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International : Libération ou suicide ?

10 Avril 2025, 14:35pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Ariela Ruiz Caro

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos

 

La guerre commerciale de Trump augmente le risque de récession aux États-Unis.

 

Depuis que, mercredi, Donald Trump a annoncé les mesures douanières contre presque toute la planète, le monde observe avec stupéfaction l'effondrement des marchés des valeurs et des devises, ainsi que les inquiétantes projections économiques et inflationnistes au niveau mondial. Le « jour de la libération », comme il a appelé l'acte dans lequel il a lancé sa guerre douanière pour « rendre l'Amérique riche à nouveau », restera probablement gravé dans l'histoire comme le point d'inflexion dans lequel les États-Unis ont mis en évidence leur perte d'hégémonie économique, politique et diplomatique.

 

La réponse la plus importante a eu lieu vendredi, lorsque les autorités chinoises ont appliqué, en réciprocité, le droit de douane supplémentaire de 34% annoncé par les États-Unis aux importations provenant du géant asiatique, un droit similaire pour les achats de la Chine en provenance de ce pays. Les États-Unis appliquaient déjà un droit de douane de 25 % sur toutes leurs importations, avec lequel celui-ci s’élève à 54 %. Avec une attitude menaçante, le président des États-Unis a répondu sur son réseau Truth Social que la Chine avait mal joué et s'était payé le luxe de faire la seule chose qu'elle ne pouvait pas faire.

 

Les autorités chinoises avaient déjà prévenu que « la pratique des États-Unis ne correspond pas aux normes commerciales internationales, détériore gravement les droits et les intérêts légitimes de la Chine, et constitue une pratique typique d'intimidation unilatérale.(…) La Chine appelle instamment les États-Unis, à lever immédiatement leurs mesures douanières unilatérales et à résoudre leurs différents commerciaux grâce à des consultations de manière équitable, respectueuse et mutuellement bénéfique. » Trois semaines avant, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Lin Jian, avait dit que « si les États-Unis continuent à livrer une guerre douanière, une guerre commerciale, ou toute autre sorte de guerre, la Chine se battra contre eux  jusqu’à la dernière conséquence. » Mais Trump n'a rien écouté.

 

Son arrogance et sa mégalomanie ne lui ont pas permis de prévoir un semblable coup Porter la ligne de flottaison de l'économie des États-Unis. Cette annonce a poussé vendredi les bourses du monde à une autre chute spectaculaire qui a donné suite à celle de la veille.

 

Ce n'est pas une libération

 

Mercredi, le « jour de la libération », Trump a imposé des droits de douane de 10 % à plus de 150 pays et territoires, en plus d'un niveau de droits de douane plus important, différencié, à des pays comme le Vietnam, 45 %, Taïwan, 32 %, le Japon, 34 %, la Corée-du-Sud, 25 %, Israël, 17 %, La Chine, 34 % et l'Union européenne 20 %. Certains ont demandé aux États-Unis du temps pour négocier et éviter une escalade avant que les mesures n'entrent vigueur mercredi prochain.

 

Comme s’il s'agissait de déplacer un meuble, Trump a dit dans son discours que s'ils voulaient éviter les droits de douane, ils devaient s'installer aux États-Unis parce qu’aujourd'hui, le travailleur étasunien se défend et que nous sommes enfin en train de donner la priorité à notre pays. Il a dit que des déséquilibres terribles ont dévasté notre base industrielle et ont mis en danger notre sécurité nationale. Et que les pays amis se comportaient souvent plus mal que les ennemis.

 

Il a ajouté que l'imposition de droits de douane « est notre déclaration d'indépendance économique », et que l'argent créé serait utilisé pour « réduire nos impôts et payer notre dette nationale. » Et comme si les stratégies de mondialisation néolibérale n'avaient pas été conçues par des fonctionnaires de l'État et des employés des corporations étasuniennes, il a dit que « pendant des décennies, notre pays a été pillé, on nous a volé nos emplois et nos usines. »  Trump ne dit pas que la consommation de ses citoyens et les bénéfices des corporations importantes du monde ont profité de la main-d'œuvre bon marché dans les pays d'Asie et d'Amérique latine. Il ne dit pas non plus que les responsables du déficit fiscal et de l'énorme dette du pays sont les Gouvernements qui ont financé des guerres et des bases militaires en imprimant des dollars.

