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Amérique latine : Sommet de la CELAC tendu à l’époque de Trump

13 Avril 2025, 14:32pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Geraldina Colotti

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

 

Le message vidéo du président du Venezuela, Nicolas Maduro, au neuvième sommet de la CELAC qui a eu lieu à Tegucigalpa, Honduras, résume l'esprit et la portée de la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens, composée par 33 pays d’Amérique, à l'exception des États-Unis du Canada. « La CELAC, a dit le président qui  était le chancelier de Chavez quand il a inauguré l'organisation à Caracas, est un bloc puissant de voix et d'actions communes, unies dans la diversité. Une alliance basée sur une pensée, une doctrine libertaire, et véritablement émancipatrice qui doit se réinventer dans un grand dialogue entre les différents courants. »

 

Une vision plus nécessaire que jamais pour affronter « l'agression multiple » de l’impérialisme étasunien et de ses laquais contre Cuba, le Nicaragua et le Venezuela, aggravée « par la guerre commerciale déclarée par Trump à 180 pays du monde qui a blessé à mort le droit public international et les accords multilatéraux et qui marque la fin de la mondialisation occidentale. »

 

L’attentat « le plus grave depuis l'ère nazie qui a réactivé une loi de 1798 anachronique et contraire au droit pour criminaliser les migrants et les déporter dans des camps de concentration au Salvador. »

 

La CELAC couvre plus de 20 000 000 de kilomètres carrés, plus de 600 000 000 d'habitants, une immense richesse et un gigantesque potentiel agricole et industriel mais c'est le continent le plus inégal de la planète en ce qui concerne la distribution de la richesse.

 

Et quand la CELAC a été créée, réunir une si large variété de Gouvernements et d'intérêts pouvait paraître une vision prometteuse et visionnaire. Aujourd’hui, ce point de vue semble aussi nécessaire que ardu si on considère le nombre de pays qui ont viré à droite (où sont en train d’hésiter) et les politiques agressives de Trump qui ont pesé sur la réunion de Tegucigalpa. Le magnat a imposé des droits de douane d'au moins 10 % à la plupart des pays de la région avec des taux plus élevé pour le Venezuela (15 %), le Nicaragua (18 %) et le Guyana (38 %) et prévoit des droits de douane de 25 % pour les Gouvernements qui continueraient à faire appel aux missions médicales cubaines. Pour le Mexique, le principal partenaire commercial des États-Unis avec le Canada, les droits de douane sont de 25 %.

 

Et maintenant, le délai de 90 jours annoncé par Trump déchaîne encore plus la course à la négociation directe, au détriment d'une vision commune. En outre, en ce qui concerne l'Amérique latine et plus généralement les pays du Sud mondial, ce qui complique le chemin de ceux qui participent à des alliances alternatives aux États-Unis (en particulier, les BRICS), ce sont les droits de douane de 125 % imposés par le Gouvernement nord-américain à la Chine, source d'une infinité de produits commercialisés en Amérique du Nord et en Amérique latine et les représailles annoncées par Pékin. La IV° réunion ministérielle du Forum CELAC–Chine est prévue pour le mois de mai de cette année.

 

Sous la présidence tournante du Honduras, en plus de la Chine, 6 réunions extra-régionales avec l'Union africaine, l'Union européenne, la Turquie, les pays du Golfe arabe et l'Inde ont eu lieu. Le sommet CELAC–UE est fixé aux 9 et 10 novembre. Des représentants des 27 Etats membres de l'Union européenne rencontreront les 33 pays d'Amérique latine et des Caraïbes à Santa Marta, Colombie, le pays auquel sera transférée la présidence tournante de la CElAC pour les 2 prochaines années.

 

Et le président Gustavo, Pétro, présent à Tegucigalpa et partisan d'une politique de rééquilibre entre le Nord et le sud qui privilégie les mesures structurelles en faveur de l'environnement et de la justice sociale mais qui tend à  prendre ses distances envers ces pays qui cherchent à faire valoir les principes fondateurs de la Communauté Latino américaine et Caribéenne.

 

Le brésilien, Lula, da Silva, qui était également présent, semble être sur la même ligne que Pétro, bloqué par  l'équilibre précaire du pouvoir dans son Gouvernement et par le rôle que son pays joue actuellement dans d'autres organismes multilatéraux dont il est le président tournant (BRICS et MERCOSUR).

