Culture : Vargas Llosa et les corbeaux de la réaction
Déclaration de la maison des Amériques
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
À la fin de l'histoire de Mayta, un roman sur l'échec et l'inepties de la Révolution, Mario Vargas Llosa imagine un Pérou envahi par les troupes cubaines (et boliviennes) qui obligent le Gouvernement militaire de son pays à demander une intervention des marines étasuniens. plus qu'une fable sur l'histoire, cette anecdote semble une radiographie de la dérive idéologique d'un auteur qui a été si proche de nous pendant les années particulièrement intenses.
Maintenant qu'on se dissipe, les réactions immédiates provoquée par sa mort, la maison des Amériques se sent le devoir de rappeler que sa relation avec Vargas Llosa est passée de l'amitié et de l'admiration profonde et même des divergences propres à un débat franc et respectueux à une rupture soudaine et retentissante que la fondatrice de la maison des Amériques, l'héroïne de la révolution, Haydee Santamaria, avait dénoncée dans une lettre saisissante et inoubliable : « Vous n'avez pas hésité le moins du monde à joindre votre voix –une voix que nous avons contribué à faire entendre- au chœur des plus féroces ennemis de la
Révolution Cubaine. »
À partir de là, le révolutionnaire de la littérature a pris des positions de plus en plus rétrogrades. Il a montré qu'on pouvait écrire La ciudad y los perros, La casa verde, Conversación en La Catedral et La guerra del fin del mundo tout le temps s'alignant avec enthousiasme sur les pires causes, qu'il valait la peine de s'éloigner de Cuba pour embrasser Israël, qu'il était impératif d'abandonner les idées socialistes pour les idées néolibérale, que dénoncer dans ses romans les outrages et les crimes de l'impérialisme, du colonialisme et des dictatures n'était pas contradictoire avec la dévotion envers Margaret Thatcher, ni avec le soutien d’individus comme Uribe et Katz, Bolsonaro et Milei, Keiko Fujimori et la politique espagnole la plus rance ; que la lucidité intellectuelle n'était pas un obstacle à l'acceptation d'un marquisat et à l'apparition sur les couvertures de ¡Hola !
Ce n'est pas un conservateur incohérent comme Borges, dont les opinions politiques, fréquemment disparates et même honteuses, sont à peine des anecdotes dans la trajectoire de l’écrivain. Vargas Llosa a été, malgré son échec, aux élections présidentielles, un animal politique qui a choisi d'assumer la condition d'intellectuel organique de la réaction et a été soutenu par celle-ci. Il a frappé sans pitié avec le marteau de la « liberté » et de la « démocratie », tout dissident de l'ordre libéral et a modifié selon son bon plaisir, la doctrine quand le vote l’a abandonné, en avertissant que ce qui était important, c'était de « voter bien. »
Personne ne pourra nous priver du plaisir de continuer à lire Vargas Llosa dans les Romarre nous appartiennent autant que l'œuvre de Vallejo ou que celle d’Arguedas (pour ne citer que deux de ses compatriotes les plus connus) mais personne ne pourra non plus nous empêcher de le reconnaître comme l'un des idéologues les plus influent, un champion de la droite internationale de ce dernier demi siècle qui dans le cas de l'Amérique latine des Caraïbes, a mis son talent et son prestige à la disposition de Gouvernements et de politiques détestables.
Dans un article qu'il écrivait à propos de Julio Cortazar, Vargas Llosa se réjouissait du fait que l'auteur de Rayuela ait eu un « enterrement sobre, sans les prévisibles pitreries des corbeaux révolutionnaires. » Maintenant que Vargas Llosa est mort, les corbeaux de la réaction n'ont pas perdu de temps pour élever monument à l’écrivain tout simplement ou à l'intellectuel libre, défiant le pouvoir. Mais les peuples ont bonne mémoire et dans l'héritage de Vargas Llosa, il nous reste, avec ses grandes fiction, le souvenir des services qu'il a prêtés à d'autres pouvoirs qu'il a accepté sans réserves pour la honte et le malheur d’une grande partie de ses lecteurs.
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