Argentine : Pas l'anarchie, l’Etat de Milei
Par Daniel Campione,
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Le discours officiel, en faveur de la « d'instruction » de l'État ne doit pas nous tromper, le Gouvernement de Javier Milei augmente les dépenses, les investissements et le personnel dans tous les domaines de l'État dont la défense et la promotion sont dans son intérêt.
« Mon mépris pour l’Etat est infini » a déclaré le président Javier Milei dans une interview accorder au célèbre journal The Economist. C'est l'une des différentes façons par lesquelles il a manifesté sa profonde antipathie pour l'appareil d'État et pour tout ce qu'il représente. Ainsi s'exprime par des mots simples cette doctrine qu’on a l'habitude d'appeler « anarco-capitalisme » et que l'actuel président dit professer.
Avant de discuter pour savoir si une société sans Etat est viable ou de signaler les fonctions publiques auxquels on ne peut renoncer qui seraient annulées par une réduction de l'État au minimum, il faut se poser au moins une question :
Le président et ses partisans « libertaires » veulent-ils vraiment supprimer l'État ou au moins le réduire de façon uniforme jusqu'à ce qu'il se limite à ses fonctions minimales et à très bas coût ?
Si on analyse la véritable politique du Gouvernement actuel envers l'appareil d'État, la réponse doit être : non. Ce qui est confirmé par le fait que dans de trop nombreux cas, les dépenses et les structures ne diminuent pas mais augmentent.
Il est clair aujourd'hui qu'il n'y a pas de disparition de l'État national mais au contraire, un renforcement de larges domaines de cet Etat. Il est aussi évident que dans le domaines où on avance vers la réduction ou le démantèlement, rien ne ressemble à une extinction plus ou moins « spontanée ».
L'offensive de « retranchement » génère une action gouvernementale de fer pour supprimer ou minimiser les domaines que le gouvernement « libertaire » considère comme incompatibles avec ses objectifs. Ou qui répondent à des buts exécrés par le Gouvernement comme la « justice sociale », la protection de l'environnement et les droits de l'homme. Il va aussi au front contre ce qu'il considère devoir être privatisé directement ou indirectement.
Il faut examiner les domaines qu'il a décidé de renforcer, en opposition avec la composante « anarcho » et en harmonie avec l'ordre du jour ultra-conservateur sur lequel le Gouvernement navigue quotidiennement.
À l'heure de la répression, pas moins d'Etat mais plus
Une large gamme d'organisations étatiques est aujourd'hui doté de plus de ressources budgétaires que dans le passé proche. En même temps, on prétend la sauver du mépris mérité et lui donner une visibilité sociale positive.
Ceci est vrai en particulier pour tout ce qui concerne le bras armée de l'État. Premièrement, les forces armées. On va à leur secours depuis le puits de mépris mérité à cause du des actions de génocide qu’elles ont commis sous la dernière dictature.
Cela s'inscrit parfaitement dans la politique de répression dictatoriale du gouvernement, qu'il ne suffit pas de définir comme du « négationnisme », mais qui glisse vers la revendication expresse des crimes commis.
L'action de repositionnement des institutions militaires se manifeste de façon tangible en termes de ressources. Au milieu du « il n'y a pas d'argent » que le Gouvernement professe, on a importé de coûteux avions et on a négocié d'autres achats d'armes. Des acquisitions pour lesquelles on accorde la préférence aux puissances que l'actuel Gouvernement considère comme des alliés stratégiques : les États-Unis et Israël. Plus de dépenses publiques, le dogme de l'équilibre fiscal ne passe pas par là.
Il y a eu aussi des augmentations de salaire et des changement d'échelons. La réputation ne se mange pas.
Ceci est encore plus visible avec les forces de sécurité nationale: la police fédérale, la gendarmerie nationale, la préfecture navale, la police des aéroports. On y ajoute le service pénitentiaire fédéral qui dépend traditionnellement du ministère de la justice.
Le Gouvernement de Milei a transféré à la Sécurité tout le service de gardiens de prison, essentiel pour « l'administration » de privilèges au crime organisé. Et les sanctions et les mauvais traitements pour les pauvres qui sont en prison pour des délits mineurs sans avoir été condamnés ou jugés.
Plus d'argent, plus d'entraînement et d'équipement, de meilleurs salaires, tout a été mis en jeu. On attend beaucoup de la volonté et de la capacité des forces de police lorsque le soutien du Gouvernement exige des coups.
On a confiance en une plus forte militarisation de ces modalités de fonctionnement. En même temps, elles sont exemptées de "préjudice" du respect des droits de l’homme, dans la recherche d’une exemption des conséquences judiciaires pour des actes punitifs ou « préventifs" excessifs.
