Economie: La formule mathématique utilisée par Trump a-t-il pour calculer les droits de douane
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Le président américain Donald Trump a imposé un droit de douane de 10 % sur les produits importés par les États-Unis, avec des taux encore plus élevés pour les pays qu'il considère comme les "pires contrevenants". Mais comment ces droits de douane (essentiellement, les taxes sur les importations) ont-ils été calculés exactement ?
BBC Verify a analysé les calculs qui soutiennent ces chiffres.
Lorsque Trump a présenté à la Maison Blanche mercredi un graphique géant détaillant les droits de douane, on a d'abord supposé que les prélèvements étaient basés sur une combinaison des tarifs existants et d'autres barrières commerciales (telles que des réglementations) mais l'exercice lui-même s'est réduit à une simple opération mathématique : prendre le déficit commercial de biens des Etats-Unis avec un pays donné et le diviser par le total des importations de biens de ce pays.
Ensuite, ce chiffre, qui serait le tarif final, est divisé par deux parce que Trump a dit qu'il était « aimable. »
Un déficit commercial se produit lorsqu'un pays achète (importe) plus de produits physiques dans d'autres pays qu'il ne lui en vend (exporte).
Par exemple, les États-Unis achètent plus de produits à la Chine qu'ils ne lui en vendent : il y a un déficit de 295 000 000 000 de dollars. Le total des biens qu'il achète à la Chine s'élève à 440 000 000 000 de dollars.
En divisant 295 par 440, on obtient 67 %, qui se divise par deux et on arrondit. Par conséquent, le droit de douane imposé à la Chine est de 34 %.
Appliquée à l'Union européenne, la formule de la Maison Blanche a produit un tarif de 20 %.
Il faut garder à l'esprit que dans les chiffres proposés par la Maison Blanche, seul le déficit commercial des biens est pris en compte. Le commerce des services où les États-Unis ont un gros excédent avec le monde ne l’est pas.
Pour James Surowiecki, journaliste étasunien spécialisé en économie, calculer ainsi un tarif est une « énorme absurdité », a-t-il publié sur le réseau social X:
« Je n'arrive pas à croire qu'ils aient dit: « Nous allons simplement diviser le déficit commercial par les importations et dire aux gens que c'est le taux de droit de douane. » Et puis ils ont décidé de fixer nos tarifs en réduisant simplement de moitié ce taux totalement inventé ! C'est stupide et c’est de la triche, » a écrit l'expert financier.
Les tarifs de Trump sont-ils « réciproques » ?
De nombreux analystes ont souligné que ces tarifs ne sont pas réciproques.
Réciproque signifierait qu'ils sont basés sur ce que les pays facturent déjà aux États-Unis sous la forme de droits de douane existants, plus les barrières non tarifaires (des choses comme les réglementations qui finissent par augmenter les coûts).
Mais le document sur la méthodologie officielle de la Maison Blanche indique clairement que cela n'a pas été calculé pour tous les pays sur lesquels des droits de douane ont été imposés.
Au lieu de cela, le taux tarifaire a été calculé sous prétexte qu'il éliminerait le déficit commercial des biens des Etats-Unis avec chaque pays.
En fait, Trump s'est démarqué de la formule en imposant des droits de douane aux pays qui achètent plus de produits aux Etats-Unis qu’ils ne leur en vendent.
Par exemple, les États-Unis n'ont actuellement pas de déficit commercial avec le Royaume-Uni. Cependant, un droit de douane de 10 % lui a été imposé.
Au total, plus de 100 pays ont été touchés par le nouveau régime tarifaire.
Des répercussions plus larges
Trump pense que les États-Unis se sortent mal du commerce mondial. Selon lui, d'autres pays inondent les marchés étasuniens de produits bon marché, ce qui nuit aux entreprises du pays et détruit des emplois. Dans le même temps, ces pays mettent en place des barrières qui rendent les produits des Etats-Unis moins compétitifs à l’étranger.
Ainsi, en utilisant les droits de douane pour éliminer les déficits commerciaux, Trump espère relancer l'industrie manufacturière des Etats-Unis et protéger l’emploi.
Ce nouveau régime tarifaire parviendra-t-il au résultat souhaité ?
BBC Verify s'est entretenu avec plusieurs économistes. L'opinion majoritaire est que, bien que les droits de douane puissent réduire le déficit de marchandises entre les États-Unis et certains pays, ils ne réduiront pas le déficit global entre les États-Unis et le reste du monde.
« Oui, cela réduira les déficits commerciaux bilatéraux entre les États-Unis et ces pays. Mais il y aura évidemment de nombreux effets plus larges qui ne se reflètent pas dans le calcul, » déclare le professeur Jonathan Portes, du King's College de Londres.
En effet, le déficit mondial actuel des États-Unis n'est pas seulement dû aux barrières commerciales mais au fonctionnement de l’économie des Etats-Unis.
D'une part, les étasuniens dépensent et investissent plus qu'ils ne gagnent, et cette différence signifie que les États-Unis achètent au monde plus qu'ils ne lui vendent. Tant que cela continuera, les États-Unis continueront d'enregistrer un déficit malgré l'augmentation des droits de douane avec leurs partenaires commerciaux.
Certains déficits commerciaux peuvent être dus à des raisons légitimes et pas seulement à des droits de douane: par exemple, acheter des aliments plus faciles ou moins chers à produire sous d'autres climats.
Selon Thomas Sampson, de la London School of Economics : « La formule est l'ingénierie inverse pour rationaliser la perception des droits de douane sur les pays avec lesquels les États-Unis ont un déficit commercial. Il n'y a aucune raison économique de le faire et cela coûtera cher à l'économie mondiale.
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