 

Après avoir assumé la présidence du pays pour la troisième fois, le 1er janvier 2023, il a fait rentrer le Brésil dans la CELAC, tenté de réactiver l'UNASUR lors d'un sommet qui s'est déroulé à Brasilia et, à la fin de la même année, le mandat de 2 ans du Brésil au Conseil de Sécurité des Nations unies s’est achevé. En 2024, il a assumé la présidence tournante du G–20, hébergé son sommet à Rio de Janeiro et, de plus, en novembre 2025, Belém do Pará accueillera la 30e conférence des membres des Nations unies sur le changement climatique (COP 30).

 

Un multilatéralisme « pragmatique » rendu difficile par la situation internationale marquée par le conflit en Ukraine et le génocide en Palestine, qui n'a pas cessé de provoquer des frictions même entre alliés, comme c'est le cas de l'opposition à l'entrée du Venezuela dans les BRICS.

 

Des tensions qui ont également traversé le sommet de la CELAC. c'est pourquoi il a manqué trois voix à la déclaration finale qu'on pensait qui serait approuvée par consensus pour des raisons contraires par l'l'Argentine et le Paraguay, d'un côté et le Nicaragua de l'autre. Mais la présidente du Honduras, Xiomara Castro avait déjà amené le texte approuvé par les 30 représentants en déclarant qu'il y avait consensus et en provoquant ainsi les critiques de l’opposition.

 

Pour l'Argentine et le Paraguay dont les Gouvernements sont des alliés de Trump, les condamnations des politiques du président nord-américain contenues dans la déclaration finale de 8 points, aussi adoucies qu'elles aient été, ont été indigestes. Ces deux Gouvernements, de plus, envisagent de signer prochainement un accord de libre commerce avec Washington, dans le cadre du MERCOSUR, accord auquel Lula s’oppose.

 

Le discours lu avec amertume et arrogance par Salvador Nasralla, représentant du Salvador de Bukele, fan de Trump et de sa politique de déportation des migrants, a également mis en évidence le poids du « sabotage » dont parle le Nicaragua dans le document qui motive son refus de signer la déclaration finale : « La fameuse CELAC, ils disent que c'est un sommet d'intégration, a crié Nasralla, mais seuls viennent les complices de Mel Zelaya : ceux qui emprisonnent, censurent et tuent la démocratie. Mais à nous, ils ne nous font pas peur, et ils ne nous feront pas taire. »

 

Le Nicaragua, représenté par le chancelier Valdrack Jaentschke, dans le document joint, a dénoncé les pressions exercées pour diluer la déclaration finale et détourner les principes fondateurs de l'organisation qui impliquent une orientation différente au modèle de développement et à la notion de paix avec la justice sociale.

 

« Nous invitons notre CELAC, a écrit le Nicaragua, à convoquer une session urgente permanente pour analyser les très graves conséquences des politiques de droits de douane décrétées par les États-Unis d'Amérique contre le monde et pour décider d'actions et de mesures communes pour affronter leurs conséquences en donnant la priorité aux droits de nos peuples et en particulier à la lutte contre la pauvreté et pour une existence digne et de bien-être.

 

Nous sommes venus à ce sommet en suivant notre tradition d'appeler à l'unité, à la solidarité et à la paix, comme condition pour atteindre le bien-être auquel nos peuples ont droit.

 

Le bien-être doit se comprendre comme la sécurité des individus, des familles et des communautés, comme la sécurité alimentaire, en accord avec l'élimination de la faim, de la pauvreté et des inégalités. Garantir l'égalité d'accès à la santé, à l'éducation et au travail.

 

Le Nicaragua a exprimé alors sa condamnation du blocus de Cuba, des sanctions contre le Venezuela et la Révolution sandiniste, sa solidarité envers la Palestine et son soutien à Haïti et à son droit à une compensation historique du colonialisme français : « Nous ne sommes pas ici pour accepter un document seulement pour dire que nous l'acceptons, », a écrit Managua. « Une déclaration de la CELAC, dans des conditions minimales, doit continuer à défendre l'égalité souveraine des Etats, le droit à l'autodétermination, l'intégration territoriale et la non ingérence dans les affaires intérieures de chaque pays.

 

Nous devons réaffirmer notre engagement à défendre la souveraineté et le droit de tout Etat à définir son propre cadre institutionnel et c'est propre règles, sans menaces, sans agressions, et sans mesures coercitives unilatérales.

 

Nous devons continuer à exprimer notre condamnation ferme de l'agression et du blocus s'imposés par les États-Unis depuis 1962 à notre sœur, la République de Cuba.

 

La déclaration finale ne peut cesser d'exprimer sa solidarité envers le peuple frère et le Gouvernement Bolivarien du Venezuela dans sa lutte pour la dignité et la défense de son peuple face aux agressions extérieures. Nous ne pouvons pas cesser de dénoncer toute forme d'agression et de mesure coercitive unilatérale contre nos peuples et nos Gouvernements. Nous devons exprimer la solidarité inébranlable de cette région avec le peuple palestinien et dénoncer les crimes horrible commis contre lui.

