Cuba: Conspiration de haut niveau pour justifier une augmentation du blocus
Javier Gómez Sánchez
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
L'histoire des bases de radio chinoises destinées à espionner le déploiement en Floride des missiles de la compagnie SpaceX d’Elon Musk pour impliquer le multi-millionnaire sud-africain devenu membre du cabinet de Donald Trump et tenter de le convaincre de proposer son entreprise Starlink pour amener Internet sur l'île sans le contrôle du Gouvernement cubain n'a pas été le seul schéma construit par les acteurs politiques qui se consacrent à profiter des conflits des États-Unis avec des pays comme la Russie et la Chine pour mettre sur la table plus de tours de vis à la politique agressive envers Cuba.
C'est pourquoi l'année dernière a été une période intense de préparation du terrain médiatique avec l'utilisation combinée de médias de presse et de groupes de pensée en vue de la possibilité –aujourd'hui, devenu réalité– qu'une victoire de Trump leur donne de nouveau accès à la Maison-Blanche.
Dans ce but, en juin 2024, El Nuevo Herald a publié un article intitulé : « Cuba va chercher à influer sur les élections de 2024 en Floride, préviens le renseignement des États-Unis. »
Le média de Miami dit que sur l’île, on serait en train de « développer des campagnes spécifiques pour porter atteinte aux élections des états et aux élections locales en Floride, » et cite des fonctionnaires du bureau du directeur du renseignement national de la CIA.
Il s'agirait soi-disant d'une opération qui utiliserait des centaines de faux comptes sur les réseaux sociaux pour diffuser un contenu négatif sur les candidats hostiles au Gouvernement cubain.
La façon dont l'article est écrit mettrait en alerte tout lecteur inexpérimenté puisqu'il dit citer un fonctionnaire de la CIA. Mais il ne mentionne aucun rapport public et aucun porte-parole de l'agence. Il ne précise pas non plus quand ni où ont été faites ces déclarations. Tout consiste à mentionner le fait que « la communauté du renseignement dit » sans plus d’informations.
L'inclusion de Cuba dans des titres concernant de soi-disant actions destinées à influer sur les élections aux États-Unis remonte à décembre 2023, quand certains médias ont mentionné l’île avec la Russie, la Chine et l’Iran pour une soi-disant ingérence dans les élections de mi-mandat en 2022. Mais là non plus, aucun élément concret n'était présenté.
À ce moment là, El Nuevo Herald a À publier, l'éditorial intitulée « A l'approche de la course à la présidence, l'ingérence de Cuba dans les élections des États-Unis doit être prise au sérieux. » Parmi les individus qui soutenaient cette alerte se trouvaient les membres du congrès María Elvira Salazar, Carlos A. Giménez et Marco Rubio. Ce dernier avait déclaré qu'on devait utiliser ces accusations pour expulser les diplomates cubains.
Mais d'autres médias, qui ont surveillé l'ingérence étrangère dans les processus électoraux des États-Unis, comme Associated Press (AP), dans sa dépêche de mai 2024 sur une audition du Sénat sur les menaces externes pour le processus électoral avec l'utilisation possible de l'intelligence artificielle, intitulée Now armed with AI, America's adversaries will try to influence election, ne mentionne pas du tout Cuba.
Le « rapport » par lequel on veut impliquer l'île dans un réseau d'ingérence électorale semble être en réalité un mémorandum d'une page seulement, émis le 8 décembre 2023 par le conseil national du renseignement sur la soi-disant menace de Cuba envers le processus électoral de 2022 avec plus de spéculations que d'éléments concrets et dont l’article d’El Nuevo Herald 2 juin 2024 est presque une copie mot pour mot.
Mais le rapport annuel sur les menaces du bureau national du renseignement, un document beaucoup plus sérieux et écrasant, publié en janvier 2024, ne mentionne pas Cuba comme une menace pour les élections.
