Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Médias : L’USAID et le journalisme indépendant

9 Février 2025, 16:55pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Jose Ernesto Novaez Guerrero

 

Traduction Françoise, Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

 

Le Gouvernement de Donald Trump a menacé l'Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) dans ce qui semblait être le fer de lance d'un programme politique destiné à obtenir la « plus grand d'efficacité gouvernementale » et à  « rendre l'Amérique à nouveau grande », et il est probable que cela concernera rapidement d'autres institutions et d'autres instances du Gouvernement fédéral. Dans le cadre de cette attaque, on a pris un groupe de décisions pratiques concernant l’agence et des révélations intéressantes sont apparues au grand jour, surtout en ce qui concerne le financement de médias à l'étranger sur lequel il convient de s’arrêter.

 

« une boule de gusanos »

 

Depuis sa naissance dans les années 60, l'USAID a été un instrument au service des intérêts et de l'hégémonie nord-américains. C'est pourquoi nous devons lire cet attaque plus comme une remise en ordre des moyens et des fins de cet hégémonie que comme une remise en question de l'essence du fonctionnement de cet appareil. En d'autres termes, on remet en question les politiques, les décisions, les dépenses, mais pas la légitimité même d'un outil comme celui-là qui, sous le manteau de l'aide, a organisé activement des opérations de changement de Gouvernement dans de nombreux pays.

 

Elon Musk, nouveau directeur du département de l'efficacité gouvernementale, dans une session en direct sur X Spaces, a affirmé que Trump était d'accord pour fermer cette agence. Il l'a qualifiée de boule de gusanos et il a insisté sur l'idée de l'éliminer. En parlant à d'autres médias, il l’a aussi qualifiés « d'organisation criminelle ». Trump, pour sa part, a affirmé que l'USAID était dirigée « par une poignée de lunatiques radicaux. »

 

L'agence nord-américaine emploie quelques 10 000 personnes et administre un budget de 40 000 000 000 000 de dollars ainsi qu'un réseau complexe d'organisations sans but lucratif, de groupes, de médias, etc… qui impliquent des milliers de personnes de plus.

 

Ce 4 février,  son siège de Washington a été fermé et les employés renvoyés chez eux sans connaître leur sort. Le personnel à l'étranger a été mis en chômage technique pour les 30 prochains jours. Le dernier message sur le site de l'agence dit: « Merci pour vos services. » L'USAID est passée sous la supervision du département d'État, ce qui indique très probablement un changement de statut de l'agence dans l’avenir.

 

Le démantèlement de l'USAID, d'une part, fait partie du nouveau point de vue de la politique étrangère nord-américaine qui s'exprime dans la décision de Trump de geler toute l’aide extérieure peu après avoir pris sa charge au mois de janvier, et dans sa décision récente de se retirer de plusieurs organismes internationaux. D'autre part, il fait partie de l'effort de l'ambitieux et Musk pour montrer des résultats dans la gestion de son département dans le cadre de l'objectif déclaré de réduire de moitié l'immense déficit fiscal du pays pour 2026. Mais comme le le média Wired, l’USAID représente moins de 1 % du budget fédéral total des États-Unis.

 

Les menaces de cette politique d'ajustement se sont déjà étendues à d'autres agences gouvernementales comme la CIA qui a mis en place une politique pour encourager les « démissions volontaires » et le département de l'éducation qui risque de disparaître. Ces mesures et d’autres, prises ces jours-ci par le nouveau Gouvernement, ont déjà provoqué des protestations au Sénat à la Chambre des Représentants, ainsi que des décisions judiciaires contre elles dans plusieurs états.

 

Toute cette politique semble coordonnée en fonction d'un ordre du jour néolibéral de réduction de ce qui est public, de nationalisme, de valeurs conservatrices, de promotion active et agressive des intérêts du capital et d'une tentative pour reconstituer, par tous les moyens à sa portée, l'hégémonie des États-Unis en crise.

 

Mais, au milieu de cette mêlée de réduction des dépenses publiques, la plus importante source de gaspillage budgétaire dans le pays n'est pas touchée : le Pentagone et sa relation avec le complexe militaire et industriel. On ne touche pas non plus et on ne remet pas en question les gigantesques budget de la NASA, qui a parmi ses sous-traitants, Blue Origin de Jeff Bezos et SpaceX, d'Elon Musk.

 

On peut sacrifier l'éducation, mais personne ne touchera au milliers de millions de dollars qui engraisse les portes tournantes de la corporatocratie qui domine les États-Unis.