 

Une déclaration de ce sommet doit aborder les très graves conséquences des politiques de droits de douane décrétées par les États-Unis d'Amérique contre le monde et décider d'actions et de mesures communes pour affronter leurs conséquences.

 

Une déclaration de la CELAC doit inclure la solidarité envers nos frères qui ont dû émigrés et doit exiger un traitement digne pour ceux qui rentrent dans leur patrie.

 

Elle doit reconnaître la revendication légitime des peuples frères des Caraïbes d'une réparation pour les crimes du colonialisme et de l'esclavage, condamner l'extorsion contre eux et exprimer une solidarité sans faille envers le peuple frère de Haïti, sans intervention extérieure.

 

Beaucoup de ces éléments ont été abordés largement par la plupart des délégations mais ne se sont pas retrouvés dans cette proposition de déclaration. »

 

Ces questions ont néanmoins été évoquées dans la déclaration finale, ainsi que l'espoir qu’une « personne appartenant à un État d'Amérique latine et des Caraïbes occupera le Secrétariat général de l'ONU » : une personne, et non une femme, comme l'aurait souhaité le Venezuela et comme l'avait proposé Lula. Le communiqué souligne que sur les 9 secrétaires généraux que l'ONU a eus jusqu'à présent, un seul était issu d'un État de la région et rappelle que ce poste n'a jamais été occupé par une femme.

 

Il rappelle aussi la nécessité de défendre le fait que la CELAC est une « zone de paix, » un concept soutenu par l'intervention par vidéo du président Maduro, absente de ce sommet « pour des raisons de sécurité », à un moment de tensions dans le pays à cause de renouvellement des plans de déstabilisation de l'opposition alliée de Trump, la veille des élections de fin avril et de fin mai et à cause de tensions avec le Guyana dans la zone en litige de l’Esequibo où opèrent illégalement des compagnies pétrolières multinationales étasuniennes comme ExxonMobil.

 

Car l'alliance a démarré (le 3 décembre 2011, à Caracas, sur proposition de Fidel Castro et d’Hugo Chavez, le continent était à l'apogée d'un processus de convergence qui avait mûri avec les années et s'était préfiguré au Mexique, le 23 février 2010. À ce moment-là, après la victoire de Chavez aux élections du Venezuela et les luttes de masse contre le néolibéralisme dans les années 1990, les partis de gauche accédaient au pouvoir dans une grande partie de l'Amérique latine et des Caraïbes, bien qu'avec des traditions avec des projets idéologiques différents comme d'introduire la catégorie de « renaissance latino-américaine » dans l’analyse.

 

Promouvoir l'unité, l'intégration politique, économique, social et culturelle du continent, promouvoir le développement socio économique et la paix, renforcer la participation de la région au processus de négociation multilatéraux, intensifier, le dialogue politique entre les états, prendre des positions régionales face aux réunions mondiales –des points  centraux soulevés par la CELAC et toujours d'actualité - n'ont pas semblé être de simples déclarations. Et bien que les décisions de l'organisation soient prises par consensus (et continuent à l'être aujourd’hui), des Gouvernements ni progressistes ni pacifistes comme celui d'Álvaro Uribe en Colombie se sont senti obligés de signer, au sommet de La Havane de 2014, le document final qui déclarait la CELAC « zone de paix. »

 

Mais au sommet de Tegucigalpa, le cons Celsius ne s'est exprimé que, pour élire la Colombie, représenté par le président Gustavo Pétro, comme prochaine présidente de l'organisation pour la période 2025–2026. Cependant, l’existence de l’organisation constitue encore une forte épine dans le pied de l’impérialisme nord-américain, comme le montre l’article du Journal des Amériques, évidemment déjà écrit bien qu’il soit daté au début du sommet, qui a défini la CELAC comme une concentration de charlatans sans aucun sens, et un « bloc à la dérive dans un marécage teinté de drogue. »

 

« La CELAC, a dit la présidente du Honduras Xiomara Castro, « n'est pas une organisation parfaite, mais c'est la nôtre. Elle est née d'un rêve, d'un idéal, de l'utopie de nos libérateurs et de nos grands hommes : l'intégration de l'Amérique latine et des Caraïbes face au colonialisme des grandes puissances. »

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/04/12/nuestramerica-la-celac-concluyo-en-honduras-una-tensa-cumbre-en-tiempos-de-trump/

URL de cet article:

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/04/amerique-latine-sommet-de-la-celac-tendu-a-l-epoque-de-trump.html