Venezuela : Le train d'Aragua, une arme du récit international
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
En juillet 2024, quand le département du trésor des États-Unis a inclus le train d’Aragua dans sa liste d'organisations criminelles transnationales, il l’a comparé à des cartels comme celui de Sinaloa ou celui de Jalisco Nouvelle Génération qui sont présents dans plus de 100 pays et ont plus de 45 000 membres, associés et faciliteurs.
Cette bande des prisons vénézuéliennes –déjà démantelée– était décrite comme la tête d'un réseau international. Mais ces arguments étaient moins en relation avec la réalité qu'avec une machinerie sophistiquée de construction de récit financée par Washington et amplifiée par les médias internationaux.
Le train d’Aragua, né dans les années 2010, en tant que structure délictueuse dans la prison de Tocoron, dans l’état d’Aragua, a élargi son rayon d'action. Décrit comme une bande multi-criminelle, ce groupe se consacrait à différentes délits : extorsion, contrôle interne de la prison et certains trafics de drogues.
Face à l'existence et à l'expansion de ce groupe criminel, en 2019, les autorités vénézuéliennes ont engagé une enquête contre le train d’Aragua qui opérait initialement dans l'état d’Aragua et était en train de s’étendre dans d'autres régions du pays.
Depuis, l'État vénézuélien a mené à bien une attaque contre cette bande en deux phases : lors de la première, ses dirigeants ont été retrouvés et l'organisation démantelée, ce qui a provoqué l'arrestation de 28 membres et l'émission de mandats d'arrêt contre 46 autres individus. La seconde phase s'est développée après la prise de la prison de Tocoron lors de l'opération de libération Cacique Guaicaipuro, centrer sur le démantèlement de l'échafaudage financier de la bande qui a été éditée dans d'autres prisons, comme celles de Yaracuy, de Trujillo, et de Tocuyito.
Lors de cette dernière opération, il y a eu des perquisitions, des saisies de véhicules et d'immeubles et 16 individus impliquées ont été arrêtés dont 14 ont été remis à la justice. Au total, il y a eu 44 arrestations et 102 mandats d’arrêt.
Mais, à ce moment-là, le récit international avait déjà transformé le train d’Aragua en soi-disant groupe international avec des cellules opérationnelles dans différents pays du monde, avec un réseau qui s'étendrait soi-disant du Chili aux États-Unis, le transformant en « menace » pour la grande puissance nord-américaine.
Mais ces affirmations manquent de base réelle : ce sont de véritables spéculations transformées en « faits », à travers un échafaudage de financement et un développement narratif et médiatique lié au département d’État.
Des documents et des traces de financement montrent comment des cercle de réflexion, des O.N.G. et des médias alignés avec la politique étrangère des États-Unis ont tissé la légende d'une organisation capable de contrôler les routes migratoires du Chili aux États-Unis.
La National Endowment for Democracy (NED), une organisation financé par le congrès des États-Unis, a destiné quelques 2 300 000 $ entre 2020 et 2024 à des projets sur « le crime organisé au Venezuela », selon ses rapports publics. Parmi les bénéficiaires se trouvaient le Contrôle des Victimes, une coordination de médias qui comprend El Pitazo, RunRun.es et Tal Cual. Cette coalition a en grande partie donnée son élan à la couverture initiale sur le train d’Aragua
Dans cette écosystème, certains journalistes sont devenus des sources de consultation. Ronna Rísquez, auteur du livre « Le train d’Aragua » (2023), formée à l'université de Colombia et opposante déclarée, a reçu un prix de la fondation Gabo, associée à l’USAID, et ses investigations ont été citées par le Trésor des États-Unis pour justifier des sanctions.
Aujourd'hui, bien qu'elle reconnaisse elle-même qu'il n'y a pas de preuve que le groupe opère aux États-Unis, son travail continue à être une référence pour les médias internationaux. C'est la même chose pour ceux de César Batiz et Joseph Poliszuk, des journalistes vénézuéliens résidant à Miami dont les rapports, financés par la NED, sont amplifiés par CNN en espagnol et El Nuevo Herald.
