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Venezuela : Les axes de gravité du choc Caracas–Madrid

23 Septembre 2024, 17:29pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

 

Après l’approbation par la chambre des députés d'Espagne d'une motion non contraignante qui a reconnu Edmundo Gonzalez Urrutia comme « président élu », le président de l'Assemblée nationale, du Venezuela, le député Jorge Rodriguez, a indiqué qu'il allait demander au Gouvernement du Venezuela de rompre tout type de relation avec le royaume d’Espagne.

 

Dans son intervention, Rodriguez a signalé la gravité des actes du congrès espagnol. Il a considéré cette motion comme l'attaque la plus brutale de ce pays depuis l'époque de la lutte pour l'indépendance, à partir de quoi il a demandé à l'Assemblée nationale en session plénière d'approuver en urgence une demande pour exhorter le Gouvernement à :

 

« rompe immédiatement toutes les relations diplomatiques, toutes les relations commerciales, toutes les relations consulaires. Que s'en aillent d'ici tous les représentants de la légation du Gouvernement du royaume d'Espagne, tous les consulats, tous les consuls, et que tous les nôtres soient rappelés de là-bas. »

 

L'agression de l'Espagne et la réponse du Venezuela ont créé un nouveau climat de choc entre Caracas et Madrid dans lequel les aspects économiques et énergétiques de la relation bilatérale sont entré en jeu dans un cadre d'avertissement et de risque pour le Gouvernement espagnol de Pedro Sanchez.

 

Madrid, épicentre du changement de régime

 

L'Espagne est devenue pendant ces 10 dernières années le lieu privilégié où les figures de l'opposition extrémistes vénézuélienne ont décidé de résider après avoir fui le pays ou après la remise des peines pour lesquelles ils ont été jugés.

 

En conséquence, ce pays est devenu un centre d'opérations de coordination permanente d'opérations de changement de régime, face à des autorités espagnoles ouvertement permissives.

 

Par exemple, en 2015, dans le cadre du démantèlement du « coup d'Etat bleu », le président Maduro a dénoncé la façon dont la capitale de l'Espagne, avec Bogotá et Miami, était utilisée pour coordonner des actions de nature putschiste.

 

En 2018, le vice président du PSUV, Diosdado Cabello, alerte sur les plans de conspiration conçus en Espagne, en Colombie et aux États-Unis, qui ont conduit à l'expulsion de l'ambassadeur du royaume à Caracas, Jésus Silva Fernandez, déclaré persona non grata.

 

Mais le moment le plus critique, c'est Pedro Sanchez, alors chef du Gouvernement, qui l'a créé quand, en février 2019, il a reconnu Juan Guaido  comme soi-disant président en charge du Venezuela après avoir lancé un « ultimatum » à Nicolas Maduro.

 

Cette action a provoqué l'effondrement des relations entre Caracas et Madrid.

 

Montées et baisses de tension

 

Jorge Rodriguez a aussi déclaré à l'Assemblée nationale que  les conditions qui étaient favorables à la reconnaissance du « projet Guaido », l’une, « des plus grosses erreurs politiques et diplomatiques d'ingérence qui ait été commise dans l'histoire de la planète », ne sont celles qui se présentent aujourd'hui ni au Venezuela ni dans le monde.

 

Et la réalité le confirme. Depuis le 29 juillet, quand certains Gouvernements latino-américains (Argentine, Chili, Costa Rica, Pérou, Panama, République dominicaine et Uruguay) ont reconnu illégalement Edmundo Gonzalez, le Gouvernement vénézuélien a immédiatement rompu les relations politiques, diplomatiques, commerciales et consulaires avec ces pays.

 

Rien ne fait penser que, face à un comportement similaire du royaume d'Espagne, le Gouvernement vénézuélien n'agirait pas de la même façon. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le Gouvernement de Pedro Sanchez est prudent dans sa relations avec le Venezuela et  évite de prendre une position définie sur la reconnaissance ou non des résultats des élections.

 

L'Espagne a accompagné la déclaration conjointe sur le Venezuela du 16 août, dans laquelle, avec d'autres pays, elle demande « la publication immédiate de tous les procès -verbaux originaux et la vérification impartiale et indépendante de ces résultats » et repousse une reconnaissance explicite en attendant une position commune de l'Union européenne.

 

Peut-être est-ce aussi pour cela que le PSOE et de la Moncla on critiqué l'initiative hostile du PP au Congrès, parce qu’elle a détérioré une relation bilatérale qui avait progressivement surmonté le conflit créé par la reconnaissance du faux Gouvernement de Guaido. ce qui avait amené des résultats positifs, surtout dans le domaine économique et énergétique.

