Pensée critique : Guyana–Venezuela, des tensions dangereuses
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Le président guyanais, Irfaan Ali, a mobilisé hier l'armée de l'air et la Marine après avoir affirmé qu'un bateau de guerre vénézuélien avait fait une incursion dans les environs d'une plate-forme pétrolière de la compagnie étasunienne ExxonMobil dans ce qu'il a affirmé être des eaux appartenant à sa zone économique exclusive. Immédiatement, le chancelier du Venezuela a répondu que la zone maritime en question est en attente de délimitation, a critiqué le fait que Georgetown ait accordé des concessions d'exploitation du pétrole dans une zone qui est en litige et a décrit Ali comme « le Zelensky des Caraïbes. »
Le Gouvernement des États-Unis et l'obséquieux secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains (OEA) ont attisé les tensions : le Département d'État de Washington a qualifié la présence du bateau vénézuélien « d'inacceptable, et de violation évidente du droit maritime du Guyana, reconnu internationalement », et l'organisme panaméricain dirigé par Luis Almagro, à critiquer Caracas parce qu'elle « sape la stabilité et menace les principes de convivialité pacifique. »
Cet incident s'inscrit dans le conflit territorial de longue date entre le Guyana et le Venezuela : alors que le second réclame les territoire situés à l'ouest du fleuve Esequibo, auxquels l'Assemblée nationale de Caracas a donné récemment le nom d’état d’Esequibo Guyanais, le premier continue à s'accrocher à une sentence arbitrale viciée de 1899, adoptée sans la présence de représentants du Venezuela et qui a accordé à l'Angleterre, la puissance coloniale alors au pouvoir au Guyana, une extension de quelques 128 000 km² jusqu'alors vénézuéliens.
Ce document a ensuite été dénoncé par le Venezuela, ce qui a conduit à l'accord de Genève dans lequel Caracas et Londres s'étaient engagés à établir un mécanisme pour résoudre ce conflit. Actuellement, le différend se trouve sous la médiation du secrétaire général de l’ONU.
Le conflit territorial s'est aiguisé récemment à cause de la décision du Gouvernement de Georgetown d'accorder de façon unilatérale d'énormes concessions dans des champs de pétrole à différentes transnationales parmi lesquelles ExxonMobil.
Le Guyana a également un différend avec le Suriname pour la zone de Tigri, illégalement occupée par des militaires guyanais depuis plus d'un demi siècle.
Il est regrettable aussi bien Washington et l'OEA aient décidé de profiter de cet incident pour aiguiser le désaccord entre les deux pays des Caraïbes. Il est impossible d'occulter le fait que les États-Unis ont agi non seulement pour protéger les intérêts des concessionnaires des champs de pétrole mais aussi dans le but d'affaiblir le Gouvernement de Nicolas Maduro. Almagro, pour sa part, a réaliser une indécence de plus en prenant partie dans une affaire dans laquelle il devrait observer une neutralité de principe, étant donné que le Guyana et le Venezuela sont membres de l'organisme qu'il dirige.
Dans ces circonstances, il faut que le secrétaire général de l'ONU intervienne rapidement pour soulager les tensions, et que le différent soit transmis à un forum plus prestigieux, ayant plus autorité et étant plus impartial que l'OEA, comme la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) dont font également partie Georgetown et Caracas. En tout cas, les diplomaties latino-américaines doivent intervenir pour éviter que ce conflit territorial créé par le colonialisme ne dérive vers une escalade guerrière qui serait désastreuse pour toute la région.
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