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Venezuela : Le visage du fascisme vu depuis les prisons

3 Décembre 2024, 16:58pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Geraldina Colotti

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar Infos

 

Interview exclusive du ministre Julio Garcia Zerpa

 

« Nous, les socialistes, ne voyons pas la prison comme un châtiment mais comme un espace de réhabilitation et de réinsertion. Notre défi est de transformer les êtres humains victimes d'un système capitaliste qui prédomine au niveau mondial et dont nous ne sommes pas exempts en cette phase de transition »

 

C'est ce que dit le ministre des affaires pénitentiaires, Julio Garcia Zerpa, qui nous reçoit dans son bureau, à Caracas. Malgré son jeune âge (37 ans), Zerpa est un révolutionnaire de la première heure. Sa famille a participé activement à la politique sous la IVe République, dans la région de Tachira d'où Julio est originaire. En tant que militante du parti communiste du Venezuela (PCV), dans les années 60, son père a participé à la guerrière dans les forces armées de libération nationale (FALN) et ensuite, dans les années 90, les années du néolibéralisme sauvage, il a accompagné le commandant Hugo Chavez dans son chemin politique vers la présidence avec le Mouvement Ve République.

 

Julio se souvient d'avoir vu le Commandant pour la première fois à San Cristobal, en août 97, de l'avoir écouté parler pendant des heures du congrès d'Angostura, de la nécessité d'une Assemblée Constituante et d'autres sujets qu’à ce moment-là, à 11 ans, il ne pouvait pas comprendre et qui plus tard donneraient une impulsion au processus bolivarien. Il se souvient aussi que, pendant le coup d'Etat de 2002, son père était député du MVR et toute la famille était inquiète pour la vie de Chavez et à cause du fait que le chef des putschistes, le patron Pedro Carmona Estanga, avait suspendu toutes les garanties constitutionnelles.

 

« Ma sœur, dit maintenant, le ministre, avait quatre ans, et, en apprenant que le Parlement avait été dissous, elle a demandé ce qui arriverait à papa. Après la libération de Chavez, est venue la grève pétrolière, et nous, les jeunes étudiants avons commencé à réfléchir. Cela avait attiré l'attention, tu ne pouvais pas rester tranquille et regarder. Alors, j'étais élève au lycée Simon Bolivar de Saint Cristobal, nous avons commencé à nous organiser et à faire pression sur les enseignants qui étaient contre le processus et qui s'étaient déclarés en grève. »

 

Zerpa, après avoir été proche pendant un certain temps du PCV, est entré au parti de son père, le MVR, puis a participé à la fondation du Parti Socialiste Uni du Venezuela et ensuite de la JPSUV dont il a été le coordinateur pour Tachira. Et finalement, nous sommes arrivés à aujourd'hui. Julio a participé activement aux mouvement sociaux et à l'organisation du Congrès de la Patrie, du Congrès du Bicentenaire des Peuples du Congrès de la Nouvelle Epoque, créés par la Révolution pour se joindre aux mouvements sociaux. « Moi, dit-il, aujourd'hui, j'ai dû rester là pendant ces années. Pendant la dernière campagne électorale, dans la Révolution, on a décidé de créer un mouvement appelé « Futur »  qui réunit la force des mouvements sociaux à partir d'une vision différente de la plus directement politique, puisque chaque mouvement y participe avec son propre drapeau de lutte et que nous avons la tâche de coordonner. Parallèlement, et en continuant à être engagé au niveau parlementaire et dans la commission de politique intérieure, j'ai été nommé à cette nouvelle responsabilité, il y a six mois. »

 

  • Les États-Unis vous ont inclus dans la liste des 21 nouveaux « sanctionnés » qui seront bientôt décorés par le président Maduro. Celui-ci a dit que les États-Unis voulaient attaquer votre travail en tant que jeune ministre qui a mis de l'ordre dans le système pénitentiaire. Comment avez-vous fait?

 

J’en suis venu à présider ce ministère sur décision du président, qui nous a invité à réviser tout le système de justice pénale dans son ensemble, après que de nombreuses lois aient été modifiées, et que les tribunaux se soient effondrés à cause de l'impossibilité de mener à bien des procès pendant la période de la pandémie et de nombreuses personnes privées de liberté souffrent du retard dans les procédures qui a suivi. Quand j'ai assumé cette charge, nous étions au milieu d'une grève pour raisons politiques organisée dans l'objectif de déstabiliser les élections du 28 juillet, et lors de laquelle les prisons devaient jouer un rôle prépondérant. Le but de la droite était d'ouvrir certains centres pénitentiaires avec la complicité de fonctionnaires. Un plan généreusement financé qui impliquait la distribution d'armes de gros calibre à 2000 ou 3000 criminels privés de liberté qui devaient entrer en action pendant les affrontements post-électoraux organisées par le fascisme.