Le ministère à la charge de Patricia Bullrich a vu ses facultés élargies, souvent par sa propre initiative, comme avec le « protocole anti-piquets de grève, » utilisé pour faire obstacle aux manifestations ou les dissoudre. Surtout celles des organisations sociales qui regroupent des pauvres et des précaires.
À cette fin, les diverses forces en faveur d'une « propreté » des rues que tout indique qu'une bonne partie de l'opinion publique a accueillies favorablement, ont été déployées.
Avec l'appareil de sécurité, on a produit une véritable exaltation des domaines du renseignement. Ainsi, on est revenu à la dénomination traditionnelle de « ministère du renseignement de l’État » (SIDE), on l’a doté de nouvelles ressources et d’une faculté de supervision sur des sections du renseignement qui dépendent d'autres domaines. Le Congrès a invalidé un décret de nécessité et d'urgence qui aurait provoqué une très forte augmentation des ressources, ce qui n'affecte pas la substance de cette politique.
Le SIDE campe sur ses privilèges dans un scénario dans lequel espionner et tendre des manteaux de suspicion sur les citoyens est une fonction que le Gouvernement de La Liberté Avance veut exercer avec force et « appareil. »
Un autre domaine susceptible d'appliquer la persécution et le châtiment à des actions de l'opposition et à la résistance est le ministère de la justice. Tout n'est pas augmenté là et il n'y a pas de renforcement véritable de l'institution. Il y a un panorama mixte qui ne montre aucune contradiction mais qui suit de façon cohérente une ligne idéologique et politique.
Le ministère agit pour resserrer les liens avec le pouvoir judiciaire, pour élargir le châtiment de la « justice » aux classes subalternes. La criminalisation des protestations est une façon essentielle d'exercer la punition et ne peut pleinement développée qu'avec le consentement et, si possible, l'engagement actif des autorités judiciaires.
Ce n'est pas seulement le ministère, mais le Gouvernement dans son ensemble (et le Congrès national) qui s'efforce de pourvoir les postes vacants à la Cour suprême de justice et les dizaines de postes non pourvus aux différents niveaux du système judiciaire fédéral.
De même, le ministère se trouve confronté à des réformes régressives de la législation générale et pénale en particulier. Possibilité d’accuser des mineurs, peines de prison plus longues, plus grande difficulté pour la liberté conditionnelle, etc…
Le tout fait partie du menu punitif qui a dans ce portefeuille une référence fondamentale et pour cela il y a des études par des « experts » payés avec des fonds publics, des plans pour de nouvelles prisons ou l'agrandissement de celles existantes et des commissions chargées de projeter des réformes qui vont toujours dans la même direction.
Il n’y a pas d’Etat: droits de l’homme et politiques de genre
Même si l’orientation est tout le contraire du renforcement, on ne peut pas abandonner le traitement de ce qui concerne le ministère de la justice sans référence à ce qui se passe dans certains domaines qui lui dépendent. Ceux qui visaient non pas la restriction de droits mais leur défense et leur promotion.
Les organismes liés aux droits de l’homme, comme ceux qui travaillent à l'identification des enfants spoliés ou des lieux de mémoire, ont subi depuis l'aube du Gouvernement, une offensive sur toute la ligne. Cela s'inscrit dans la politique générale de lutte contre les droits de l'homme que le Gouvernement actuel développe partout où il le peut.
La suppression ou l'extrême affaiblissement s'est étendu à la rapide dissolution de l'institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), une. Unité de l'État destiné à la défense des citoyens « ordinaires » face a des actions de dénigrement et de harcèlement de la part d'individus ou de groupes disposant des ressources et du pouvoir nécessaires pour les exercer.
Le transfert au ministère de la justice de compétence du ministère de la femme qui a été supprimé va dans le même sens. La diminution de la capacité opérationnelle et de la dotation de personnel des organes liés à la protection protection contre la violence de genre occupe une place de choix dans ce domaine.
Comme on le sait, le ministère et le Gouvernement travaillent à démonter toutes les politiques basées sur le point de vue de genre et défendent le retour au modèle de la famille patriarcale dont le ministre de ce domaine s'est chargé plus d'une fois de faire l’éloge.
Plus de propagande pour une pensée unique
S'il est un autre domaine dans lequel le gouvernement a pris le contre-pied de la réduction ou du retrait de l'implication de l'État, c'est bien dans tout ce qui a trait aux activités de propagande.