 

Le Mexique et le Canada ont été exemptés des droits de douane réciproques annoncés par Trump à condition que les produits en provenance des deux pays respectent les règles d'origine du traité d'Amérique du Nord (T-MEC). De toute façon, Trump est contre le T-MEC et affirme que ça a été un « désastre » et « le pire de l'histoire » de son pays qu’il a généré des pertes et des dégâts économiques, raison pour laquelle il aura besoin du soutien du Congrès des États-Unis, pour en finir avec lui. A tous les pays d'Amérique latine, y compris ceux qui ont des traités de libre commerce avec les États-Unis et même un déficit commercial avec le pays du Nord, il a imposé 10 % de droits de douane, sauf au Nicaragua, 18 % et au Venezuela, 15 %.

 

La nuit, même du « jour de la libération, » Trump s'est rendu dans sa résidence de Mar-a-Lago où, parmi d'autres invités, un Javier Milei angoissé -qui a prétendu avoir assisté pour recevoir un prix « Lion de la liberté » pour sa défense des idées libertaires et parce qu’il les met en œuvre dans les faits– attend de pouvoir serrer la main de Trump ou faire une photo avec lui, ce qu'il n'a pas obtenu. À bord de l'Air Force One, des journalistes lui ont demandé s'il était ouvert à un accord avec les pays auxquels il avait imposé des droits de douane, et il a répondu : « Ça dépend, si quelqu'un nous offre quelque chose de phénoménal, par exemple, l'entreprise TikTok. »

 

A ce sujet, Trump a indiqué qu'il était très près d'atteindre un accord pour assurer l'avenir de cette entreprise aux États-Unis, puisque le délai fixé par les autorités pour que la firme qui opère sur son territoire se détache de sa maison mère chinoise, ByteDance, arrivait à échéance samedi mais a été prolongée de 75 jours. Il a précisé qu'il n'avait plus de conversation concrète à ce sujet avec la Chine, et que les droits de douane donnent un grand pouvoir de négociation : « Je les ai très bien utilisés pendant le premier Gouvernement. Maintenant, nous les avons amenés à un niveau complètement nouveau, », a-t-il dit, et il a affirmé que de nombreux investisseurs étaient intéressés par TikTok (Amazon, Oracle, le fondateur de Only Fans, et d’autres). Le ton de ses réponses montre que Trump ne s'attendait pas à pareille réaction du Gouvernement chinois. Et probablement pas non plus au niveau de la débâcle des marchés des valeurs.

 

C'est un suicide

 

Vendredi, après un jeudi noir bourse dans les bourses de valeur et l'offensive douanière annoncée par la Chine, les bourses du monde entier ont à nouveau clôturé à la baisse. La chute des actions étasuniennes s'est renforcée et le pétrole est tombé à son plus bas niveau en quatre ans. En Amérique latine, les actifs ont eu la même journée négative que dans le reste du monde. Toutes les bourses ont baissé, et c'est le Merval d'Argentine qui a accumulé les plus grosses pertes (-7,38%).

 

Le président de la réserve fédérale, Jerome Powell, a signalé que les effets économiques des droits de douane de Trump seraient significativement plus important que ce à quoi on s'attendait et qu’ils impliqueraient moins de croissance et plus d'inflation. Il a souligné qu'il resterait vigilant en face à l'impact de la guerre commerciale et qu’il n’y avait aucun moyen de baisser les taux d'intérêt comme l'exige Trump. Powell considère qu'il sera très difficile d'évaluer les effets économiques éventuels de l'augmentation des droits de douane jusqu'à ce qu'on connaisse plus de détails  (ce qui sera taxé, à quel niveau, pendant combien de temps, et l'ampleur des représailles des partenaires commerciaux).

 

Un peu avant de commencer son discours, trop pas fait pression sur Powel, pour qu'il baisse les taux d'intérêt : « Ce serait un moment parfait pour que le président de la réserve fédérale, Jerome Powell, réduise les taux d’intérêt. Il est toujours en retard, mais il pourrait changer son image maintenant, et rapidement", a-t-il écrit. « Baisse les taux d'intérêt, Jérome, et arrête de jouer à la politique ! », a-t-il ajouté. Powell a refusé de répondre et s'est contenté de dire: « Nous essayons de rester aussi loin que possible du processus politique ».

 

Avec la réduction des taux d'intérêt, Trump cherche à développer la consommation et à encourager la dévaluation du dollar face à d'autres monnaies pour rendre ses exportations plus compétitives et faire baisser les importations. Cependant, sans baisse des taux d'intérêt, le dollar s'est récemment dévalué à la suite des brusques mesures douanières de Trump, en particulier par rapport à l’euro.

