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États-Unis: Marco Rubio n’aura pas les moyens de gagner comme secrétaire d’État

19 Janvier 2025, 16:46pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Mission vérité, 18 janvier 2025

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

 

Le 15 janvier a eu lieu une des audiences les plus attendues au Sénat : la confirmation de Marco Roubio comme secrétaire d'État, dans le Gouvernement de Donald Trump. Le Cubano-américain, connu pour soutenir le « changement de régime » dans des pays comme le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, et pour être un faucon traditionnel anti-Chine, a affronté des questions sur ses capacités à diriger la diplomatie des États-Unis.

 

Au-delà de l'audience et de ses réponses, dans lesquelles il est tombé sur l’Iran, la Chine et d’autres sujets obsessionnels des faucons, le candidat fait face à de sérieuses limitations pour remplir sa tâche au sein du Gouvernement Trump. La désignation de plusieurs envoyés spéciaux ayant un accès direct au président représente un défi structurel pour l’autorité du département d’État et réduit considérablement la marge de manœuvre du prochain secrétaire.

 

Des envoyés spéciaux au département d’État

 

La récente nomination de Richard Grenell comme Envoyé spécial, pour le Venezuela, et la Corée-du-Nord représente un mouvement stratégique dans la diplomatie du Gouvernement entrant de Donald Trump. Son rôle non seulement renforce les priorités du président, mais met également en évidence l'intention de canaliser la politique étrangère vers des thèmes essentiels qui requièrent une attention particulière et soutenue.

 

Depuis l'époque de George Washington avec le gouverneur Morris comme agent privé pour les négociations commerciales avec l'Angleterre, la figure des envoyés spéciaux a été un outil souple dans la politique étrangère des États-Unis.

 

Tout au long des années, leurs fonctions a évolué pour aborder des questions complexes qui exigent de s’y consacrer exclusivement, ce qui a évité aux bureaux du département d'État d'être saturés. Sous la présidence de Barack Obama, ce mécanisme a joui d'une expansion sans précédent et a montré son efficacité pour gérer des questions spécifiques de manière intensive et focalisée.

 

Dans le cas de Grenell, sa mission a une double orientation. D'une part, elle lui confère une pertinence dans l'articulation des lignes directrices de Trump sur le Venezuela, et l'éloigne ainsi de la simple coordination avec des figures traditionnelles telles que le secrétaire d'État. D'autre part, son rôle peut se heurter à de sérieux obstacles face à un département d'État dont la structure, pour le moins rigide et labyrinthique, peut entraver les négociations ou mettre en œuvre des stratégies extrémistes.

 

Dans ce cas, le républicain de Floride trouvera des limites dans le pragmatisme que Grenell devra employer pour conduire d'éventuelles négociations, en particulier en considérant les intérêts économiques et énergétiques en jeu entre Caracas et Washington.

 

En effet, selon Bloomberg : « Rubio, l'intellectuel, pourra utiliser son Prodigies intellect pour s'adapter aux caprices de Trump en coordonnant. En effet, tout ce que le président fait, que ça est un sens ou non. Ainsi, il pourra conserver son poste. Sinon, il pourrait aussi s'en tenir à ses principes et se retrouver rapidement sans travail». Cet équilibre entre pragmatisme et principes fondamentaux sera l'un des plus grands tests pour Rubio, qui, même au sein de l'aile démocrate, est largement considéré comme un « institutionnaliste », comme l'a dit Emily Horne, ancienne porte-parole du Conseil de sécurité nationale dans le Gouvernement Biden.

 

En résumé, la désignation de Grenell, qui opérera directement sous le commandement de Trump, suggère qu'il s'agit d'une tentative pour configurer une stratégie moins chaotique et plus structurée envers le Venezuela. Mais le « succès » de cette mission dépendra de plusieurs facteurs :

 

  1. Le pragmatisme du président : Trump devra équilibrer les intérêts de sa base politique et les bénéfices stratégiques de garder ouverts certains canaux de communication avec Caracas.
  2. La bureaucratie du département d'État : Grenell aura besoin de sortir des circuits bureaucratiques et de réaliser une coordination efficace avec les bureaux régionaux du département d'État pour avancer dans sa mission. Le républicain de Floride sera une pierre sur son chemin.
  3. Le lobby pétrolier : l'influence de Chevron et d'autres acteurs du monde de l'énergie sera cruciale pour arrêter les pressions des secteurs les plus radicaux au Congrès.

