Amérique latine : Notre Amérique aux États-Unis
Par Luis Britto García
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
De quoi a-t-on discuté dans le processus électoral étasunien? J'ai toujours dit que, dans la puissance du Nord, opèrent deux partis différents et un seul capitalisme véritable. Les campagnes électorales et les soutien médiatiques sont tellement coûteux que seuls les candidats soutenus par les méga-monopoles et le complexe militaire industriel peuvent faire une carrière politique et gouverner par eux et pour eux.
Tout empire commence par dominer les périphéries et finit par se dévorer lui-même. Le déclin du pouvoir étasunien est du en grande partie à son élite patronale. Pour conquérir l'énergie fossile, il dépense presque la moitié du budget mondial de l'armement, pour disposer d’une main-d'œuvre semi-esclave avec des salaires en dessous du niveau de subsistance et de ressources naturelles offertes, il déplace ses usines dans des zones économiques spéciales du tiers monde et laissent sans emploi les Etasuniens. Pour obtenir encore plus de bénéfices, son capital industriel revient vers la finance transnationale qui ne produit que des dividendes spéculatifs. Ce sont dans leur ligne générale, les politiques du parti démocrate maquillées avec des ordres du jour « progressistes » comme le droit à l'avortement et la promesse de respecter les droits des migrants.
Face à ces politiques, le républicanisme de Trump a proposé d'épargner la dépense militaire des guerres interminables et de stimuler le retour au pays des capitaux et des usines en imposant des politiques protectionnistes de droits de douane élevés pour les produits importés. Ainsi, on créerait des emplois et la capacité de consommation pour la production nationale déprimée. Trump a aussi rendu responsables avec une extrême rigueur les immigrants d’ôter leurs postes de travail au nationaux, une campagne qu’il a progressivement assouplie pour ne pas se priver du vote « hispanique. »
Mais ce que les hommes politique promettent n'est pas nécessairement ce qu'ils font. Les deux parties ont baissé les impôts des grands capitaux en dessous des 23 % que le citoyen ordinaire. Tous deux ont accordé des aides financières « en or » à des entités usurières en faillite. Tous deux ont effacé de manière irresponsable les sommes dues par le grand capital au Trésor. Les deux parties ont atteint un déficit fiscal qui fait des États-Unis, le pays le plus endetté du monde avec une dette publique qui, en 2023, a atteint 32.911.523.000.000 dollars, 118,73% de son PIB. Son paiement dépasse déjà les dépenses exorbitantes dans le domaine de la défense. Le congrès a légalisé le pot-de-vin au législateur, les tribunaux exonèrent a priori de toute responsabilité les présidents pour les délits commis d'exercice de leurs fonctions. Républicains et démocrates sont complices du blocus du Venezuela et du vol de ses biens à l'étranger. Lors de son mandat précédent, Trump n'a engagé aucune guerre, mais il a dit que que s'il avait été réélu, il se serait déjà approprié notre pétrole.
Face à ces politiques unanimes, nous pourrions nous demander ce qu’a décidé la dernière élection présidentielle. Une invasion de Gouvernements « progressistes » qui ne progressent en rien, paralysés par la crainte de toucher à certains intérêts, s’est généralisée dans le monde. Les gouvernants des États-Unis n'ont rien fait pour arrêter la dévaluation progressive des salaires, la hausse permanente des prix, l'absence d'un service médico-social. Désespérés par le dénuement, les masses votent pour le premier intempérant qui, à force d’insultes, de jurons et de menaces, prétend faire quelque chose, n’importe quoi pour secouer l’inertie mortelle du plus-que-même et attaquer un ennemi plus ou moins imaginaire. C’est la stratégie électorale de Marine Le Pen, Giorgia Meloni, Zelenski, Milei et Donald Trump.
Bon, aux États-Unis, les « hispaniques » sont le groupe social le plus à même d'être traité en ennemi imaginaire. Ils sont qualifiés comme tels à cause de leur origine et de l'utilisation du castillan chez eux. Le bureau du recensement du pays discrimine et compte sa population pour 2022 dans les catégories suivantes : « Blancs non hispaniques », 58,88 %, «hispaniques », 19,1 %, « noirs ou afro-américains », 12,62 %, «asiatiques », 6,08 %. C'est une classification raciste et inadéquate. Mais elle dit qu'environ 1 résident du pays sur 5 est « hispanique » (quelques 65 000 000 de personnes) et on estime qu’en 2060, 26,9 % de la population appartiendra à cette catégorie, quelques 119 000 000 de personnes, presque 1 sur 3.
Nous avons ainsi une considérable portion de ce que Marti appelait « Notre Amérique », une véritable nation définie par sa propre culture au sein de l'empire qui, en 1848, a arraché plus de la moitié de son territoire au Mexique.
Comme cela s'est produit pour tous les empires, comme cela s'est produit pour l’empire athénien, l'empire romain, l'empire espagnol, l'empire britannique, l’asservissement de peuples ou de territoires différents a imposé la diversité culturelle. Les élites étasuniennes espéraient que l’omni-puissance de leurs médias fondaient toutes les diversité ethniques et culturelles dans un anonyme «melting pot» (pot-au-feu de haricots et de viandes). au contraire, les États-Unis convent une grande diversité et culturelle, au point que l'historien Colin Woodward, directeur du Nationhood Lab de la Salve Regina University affirme que « c'est un pays avec 11 nations rivales qui sont en compétition. »
Le racisme discriminatoire du clan dominant WASP (white, anglo-saxon, protestant) a imposé aux « hispaniques » le traitement réservé aux « étrangers illégaux» et les a traités « d’improductifs. » Mais en fait, les ancêtres de la plupart des « hispaniques» actuels peuplaient déjà le territoire sur lequel vivent leur descendants avant que les États-Unis le leur usurpent en 1848, et même avant que les Espagnols l’aient envahi en 1519. Les étrangers illégaux, ce sont ceux qui, par la force brute, leur ont volé leur terre et ont soumis leurs enfants à une servitude comparable à l’esclavage.
En ce qui concerne l'accusation « d'un productivité », tous les empires maintiennent leur travailleurs émigré dans des conditions « illégalité » pour les importer, sans qu'il puisse revendiquer de droit et les expulser à la moindre insubordination. Cette situation est expliquée en détail dans le documentaire humoristique de Sergio Arrau « Une journée sans Mexicains » et sa suite « Une journée sans Mexicains 20 ans après » (tous deux disponibles sur You Tube). Sans les « Hispaniques » vilipendés, une grande partie de l'agriculture, de l'industrie et des services étasuniens s’effondrerait.
Le moment est venu que « les hispaniques », cette portion de Notre Amérique qui survit dans les entrailles du monstre, se fasse respecter à cause de son nombre, de sa culture et de son immense apport à la vie économique et sociale.
Source en espagnol :
https://www.telesurtv.net/opinion/nuestra-america-en-estados-unidos/
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