 

Le capitaine Diosdado Cabello, ministre de l'Intérieur, de la Justice et de la Paix, avec qui nous avons enquêté sur ce problème pendant longtemps, a révélé ce plan en détails. Le président nous a demandé de rétablir l'ordre. Une tâche en rien facile. Nous avons commencé par démanteler toute la chaîne du crime organisé qui prospérait dans le système pénitentiaire: les parrains, comme ils les appellent, pour nous les chefs négatifs qui croient pouvoir se placer au-dessus de l'État, posséder des armes de gros calibre, assassiner dans les prisons, soumettre et faire chanter les plus faibles.

 

Le fascisme vénézuélien dont nous avons eu l'occasion de démasquer le visage plusieurs fois pendant les tentatives de renversement du Gouvernement, cette fois, nous l'avons vu en action dans la violence post-électorale après le 28 juillet, qui a tenté de déchaîner une psychose collective grâce aux réseaux sociaux à la participation d'organisations criminelles à l'intérieur et à l'extérieur des prisons.

 

  • Depuis le 28 juillet, il y a eu de nombreuses arrestations, dénoncées par l'extrême droite qui accuse le Gouvernement de violer les droits de l'homme. Quelle est la situation ? Quelle est le profil de ceux qu'on a accusé de cette violence ?

 

Les données que je vous donne aujourd'hui sont encore des données inédites que nous sommes en train d’analyser. la plupart d'entre est jeune et quelques-uns sont mineurs. Ils sont considérés comme pénalement responsable par la loi à partir de 14 ans. Nous pensons que c'est un enfant de 13 ans qui a brisé le cœur d'une militante chaviste avec un pic à glace et l'a poignardée de plusieurs coups de couteau. Comment a-t-il pu commettre une action aussi horrible contre une femme qu'il connaissait et qui aurait pu être sa mère ? Comment peut-on semer une telle haine contre des personnes qu'on rencontre tous les jours et que parfois les avaient vus naître ? Ce sont les questions que nous devons nous poser. L'enfant de 13 ans était en rupture scolaire, hors de l'éducation officielle, avec un faible niveau de formation, d'autres adolescents avaient été formés hors du pays, amenés quelques mois plus tôt. Presque tous utilisaient du khat, la plante aux propriétés psycho-stimulantes la plus puissante connue jusqu'à présent. Certainement, tous avaient été collés à leur téléphone portable pendant les journées qui ont précédé les élections et avaient écouté les messages de haine préparés pour eux.

 

Pendant ce temps, sur WhatsApp, on envoyait des menaces à nos militants et on les signalait comme des objectifs sur les réseaux sociaux. Il y avait une intention évidente de déchaîner une psychose collective incitant des personnes ordinaires ou des adolescents qui n'avaient jamais commis de délit à attaquer violemment leur voisin. Des jeunes qui n'étaient pas des militants politiques et n'avaient pas de conscience idéologique captés par le mécanisme pervers des réseaux sociaux. Un puissant outil qui permet à un individu stupide et misogyne comme Javier Milei d'arriver à la présidence d'un grand pays comme l'Argentine, un pays cultivé qui se sent même européen. Évidemment, l'ascension de ces figures est due à la crise structurelle du modèle capitaliste qui conduit au retour du fascisme entre archaïsmes et formes modernes d'agression, capable de stimuler la violence aveugle.

 

  • Est-ce une sorte de fascisme différente de celle que nous avons vue pendant les guarimbas précédentes ?

 

Oui, c'est figures sont différentes de celles qui nous ont attaqué pendant les années précédentes et qui ont montré une motivation idéologique contre le socialisme. Avant, c’étaient des gens violents, idéologiquement convaincus d’attaquer le peuple et de suivre l’oligarchie qui produit la misère et l’oppression, et qui maintenant se camoufle et utilise le peuple en utilisant des sujets sans orientation politique. La droite fasciste, avec la complicité des traîtres, utilise nos propres formes populaires d'organisation en les déformant, en les appelant « petits commandos. » Des cellules qui agissent aussi bien sur le territoire que clandestinement, nourries avec de l'argent, des drogues et un réseau de communication qui suit une stratégie précise basée sur la guerre cognitive. Nous assistons pour la première fois un phénomène de masse peu commun : une campagne de pression psychologique depuis l'étranger, qui a utilisé des messages de chantage de la part de ceux qui sont partis, en particulier contre nos dirigeants de base, en leur disant que s'ils ne votaient pas contre Maduro, ils ne pourraient jamais revenir, ou en les menaçant de ne plus envoyer d'argent pour leurs enfants ou de rompre toute relation avec leurs parents.