 

La nomination de l'Envoyé spécial en question pourrait être une occasion de concevoir une nouvelle politique envers le Venezuela, d’atténuer les obsessions idéologiques et de la rapprocher d'objectifs plus pragmatiques. Mais le risque de répéter les erreurs du passé persiste, en particulier, si le « lobby extrémiste » dirigé par Rublio et d'autres réussi à attirer de nouveau le Gouvernement vers des politiques erronées et géopolitiquement insoutenables.

 

Ce sera, en définitive, une épreuve non seulement pour Grenell mais aussi pour la capacité du Gouvernement à reconfigurer sa stratégie envers un pays dont l'impact dans la région et dans le monde ne peut être ignoré.

 

Les sanctions : l'arme favorite. Et le Venezuela dans le radar.

 

Parmi le groupe des questions, le sénateur Rand Paul, un républicain du Kentucky, a fait trembler un moment le récit prédominant dans l'audience : « Pouvez-vous me donner des exemples dans lesquels les sanctions ont amélioré le comportement ? » Rubio a répondu par une justification évasive en admettant que les mesures peuvent ne pas générer de changement mais qu'elles ont pour but de « refuser des ressources aux Gouvernements. »

 

Et il a ajouté que, ce qui doit cesser, c'est que la Chine continue à avoir tous les bénéfices du système international : « La seule alternative qui reste dans la caisse à outils, ce sont les sanctions économiques. »

 

Paul a alors conclu le débat par une remarque gênante : « Je ne pense pas que nous obtenions cela très souvent. Il est peut-être temps de penser à une autre façon de faire des affaires au lieu de dire simplement : sanctionnons tout le monde et appelons les gens par des noms que nous n’aimons pas, parce que je ne pense pas que cela aide ».

 

Maintenant, bon, après les déclarations initiales chargées de rhétorique et de promesses ambitieuses, l'accent n'a pas été mis sur le Venezuela. Mais le problème n'a pas tarder à surgir, et presque comme une obsession personnelle, a été évoqué par Rick Scott, républicain de Floride, dans l'intention de raviver les attaques discursives contre le Venezuela, en affirmant que « le Gouvernement Biden a permis que le pétrole coule, a volé les élections, a violé complètement ce que Biden avait dit qu'il ferait. » et il a aussi montré que, grâce à Rubio, Donald Trump a publié un tweet sur Maria Corina Machado.

 

Ainsi, le sénateur en a profité pour déployer son habituel répertoire de déclarations viscérales parmi lesquels se détachent :

 

  • « Le Venezuela, malheureusement n'est pas gouverné par un Gouvernement. Il est gouverné par une organisation de trafic de drogue. »
  • « Je n'étais pas du tout d’accord pour qu'ils entrent en négociation avec Maduro. »
  • « Ils ont utilisé la migration contre nous pour obtenir ces concessions. »
  • «Ils ont ces licences générales grâce auxquelles des entreprises comme  Chevron fournissent en réalité des milliers de millions de dollars aux coffres du régime. »
  • « Tout cela doit être explorer, car au Venezuela, tu as la présence russe, tu as une présence iranienne très forte. »

 

Rubio, qui, avec Léopoldo Lopez, a encouragé les mécanismes de sanctions illégales qui ont frappé l'économie vénézuélienne, ne change pas de position.  mais derrière son insistance pour durcir l'sanction, il y a une question stratégique : « Le lobby de Chevon est-il tellement puissant pour continuer à opérer au Venezuela face à la ferveur sanctionnante du sénateur ? »

 

La réalité est que, au-delà du discours du républicain de Floride, il existe des arguments techniques solides qui justifient qu'on continue à accorder la licence 41 à Chevron. Mais, comme Rubio le sait bien, à Washington, les arguments techniques ne prévalent pas toujours, c’est la volonté politique qui détermine le jeu.

 

En dernier recours, la véritable question n'est pas de savoir si les sanctions atteignent leur objectif, mais jusqu'à quel point les États-Unis sont prêts à sacrifier leurs propres intérêts commerciaux et énergétiques en faveur d'une politique étrangère obstinément rigide.