Pour sa part, l'USAID a financé InSight Crime, un média spécialisée qui a publié en 2023 au moins 17 articles concernant les liens du groupe avec le Gouvernement de Nicolas Maduro, sans présenter de preuves concluantes. Cette version a été démentie même par les agences du renseignement des États-Unis, elles-mêmes comme l'Agence Centrale du Renseignement (CIA) et l'Agence de Sécurité Nationale (NSA) qui ont toutes deux affirmé que le train d’Aragua opérait de manière indépendante sans aucun lien avec le Gouvernement vénézuélien. Seul le Bureau Fédéral d’Enquêtes (FBI) a une position partiellement divergente basée sur des informations considérées comme peu fiables par les autres agences.
Pendant ce temps, Open Society Foundations soutenait des ateliers pour les journalistes en Colombie et au Pérou, dans lesquels l'idée d'une « expansion régionale » du train d’Aragua était mise en avant.
La façon d'opérer de cette machinerie suit un schéma reconnaissable : des groupes de réflexion produisent des rapports dans un langage alarmiste (« Le train d’Aragua est le nouveau MS–13 »), des médias locaux financés par les mêmes O.N.G. les diffusent et gagnent des prix donnés par des fondations proches, de grands médias internationaux reprennent leur contenu sans vérification indépendantes et enfin, des fonctionnaires des États-Unis les utilise pour justifier des mesures politiques.
Un exemple concret s'est produit en octobre 2023 quand InSight Crime a affirmé que le train d’Aragua « contrôler le trafic de migrants sur la frontière sud des États-Unis. » Quelques jours plus tard, des sénateur républicains ont utilisé ce rapport pour demander des sanctions supplémentaires contre le Venezuela. Les liens entre production médiatique et action politique sont directs : il suffit de reconnaître le mécanisme pour voir la relation de cause à effet.
Cette façon d’opérer a été dénoncée par le président vénézuélien qui a même signalé que la création et le déploiement des bandes criminelles le défunt train d’Aragua sont soutenus et organisés par le Bureau Fédéral d’Enquêtes (FBI) des États-Unis (USA) et l'Administration de Contrôle des Drogues (DEA) depuis la Colombie, pour réaliser des actes terroristes au Venezuela.
Aujourd'hui, l'arme du récit sur le train d’Aragua alimente l'enlèvement et la déportation dans des prisons de très haute sécurité soupçonnées d'être des centres de torture, de centaines de migrants vénézuéliens aux États-Unis.
En 2024, les États-Unis ont déporté 1200 personnes sous prétexte de « liens avec le crime organisé », et pendant ce qui s'est écoulé de cette année, des déportations massives à Guantanamo et au CECOT du Salvador ont été réalisées sans procédure correcte et, dans la plupart des cas, contre des Vénézuéliens sans casier judiciaire.
Dans des pays, comme le Chili, le Pérou et l'Equateur, les Gouvernements ont approuvé des lois migratoires plus restrictives en citant la « menace du train d’Aragua. » Les médias internationaux insistent pour rendre ce groupe –qui n'existe déjà plus– coupable de la criminalité croissante provoquée par les inégalités propres au régime néolibéral. Ainsi, en plus de la criminalisation, une stigmatisation de la population vénézuélienne exposée à des discriminations, se développe.
La question, en suspens est de savoir pourquoi une bande qui n'existe déjà plus est traitée comme une structure au déploiement international, comme si c'était l'une des rares aux organisations criminel mondial. La réponse semble être moins dans la sécurité régionale que dans la nécessité de justifier des sanctions, des interventions et de perpétuer la fausse image du Venezuela, en tant qu’Etat en déshérence.
Les véritables vainqueurs sont les cercles de réflexion qui assure les fonds, les médias qui recueille des clics et les politiciens–républicains et démocrates–qui alimente leur rhétorique anti Amici. Les perdant : l'immigrant, Ven, Énée, doublement victime : d'abord à cause des sanctions contre leur pays et ensui, à cause d'un récit qui en fait des criminels.
Source en espagnol :
https://www.telesurtv.net/tren-de-aragua-arma-narrativa-internacional/
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