 

Le président de la FED reconnaît que les analystes privés voient maintenant plus de risques de récession aux États-Unis. Le secrétaire général de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) Mathias Cormann, a déclaré lundi à propos du « Jour de la libération », qu'il est probable que la guerre commerciale de Trump fasse baisser la croissance économique aux États-Unis et dans le monde entier : « L'augmentation des restrictions commerciales contribuera à une augmentation des coûts aussi bien de production que de consommation, » c'est pourquoi « il continue à être essentiel de garantir un système de commerce international basé sur des règles qui fonctionnent correctement et de maintenir les marchés ouverts.»

 

Elon Musk lui-même –qui se retirera bientôt du Gouvernement– a à nouveau prévenu que les États-Unis s'acheminent rapidement vers une crise financière et une éventuelle faillite nationale et a prédit des années sombres pour le pays qu’il attribue à son énorme endettement et à ses déficit budgétaires élevés. C'est pourquoi il plaide pour une baisse des impôts et non pour l'imposition de droits de douane.

 

La plupart des analyses considère que le régime de droits de douane porte. Préjudice à l'a crédibilité des États-Unis et aura un impact plus négative sur les consommateurs et les entreprises étasuniennes si il persiste pendant un certain temps.  Le directeur des politique de la chambre de commerce des États-Unis, Neil Bradley, ou la revue The Economist ont estimé qu'il s'agissait de l'erreur la plus profonde, la plus préjudiciable et la plus inutile de l'ère moderne en raison de la manière arbitraire dont les droits de douane ont été imposés. D'autre part, le JP Morgan Chase, la plus importante Banque des États-Unis du monde d'occidentale, prévoit que la première économie du monde entre en récession cette année après la guerre commerciale, déclaré par Trump. L’économiste en chef de la banque pour les États-Unis, Michael Feroli, prévoit une contraction de l'activité à un rythme trimestriel annualisé de 1 % au troisième trimestre et de 0,5 % au quatrième, c'est-à-dire, une récession de deux trimestres consécutifs. De plus, on s’attend à ce que la contraction se freine et à ce que le taux de chômage, actuellement de 4,2 %, s’élève à 5,3 %.

 

Mets Trump, en qui, littéralement, les balles n'entrent pas, garde son optimisme et a écrit sur Truth Social : « Pour les nombreux investisseurs qui viennent aux États-Unis et investissent des quantités massives d'argent, c'est un grand moment pour devenir plus riches que jamais. »

 

Tronçonneuse et autocratie

 

La guerre commerciale est accompagnée par la tronçonneuse d'Elon Musk, directeur du département d'efficacité gouvernementale (DOGE) qui a licencié plus de 110 000 fonctionnaires fédéraux de diverses agences gouvernementales, certaines stratégiques, et menace de démanteler la Sécurité Sociale et les programmes de santé (Medicare). Paradoxalement, ses coupes dans le budget sont accompagnés d'une initiative qui, comme point central, la réduction de l'impôt sur les entreprises (y compris celles de Trump) de 35 % à 15 % et un traitement bienveillant des rapatriements de capitaux des entreprises, ce qui se traduit par une perte de recette fiscales.

 

Comme le signale le sociologue étasunien William Robinson, le trumpisme cherche à restructurer profondément le pouvoir de l'État pour en faire un instrument plus direct de domination capitaliste sous une direction fasciste, ce qui implique une large expansion et une large concentration du pouvoir du président. L'objectif est d'éliminer les éléments restant du « grand accord de classe » né pendant la grande dépression des années 1930 et qui a débouché sur le New Deal ou état de bien-être social-démocrate.

 

Cela s'exprime par un autoritarisme croissant de Trump et son non-respect des ordres judiciaires émis suite aux abus dans les déportations massives de migrants ou sa non reconnaissance du droit des enfants de migrants sans papiers nés aux États-Unis à la nationalité. Trump attaque les décisions judiciaires en appelant à destituer les juges qui statuent contre le Gouvernement. La même attitude arrogante se manifeste dans l'expulsion de journalistes accrédités du salon ovale de la Maison-Blanche, ou dans les coupes budgétaires et les conditions posées aux programmes des universités.

 

Les États-Unis sont en train de détruire les institutions de la gouvernance mondiale, de provoquer le chaos et l'incertitude mondiale et restent sans alliés dans le monde, sauf exceptions comme Netanyahu ou Milei. Les manifestations massives qui ont eu lieu hier dans les 50 états du pays pour protester contre la politique étrangère et intérieure des États-Unis mise en œuvre par Trump par décrets et l'augmentation de la désapprobation de sa gestion constituent des signes de la détérioration rapide de son gouvernement.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/04/08/estados-unidos-liberacion-o-suicidio/

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