Argentine : Les médias contre la démocratie
Par Atilio Boron
Traduction Françoise, Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Depuis l'époque où on discutait de la « transition démocratique », dans une Amérique latine libérée des dictatures militaires qui ont dévasté la région –c'est-à-dire, dans les années 80– il y a toujours eu ceux d'entre nous qui soutenaient que sans une authentique démocratie dans le système de médias de masse (souvenez-vous que nous étions à 20 ans de l'apparition des « réseaux sociaux »), la démocratie en tant que système politique serait sérieusement amoindrie. En d'autres termes, si dans l'univers des médias prédomine une oligarchie, c'est-à-dire « l'anti démocratie », sur le terrain de la grande politique, il ne pourra y avoir qu'une « démocratie de basse intensité », ou dans le pire des cas, une « démocrature. »
Et c'est ce que nous avons aujourd'hui, un Argentine : des médias au service du bloc au pouvoir et de ses représentants grotesques dans l'appareil d'État qui non seulement sont venus au gouvernement pour détruire l'Etat de l’intérieur –selon la stupide confession du président, propre à l’ignorant - mais, dans l'exercice de leur gestion, attaquent constamment les institutions républicaines, la division des pouvoirs et la primauté de la Constitution et des lois. Dans leurs excès, ils ont transformé le Congrès et les pouvoirs provinciaux en un marché nauséabond d'achat et de vente de votes et de faveurs, le tout avec la plus grande effronterie et sans que les sévères gardiens de la démocratie et de la République, si actifs sous l'ère kirchneriste, n'émettent le moindre son. Au contraire, ils ferment les yeux et les médias et leurs publicistes répètent les mensonges du Gouvernement en toute impunité.
Par exemple, à propos des merveilles de « l'équilibre fiscal obtenu par le gouvernement national et en faisant abstraction du fait que cette fiction a été obtenue grâce aux despotisme d'un gouvernement qui a déshonoré ses engagements, ne respecte pas les paiements et les transfert, décidé, et gérer avec un budget absolument anachronique puisqu'il a été élaboré en 2023, paralyse les travaux publics indispensables au bien-être et à la sécurité des habitants, refuse d'ajuster les pensions de retraite, se réjouit d'annoncer des licenciements dans les secteurs public et privé et, fidèle à sa servilité coloniale, met le drapeau de la vente aux enchères dans tout le pays tout en alimentant sans cesse les profits phénoménaux que la « bicyclette financière » génère pour les spéculateurs, rééditant une politique qui, dans le passé, a conduit ce pays à une crise d'une ampleur phénoménale.
Pour les médias hégémoniques qui représentent la minorité qui s'enrichit grâce aux politiques de Milei, tout va bien, seulement les chagrine, un petit peu, les mauvaises manières et les grossièretés du président. Mais en ce qui concerne ses politiques de fond : exproprier les pauvres et « agrandir la poche des riches », comme l’a dit le président, l’accord et le soutien au régime de Milei est total.
Des médias qui non seulement mentent mais occultent ou minimisent des informations qui devraient plus attirer l'attention. Par exemple, le terrible fiasco de cette dixième —oui, vous avez bien lu, dixième– visite du président Milei aux États-Unis, dans sa recherche désespérée d'une photo avec Donald Trump a été négligée par Clarin qui ne l'a pas mise en première page et s'est limité à lui accorder un peu plus d'une demie page, page 10. La Nation lui a consacré un minuscule espace dans l'angle inférieur droit de sa première page, renvoyant le lecteur à une petite note à la page 17. Infobae, le journal en ligne, a simplement ignoré cette information. Pagina/12, par contre, l’a mise en tête et lui a consacré un éditorial à la charge de Luis Bruschtein et un bref rapport en page 4, sous le titre suggestif de « Revenir de Miami sans photo ni réunion ».
Ce n'est qu'un exemple d'un travail qui pourrait s'intituler : « Les médias hégémoniques contre la démocratie », parce qu'il mentent, occultent et diffament non seulement en Argentine, mais dans le monde entier. Ils sont devenus d’immenses pouvoirs renforcés par leurs armée de trolls et de bots et ont perfectionné les (mauvais) arts qui leur permettent, grâce à des algorithmes, de manipuler les conscience et le cœur de la population. Compiler les mensonges des médias en Argentine prendrait des années et les résultats de cette recherche occuperait autant de volume que l'encyclopédie britannique.
Harold Pinter, dramaturge, poète, acteur et activistes politique anglais, lauréat du prix Nobel de littérature 2005, a dit peu après avoir reçu son prix que « la politique étrangère des États-Unis se définit mieux de cette façon : baise-moi le cul, ou je te frapperai la tête. » Et nous savons quelle est l'option préférée des Milei, Noboa, Boluarte et autres politiciens de la même trempe. Et ils réussissent à s'imposer, poursuit Pinter, parce que l'empire « possède les structures de désinformation, utilise la rhétorique, le détournement du langage qui sont très persuasifs mais en réalité sont un chapelet de mensonges. C'est une propagande qui a beaucoup de succès. Ils ont l'argent, ils ont la technologie, ils ont tous les moyens pour faire ce qu'ils veulent et ils le font. » Les tentacules de ces structures de désinformation s'étendent sur toute la planète. C’est pourquoi l'une des tâches les plus urgentes en Amérique latine et dans les Caraïbes aussi bien qu’aux États-Unis et en Europe est d'approuver une législation qui mette fin aux oligarchies des médias, incompatibles avec la promesse essentielle de la démocratie qui n'est autre que de créer des sociétés plus justes, et de garantir une vie pleine, spirituellement et matériellement, à toute la population.
Source en espagnol :
https://www.telesurtv.net/blogs/los-medios-contra-la-democracia/
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