 

Les médias « indépendants »

 

Tout ce qui précède ne veut pas dire que nous regrettions tant soit peu le sort de l’USAID, une agence impérialiste et coloniale par excellence. Mais sa crise a déclenché une avalanche d'informations particulière particulièrement intéressante. Celles qui concernent le financement, dans le monde entier, de milliers de journalistes et d'agences de presse qui n'hésitent pas à se présenter comme « indépendants », alors que dans la pratique, ils sont des berceaux idéologiques au service de la domination des États-Unis, sont particulièrement importantes.

 

Dans un rapport récent, Reporters sans Frontières note que le gel du financement extérieur et particulièrement de l’USAID, laisse plus de 6 200 journalistes, 707 médias privés et 279 organisation « qui se consacrent à renforcer le journal indépendant » dans une situation éminemment précaire du point de vue économique.

 

Le budget de cette année 2025 comprenait plus de 268 000 000 de dollars pour des « médias indépendants et le libre flux de l'information. » En Ukraine, en particulier, dit ce rapport, 9 médias sur 10 dépendent de subventions et l'USAID est leur principale bailleur de fonds.

 

L’USAID est seulement l'une des agences et des organisations utilisées par le Gouvernement des États-Unis pour promouvoir le journalisme « indépendant » mais son cas est emblématique en ce qui concerne le fonctionnement et les buts de ce financement. L'agence a préparé, en 2021, un « Manuel sur la lutte contre la désinformation », en pensant orienter l'action de ces médias et de ces journalistes. L'une des règles que l'on trouve dans ce manuel, par exemple, est celle du « silence stratégique », destiné à la base à ne pas mentionner et à ne pas couvrir les réalités qui ne cadrent pas avec le récit créé par Washington.

 

À la fin, beaucoup de ces médias et de ces journalistes, encouragés surtout contre des pays perçus par les États-Unis comme des ennemis et dans des régions d'intérêt stratégiques pour l'empire nord-américain, finissent par reproduire le discours hégémonique en promouvant l'ordre du jour libéral et en produisant des contenus par lesquels, à partir d'une vision intentionnellement biaisée, on construit le récit de la domination.

 

À Cuba, nous avons vécu, et nous vivons toujours l'impact de la stratégie de siège symbolique par laquelle on construit, finance et encourage ces médias et ces individus. L’USAID elle-même a été, depuis son origine en 1961, une promotrice active de l'ordre du jour subversif contre l’île.

 

Pour prendre un seul exemple, en 2020, alors que l’île affrontait, comme le reste de la planète, la pandémie du COVID–19, en plus d’un blocus durci, l’USAID destinait 410 710 $ à l'entreprise Digital New Associations Inc. Cette organisation, qui a son siège en Floride, finance à son tour de nombreuses pages et de nombreux journalistes qui, sous le manteau de l'information, promeuvent activement la propagande contre l'île. C'est le cas, par exemple, de ADN Cuba, l'un des « médias » qui bénéficient de ce financement.

 

Alors que le sort d'outils tels que l'USAID est en train d'être défini et que les eaux troubles du réalignement au sein du groupe politique aux États-Unis se calment, nous pouvons tirer une série de conclusions préliminaires.

 

La transformation ou la disparition de l’USAID  et d'autres agences ne modifie pas la nature impérialiste est ploutocratique du pouvoir aux États-Unis. Malgré son discours facile, construit pour plaire à la classe moyenne américaine en colère, Trump gouverne avec et pour l'oligarchie, il suffit de regarder la structure de son cabinet. Ces processus font partie, comme on l'a déjà dit, d'une réadaptation des outils de l'hégémonie nord-américaine pour qu'ils s'ajustent mieux à la vision du monde et aux intérêts du groupe qui dirige actuellement.

 

Le département de Musk va réduire des dépenses essentielles en matière de services et de droits publics, comme c'est logique dans un Gouvernement néolibéral, nationaliste et d'extrême droite. Ils ne vont pas toucher aux budgets militaires disproportionnés qui vont profiter au Big Tech et, en dernière instance, aux intérêts de Musk lui-même.

 

Et enfin, l'information publiée par des médias et des journalistes, « indépendants » révèle le degré de pénétration et d'influence des diverses agences nord-américaines dans l'ordre du jour médiatique mondial, non seulement dans les grands médias cartélisés, mais aussi dans des entreprises journalistiques beaucoup plus petites jusqu'à des communicants individuels, ce qui prouve clairement comment, depuis les centres du capitalisme contemporain, on structure  et on produit la micro-physique du pouvoir médiatique au service de l'hégémonie du capital.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/02/08/comunicacion-eeuu-la-usaid-y-el-periodismo-independiente/

URL de cet article :

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/02/medias-l-usaid-et-le-journalisme-independant.html