En mai 2024, dans le cadre d'un groupe d'actions destiné à préparer les élections, Marco Rubio qui, à ce moment-là était vice-chef du comité du renseignement du Sénat, a interrogé lors d'une audience Avril Haines, directrice nationale du renseignement sur les menaces envers le processus électoral. Lors de cette session, le sénateur a posé des questions sur la Russie et la Chine, mais de Cuba, il n'a pas dit un mot.
Comment est-il possible qu’un agresseur enragé du Gouvernement cubain comme Marc Rubio qui, quelques mois auparavant, avait déclaré qu'on devait utiliser l'ingérence de Cuba dans les élections pour expulser ses diplomates, a-t-il laissé passer l’opportunité de poser une question sur les soi-disant action cubaine à la chef du renseignement national des États-Unis ? Pourquoi le nom de Cuba n'a-t-il pas été mentionné ?
La réponse pourrait être très simple : une question sur d'éventuelles menaces de de Cuba aurait reçu très probablement une réponse négative devant la presse et ceux qui assistaient à l'audience, quelque chose qui ne convenait pas au politicien anti-cubain. Par conséquent, Rubio n'a pas oublié de poser des questions sur Cuba –rien moins que sa principale obsession politique- mais il savait qu'il ne pouvait pas le faire.
Cela pousse à se demander si les politiciens cubano-américains et El Nuevo Herald préfèrent continuer à maintenir la spéculation sur l'ingérence cubaine et qu'on en parle de plus en plus au lieu d'éclaircir le sujet comme il se doit.
Cependant, la fabrication de mensonges a un plafond bas : la limite qui apparaît lorsque les inventions - comme cela s'est déjà produit avec le Wall Street Journal et le Center for Strategic and International Studies (CSIS) avec la fabrication de l'histoire des bases chinoises à Cuba - impliquent le discrédit du Pentagone, ou dans ce cas, de plusieurs agences de sécurité fédérales.
Il en découle que depuis mars 2021, le rapport Foreign Threats to the 2020 US Federal Elections, présenté conjointement par plusieurs agences de contre-espionnage des États-Unis -dont le FBI- sur une éventuelle manipulation étrangère des résultats lors des élections de 2020, indique qu'il n'y a pas de preuve que cela se soit réellement passé.
Une seconde enquête du département de la justice, du Department of the Homeland Security, et de la Cybersecurity and Infraestructure Security Agency (CISA), trois entités qu'on ne peut vraiment pas considérer comme amies du Gouvernement cubain, déclarent dans un rapport conjoint de mars 2021 : « Nous sommes conscients que beaucoup de gens affirment publiquement que un ou plusieurs Gouvernements étrangers, dont le Venezuela, Cuba ou la Chine, mettent en place un plan pour manipuler les infrastructures électorales ou le décompte des voix. Après les élections, le département de la justice, le FBI et le département de la sécurité nationale, comprenant le CISA, ont enquêté sur les affirmations publiques et déterminé qu'elles ne sont pas crédibles. Nous n'avons pas de preuve ni grâce à la collecte de renseignements sur les acteurs étrangers eux-mêmes ni grâce au contrôle de la sécurité physique et de la sécurité des systèmes de vote dans tout le pays qu'un Gouvernement étranger ou d'autres acteurs auraient compromis les infrastructures électorales pour manipuler le résultat des élections. »
Un choc avec les intentions des politiciens cubano-américains et des journalistes d’El Nuevo Herald, comme cela s'est produit auparavant avec The Wall Street Journal et le démenti du Pentagone à propos des bases chinoises.
Mais, à une époque où la conspiration est devenue le principal outil politique, et avec un nouveau Gouvernement de Trump avec Marc Rubio comme secrétaire d'État, on ne peut pas douter qu'aussi bien la vérité que la fonctionnalité des agences du Gouvernement étasunien elles-mêmes pourraient être sacrifiés au moment de justifier une augmentation du blocus de Cuba.
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