 

Mais les obstacles sont toujours à l'ordre du jour et des déclarations malheureuses ou ouvertement d'ingérence comme celle du Congrès espagnol sont toujours et toujours possibles et latentes. Le lendemain de l'approbation de cette motion, la ministre de la défense espagnole, Maria, Roblès, a fait monter la tension en qualifiant le Gouvernement vénézuélien de « dictature. »

 

Suite à cette déclaration, la chancellerie vénézuélienne a appelé pour consultation l'ambassadeur Gladys Gutiérrez et convoqué à la Maison Jaune l'ambassadeur d'Espagne, Ramon Santos Martinez, pour lui exprimer le mal-être causé par « les insolentes et grossières déclarations d'ingérence de la ministre. »

 

Face à cette situation, le Gouvernement de Sanchez a cherché à réduire les effets d'un nouveau chapitre de friction, ce qui a démontré que l'effondrement des relations bilatérales n'est pas dans son intérêt immédiat. Le ministre des affaires étrangères, José Manuel Alvarez, a reconnu le droit souverain du Gouvernement vénézuélien d'agir de la sorte et n'a pas mis en place une mesure de réciprocité.

 

Cette démarche visant à réduire le climat de tension indique que le gouvernement de M. Sánchez est en train de calibrer soigneusement les relations commerciales et énergétiques avec le Venezuela, soutenues par un nouvel engagement de Repsol à participer au commerce du pétrole et par des importations croissantes de pétrole brut, dans un contexte où la péninsule a vu ses sources d'approvisionnement externes affectées par le conflit en Ukraine.

 

Qu’est-ce qui serait en jeu?

 

Jusqu'à présent, il semblerait que la réponse de l'Assemblée nationale ait été efficace pour imposer des lignes rouges à un éventuel tournant du Gouvernement espagnol en faveur de la campagne de changement de régime au Venezuela grâce à la reconnaissance, dans un futur proche, d'Edmundo, Gonzalez comme soi-disant président.

 

Une rupture des relations pourrait mettre en danger les entreprises espagnoles présentes au Venezuela qui, selon l'institut du commerce étranger de l'Espagne serait de 21 au total dont Telefónica, Zara, BBVA ou MAPFRE ainsi que des compagnies aériennes comme IAG ou Iberia ou la société d'État de participation industrielle (SEPI) elle-même.

 

De même, les nombreuses connexions aériennes entre les deux pays seraient interrompues, ce qui affecterais des milliers de voyageurs, puisque historiquement, Madrid est le point d’entrée au Venezuela depuis l’Europe.

 

Dans le domaine commercial, l'augmentation des relations pendant ces dernières années indubitable.

 

Selon l’ICEX, en 2024, le Venezuela a exporté en Espagne pour 700 000 000 d'euros de produits, distribués de la façon suivante : le pétrole représente 88,6 %, suivi par les crevettes, (5,5 %), les produits semi-élaborés d'aluminium, (2 %) et le rhum (1,2 %). L'Espagne, pour sa part, a exporté au Venezuela 137 000 000 d'euros de produits.

 

De plus, la même institution en rapporte qu'en juin 2024, les exportations de l'Espagne vers le Venezuela ont augmenté de 64,9 % par rapport à la même période de l'année précédente, alors que les exportations du Venezuela vers l'Espagne vers ont augmenté de 186 %.

 

Les opérations de Repsol, non seulement, concernant le pétrole, mais aussi le gaz, d'un grand intérêt pour la compagnie, sont le point qui attire le plus l’attention.

 

Selon C.O R.E.S, le bras du ministère de la transition écologique qui contrôle le commerce du combustible, « entre janvier et juin, 1 036 000 tonnes de brut sont arrivées en Espagne du Venezuela, 3,3 fois plus que pendant la même période de l'année précédente. Ce chiffre est aussi le plus haut depuis la première moitié de 2015, période pendant laquelle 1 656 tonnes ont été importées. »

 

Encore rien d’ écrit

 

Pedro Sanchez est largement connu pour être un pragmatique de la politique, un dirigeant avec des tendances à la conspiration, des aspects qui n'échappent pas au radar du haut commandement politique vénézuélien.

 

La nécessité de ne pas renouveler la catastrophe diplomatique représentée par la reconnaissance de Juan Guaido semblerait figurer parmi les priorités de la Moncloa mais il ne serait pas correct d'en déduire que le Gouvernement espagnol envisage de rompre avec la cosmovision hostile de Washington et de Bruxelles, envers le Venezuela.

 

Mais l'échange commercial croissant, surtout dans le domaine énergétique, renforcé par la présence de Repsol, impose à Sanchez l'obligation d'agir avec « prudence » pour le moment.

 

Sur ce point, Madrid a beaucoup plus à perdre, et ce risque, principalement économique et énergétique, sera au centre du développement d'une nouvelle période de tension entre les deux pays.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/09/22/venezuela-los-ejes-de-gravedad-del-choque-caracas-madrid/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2024/09/venezuela-les-axes-de-gravite-du-choc-caracas-madrid.html