 

La Chine : l'axe de la politique étrangère des États-Unis

 

Rubio a commencé son intervention par une critique agressive et hostile de la Chine qui a décrite comme un partenaire « clair mais occulte » d'adversaires comme la Russie. Il a affirmé que Pékin a contribué indirectement à l’effort de la Russie en Ukraine  en lui faisant éviter les sanctions et en lui vendant de la technologie.

 

Au-delà de sa rhétorique anti-chinoise habituelle, il a souligné l'importance de maintenir un équilibre entre affrontement et diplomatie en reconnaissant que « jamais dans l'histoire de l'humanité, deux puissances comme les États-Unis et la Chine ne se sont affrontées sans que cela ait des conséquences catastrophiques. »

 

Pendant la session, le sénateur républicain du Nebraska, Pete Ricketts, a posé l'une des questions les plus incisives : la place de la Chine en tant que pire adversaire des États-Unis. Ricketts a qualifié la république populaire de Chine de « la figure de proue de cet axe de dictateurs », en disant que Pékin a été impliqué dans presque toutes les problématiques actuelles qui affectent les États-Unis, depuis le fentanyl jusqu'aux tensions dans l’Indo-Pacifique.

 

« Le parti communiste chinois est le pire défi que nous affrontons, a-t-il répondu, une question qui n'était pas inattendue, parce que, dans sa large trajectoire législative, il a accordé la prédominance aux affaires avec la Chine : entre 2023 et 2024, le sénateur a présenté plus de 100 projets de loi contre le pays asiatique.

 

Alors, dans sa réponse, le Cubano-américain a décrit la république populaire comme un adversaire qui combine la dimension technologique, industrielle, économique, scientifique, géopolitique, des caractéristiques qui, selon lui, dépassent même les capacités de la défunte Union soviétique. Pour lui, la relation bilatérale sera ce qui définira le XXIe siècle, une espèce de fil conducteur pour comprendre les défis géopolitiques qui marqueront les prochaines décennies.

 

Du commerce aux chaînes de fourniture, les États-Unis dépendent de la Chine à un niveau qui fait que tout affrontement direct serait aussi risqué que coûteux. La question centrale n'est pas de savoir si les États-Unis souhaitent s'opposer à la Chine mais s’ils peuvent le faire sans compromettre leur propre économie.

 

Qu'a laissé l'audience ?

 

En terme généraux, l'audience au Sénat des États-Unis, destinée à évaluer la nomination de Rubio comme secrétaire d'État du Gouvernement Trump est devenue une radiographie des priorités et des défis qui marqueront la politique étrangère de ce pays pendant ces prochaines années.

 

S’il était confirmé, ce qui semble possible avec un vote rapide, le premier jour de la présidence de Trump, cela marquerait une ère de plus important affrontement dans la politique étrangère des États-Unis, en particulier avec la Chine.

 

En dernier recours, l'impact de ces initiatives dépendra de la capacité de Marco Rubio à s'aligner sur les priorités de Donald Trump en matière de politique étrangères ou du fait que l'ancien président trouve en son secrétaire un exécuteur prêt à suivre ses directives. Cette balance entre autorité stratégique et soumission définira l'efficacité des politique contre le Venezuela et leur ancrage dans le panorama géopolitique actuel.

 

Cette audience a également reflété une vision plus large des défis que le Cubano-américain affrontera en travaillant avec un président dont la conception de la politique étrangère est dominée par le pragmatisme électoral et la personnalisation du pouvoir. Il pourrait opter pour s'adapter ou rester ferme dans ses convictions et prendre le risque d'être isolé politiquement.

 

La désignation d’envoyés spéciaux comme Grenell renforce ce défi puisqu’ils travailleront directement sous les ordres de Trump, ce qui réduira encore plus l'autonomie du département d'État. Ceci, combiné avec les différents entre les eux sur des problèmes comme la Chine et les sanctions pose une question essentielle : Marco Rubio sera-t-il un exécuteur de la vision de Trump ou fera-t-il tout son possible pour faire prévaloir ses dogme, même au prix de son poste ?

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/01/18/estados-unidos-marco-rubio-no-tiene-las-de-ganar-como-secretario-de-estado/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2025/01/etats-unis-marco-rubio-n-aura-pas-les-moyens-de-gagner-comme-secretaire-d-etat.html