 

En deux ou trois jours, une expérience explosive de guerre psychologique contre les femmes a été déclenchée, multipliée par les réseaux sociaux, qui ont amplifié ces menaces à travers des influenceurs. Quand je suis rentré chez moi après avoir vécu le climat de tension imposé dans les rues par les petits commandos, j’ai réalisé que la famille avait eu une perception beaucoup plus exaspérée de cela, parce que les réseaux sociaux ne montraient délibérément que ça. Ces jeunes violents n'ont aucune motivation idéologique mais ils ont tué 27 personnes et ont attaqué des femmes en se basant sur l'augmentation de la violence verbale et physique que le fascisme déchaîne contre elles dans le monde entier. S'il y a eu une telle accélération depuis les dernières guarimbas jusqu'à aujourd'hui, je me demande comment ce sera dans 10 ans. Nous vivons une sombre époque.

 

- Beaucoup de personnes qui ont été arrêtées après le 28 juillet ont été libérées, quelle sera la politique pénitentiaire pour les catégories de violents qui restent en prison et pour les personnes privées de liberté dans leur ensemble ?

 

Depuis que les jeunes nous accusés sont entrés en prison, nous avons adopté des procédures pour appliquer les bénéfices prévues par la loi et les 200 premiers sont sortis de prison. Sur les réseaux sociaux circule une vidéo emblématique qui montre un jeune qui est sorti de prison et qui dit est étonné d'avoir été traité comme un être humain et d'avoir reçu du respect et une formation. La droite s'est évertuée à dire que la vidéo avait été commandée par nous, mais ce n'est pas le cas, je n'avais jamais vu ce jeune auparavant. La vérité, c'est que non seulement il a trouvé un principe de réalité, différent de la construction virtuelle qu'on lui avait injectée, mais il a trouvé une autre vision du monde, qui aspire à construire un système humaniste respectueux des droits de l'homme, même au milieu d'une guerre d'agression multiforme dans laquelle des mesures coercitives unilatérales ont gravement affecté la situation économique du pays. Nous, les socialistes, ne voyons pas la prison comme un châtiment mais comme un espace de réhabilitation et de réinsertion, en harmonie avec la Constitution. Notre défi est de transformer les êtres humains victimes d'un système capitaliste qui prédomine au niveau mondial et dont nous ne sommes pas exempts en cette phase de transition. Il y a aussi dans nos prisons des gens pauvres qui n'ont pas eu d'opportunités et qui sont victimes d'un système de justice qui continue à être un système de classe et même raciste, influencé par les tendances mondiales.

 

  • Comment ? Comment fonctionne le système pénitentiaire ?

 

Il y a eu plusieurs étapes. Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, sous la présidence du commandant Chavez, le système pénitencier s'était effondré, l'État n'avait pas de politique pénitentiaire. les institutions ont été contrôlées par la mafia, comme le démontre. Certains massacre comme celui du Retén de Catia, ou celui de Sabaneta del Zulia, dans lesquels sont morts brûlés presque une centaine de prisonniers. En 2011, le Commandant a créé le ministère du service pénitentiaire et l’a confié à la camarade Iris Varela, qui a commencé le grand travail de rétablir l'institution et d’établir un nouveau régime pénitentiaire humaniste, basé sur la réinsertion et la conscience politique. Sur 60 prisons dans lesquelles il existait une espèce de société parallèle hors du contrôle de l'État, on a réussi à en récupérer 40 et d'autres ont été fermés. Il en restait huit autres, encore hors de contrôle et prise par des chefs négatifs, comme celle de Tocorón. L'année dernière, nous avons également réussi à reprendre le contrôle de celles-ci en libérant des milliers de personnes, pratiquement réduites en esclavage, qui auraient été mutilées ou assassinées si leur famille ne payait pas une espèce « d’impôt de protection » quotidien. Aujourd'hui, je peux entrer dans n'importe quelle cellule en tant que ministre et parler avec les personnes privées de liberté et, malgré toutes les difficultés que nous impose l'impérialisme, nous sommes en train de devenir un modèle de sécurité pour l'Amérique latine, avec des méthodes opposées à celles que nous nous voyons dans d'autres pays comme, par exemple, le Salvador.

