l'objectif central du processus.

Il ne faut pas non plus oublier les « canons » médiatiques, idéologiques et subversifs qui doivent être déjà  braqués sur le processus, pour tenter, comme toujours, de le discréditer, d'en miner la validité et, surtout, la crédibilité.

Il se peut que mon point de vue ne soit pas le plus autorisé, mais à mon avis, il s'agit de l’un des processus qui démontrent au monde, et mieux encore, à nous-mêmes, où se trouve l'essence du système que nous avons choisi.

Ne commettons pas l'injustice de mesurer le délégué à l'aune de ce qui est hors de sa portée. Valorisons, comme nous l'avons appris en plus de six décennies de Révolution, l'intangible qui en dit bien plus long que le palpable.

Je suis persuadée que beaucoup seront d'accord avec moi pour dire que ceux qui ont assumé cette responsabilité, en sachant ce qu'elle implique, ceux qui ne se laissent pas écraser par les difficultés et continuent à créer et à agir dans leur communauté, ceux qui font face à ceux qui cherchent à se soustraire à leur responsabilité envers le peuple, ceux qui pour rien au monde n'échangerait leur intégrité, ces délégués méritent la plus grande révérence et le plus grand respect : celui que l'on gagne par l’exemple.

 

https://fr.granma.cu/cuba/2024-09-19/la-reddition-de-comptes-autres-angles-dapproche