Les unités qui dépendent de plus ou moins directement de la présidence de la nation pullulent. Elles sont destinées à promouvoir les actions du Gouvernement et à discréditer toute manifestation d'opposition ce qui comprend aussi les divergences ponctuelles à l'intérieur du parti au Gouvernement lui-même.
Là, peu importent les multiplications, les superpositions de compétences, une gestion peu claire ou le gaspillage de ressources. Ni la nomination de « militants », sans expérience ni les connaissances spécifiques dans leur domaine dans lequel ils sont employés, et on travaille sur la base d'une circulation entre communicants de structures en apparence privée (surtout sur les réseaux sociaux.) et les charges publiques.
Un exemple entre autres est celui de Juan Pablo Carreira, directeur national de la communication digitale de la présidence de la nation. Carreira, connu sous le nom de “Juan Doe”, était un influenceur d'orientation d'extrême droite sur Twitter, en plus d'être l'éditeur du Journal de la Droite, un média digital « privé » central pour la stratégie de la communication du parti au pouvoir.
Ainsi, avec un caractère officiel, officieux, ou plus ou moins secret, des « libertaires », en arrivent à occuper des des charges publiques de haut niveau et bien rémunérées. Ce que, au moins, dans le cas de « Doe» , ils avaient promis qu'ils ne feraient jamais.
L'ascension et la hiérarchisation de la « porte-parole » du président s’est produite de la même façon. Celle qui l'exerce a été promue au ministère de la communication et des médias avec rang et salaire de ministre.
Peu importe qu'il existe, parallèlement, un ministère de la presse, lui-même dépendant de la présidence de la Nation. Celui-ci a vu ses facultés diminuées, mais là, les charges politiques et le personnel qui leur correspond sont restés.
Dans le domaine de la présidence, les ressources et les attributions du secrétariat général de la présidence en charge de la sœur du président ont été augmentées.
Entre autres fonctions, il a également des fonctions de propagande. Sa responsable est chargée d'officialiser et de consolider La Liberté Avance en tant que parti national, en vue du succès des « forces du ciel » lors des prochaines élections.
Il est également de notoriété publique que dans l'espace de la présidence s'agite aussi le « conseiller star » du président qui concentre plusieurs fonctions parmi lesquelles celle d'être un stratège actif de la communication « libertaire. »
C'est pourquoi il navigue entre le public et le privé, puisqu'on lui attribue plus d'un usager de Twitter, qui exact le président et vilipende les opposants et les critiques sous son contrôle direct. Sa charge n'est pas officielle, il n'est pas nommé dans la fonction publique, il n'appose sa signature sur aucun dossier. La « responsabilité des actes de gouvernement », principe républicain, est totalement absente.
Celui qui pense qu'il y a eu des réductions dans le cas de l'agence officielle d’information Telam doit prendre connaissance du fait qu'au lieu de sa fermeture annoncée, on l’a réorganisée pour qu'elle s'incorpore aussi à la communication officielle.
Création, réorganisation, suppression, ça continuera
Jusqu'à présent, certains domaines de l’État s’agrandissent ou se multiplient en dépit de l’obsession discursive du chef de l’État pour l’extermination virtuelle de tout ce qui sent le secteur public.
Celui qui s’est annoncé comme une "taupe" venant détruire l’appareil d’État de l’intérieur agit en sens contraire quand les intérêts des secteurs du grand capital ou ses préférences idéologiques le suggèrent. Quand on veut "il y a de l’argent". Chaque fois que cela convient, on nomme des personnels, en une harmonie obscène avec le licenciement de milliers d’employés publics.
Tant dans la sphère de la coercition que dans celle de la légitimation ou de la génération du consentement envers ceux qui exercent le pouvoir, l'État est très actif au service d’un projet qui se pare du mot « liberté".
Et quand il le peut, il exhibe la version pure et dure du monopole de la force ou de la construction idéologique au service d'un projet hégémonique. D’un menaçant, « ordre nouveau », qui aspire à avoir un « Nouvel Etat ».
L’anarco-capitalisme serai alors un an donné à la domination, sans conteste et à la promotion du plus haut, niveau de bénéfice du capital à partir du domaine public. Aucunement une façon de désigner « l'extinction » de l'État, retardée à jamais.
Dans prochains articles, nous poursuivrons le traitement des domaines de l'État qui sont supprimés ou affaiblis et d'autres dans lesquelles la procédure est sélective, des fonctions qui s’étendent au détriment d'autres qui se rétrécissent.
Source en espagnol:
https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/12/01/argentina-nada-de-anarquia-su-estado/
URL de cet article:
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