 

Nous devons résoudre les problèmes qui provoquent la délinquance et lutter contre la corruption en tenant compte du fait que, la liberté étant la valeur la plus précieuse de la vie, ceux qui en sont privés payeront n'importe quel prix pour s'ouvrir un espace. C'est pourquoi nous avons mis en place divers projets de réinsertion aussi bien du point de vue de la production pour doter les prisons d’autonomie et créer un écosystème soutenable que du point de vue du travail et de l’accompagnement extérieur et que du point de vue de la formation des prisonniers et du personnel pénitentiaire. Nous sommes en train de renforcer le système informatique qui permet d'accéder à des statistiques et au suivi des autres procédures qui ont diminué de 50 % pendant les trois dernières années.

 

Nous pensons à un projet dédié au grand écrivain, scientifique et philosophe Francisco de Miranda qui, parmi ses vastes intérêts d'humaniste intégral, avait aussi celui des prisons et de la détention. Dans les prisons, nous avons plusieurs centres de production industrielle actifs, qui produisent des chaussures, des uniformes, des chaises pour les écoles touchées par le blocus, des menuiseries, des boulangeries. Au départ, nous utilisons les compétences internes, les nombreuses compétences des prisonniers, qui ainsi, peuvent envoyer de l'argent à leurs familles et obtenir des avantages et des réductions sur les peines. Nous travaillons à donner une autre opportunité et une autre raison de vivre aux 26 000 personnes privées de liberté des centres pénitentiaires sur un total de presque 50 000 dont 5000 sont des femmes. Le président nous demande d'avancer de plus en plus rapidement et l'élection des juges communaux de paix va dans cette direction pour résoudre et prévenir, en commençant à partir des communes, les problèmes et les conflits qui surgissent dans les communautés et qui peuvent dégénérer à cause de retards ou de l'éloignement du système judiciaire. C'est pourquoi il est utile de décentraliser les fonctions, de diviser les responsabilités sur la base d'un système réparateur et non punitif. Un système qui place aux côtés des principes juridiques universels l'apport spécifique de notre modèle de développement et de ses racines pour Maître au centre la médiation pour résoudre les conflits dans les communautés.

 

  • La droite n'a pas gagné, mais même ainsi, sa force électoral a augmenté, et maintenant, elle veut l'utiliser pour empêcher que le président président, Nicolas Maduro, soit investi le 10 janvier. Quelles contre-mesure sont adoptées?

 

Dites-moi dans quel pays capitaliste nous pourrions résister à un blocus identique à celui que nous applique l'impérialisme depuis des années, et face auquel notre peuple conscient et organisé a réagi par une mobilisation permanente contre l'oligarchie suprémaciste, contre ces grandes familles qui sont les mêmes depuis l'époque coloniale. Qu'une situation aussi difficile, que des pénuries matérielles prolongées produisent un certain niveau de mécontentement et de fatigue est physiologique. Évidemment, nous devons renouveler notre engagement contre une opposition de différent genre qui a décidé de remettre son capital politique à l'extrême droite fasciste qui n'a pas de soutien dans le pays. C'est pourquoi le président Maduro a convoqué le congrès pour renouveler un Bloc Historique, pour renforcer, sur la base des idées de Gramsci, l'hégémonie du socialisme. Et pour comprendre d'où vient le fascisme et pourquoi aujourd'hui, il s'articule avec le sionisme et pour réaliser le génocide contre les Palestiniens, trouve des alliés chez les héritiers de ceux qui ont subi l’holocauste nazi. Il faut analyser et combattre l'inaction et la complicité des organismes internationaux, le rôle de l'impérialisme étasunien et de ses alliés qui veulent s'approprier nos richesses pétrolières en s'infiltrant par nos frontières, comme lors de l'opération Gédéon. Le fascisme a un plan pour le 10 janvier, il cherche à semer le chaos dans le pays en engageant des mercenaires, mais il n'a pas l’approbation du peuple. C'est à une minorité dangereuse que nous nous sommes opposés et que nous nous avons démantelée. Pendant les élections, les bandes criminelles armées auraient dû fermer les entrées de Caracas en impliquant les forces de police dans des tirs avec arme à feu dans les quartiers « chauds » plusieurs jours avant, mais nous les en avons empêchés comme nous les avons empêchés de brûler les prisons. La plupart des personnes privées de liberté ne sont pas d'accord avec ces plans.

 

  • Comment votent les personnes privées de liberté qui peuvent exercer ce droit ?

 

La plupart vote pour la Révolution, et cela a été ainsi depuis le début du processus bolivarien.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/12/02/venezuela-el-rostro-del-fascismo-visto-desde-las-carceles-entrevista-exclusiva-al-ministro-julio-garcia-zerpa/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2024/12/venezuela-le-visage-du-fascisme-vu-depuis-les-prisons.html