Panama : Le Gouvernement permet aux États-Unis d'occuper le canal militairement
Par Gabriel Vera Lopes,
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Depuis que Donald Trump est revenu à la Maison-Blanche, Washington n'a pas cessé de menacer le Panama dans l'intention de « reprendre le canal. » Pendant ces dernières semaines, ces pressions sont allées au-delà de la rhétorique et sont devenues des mesures concrètes qui ont remarqué un moment crucial pour la souveraineté du Panama.
Début février, le secrétaire d'État des États-Unis, Marco Rubio, a choisi le Panama comme première destination de sa tournée en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Un geste sans précédent, puisqu’aucun ministre des affaires étrangères des États-Unis n'avait jamais commencé par un voyage dans la région. Mais, loin de chercher un rapprochement, sa visite a intensifié l'affrontement. Rubio a déclaré clairement que les menaces de Trump étaient sérieuses et que Washington ne tolérerait aucune autonomie de la part du Gouvernement panaméen.
Après cette visite, le département d'État, sur son habituel ton coercitif, a fait une déclaration : « Le secrétaire Roubio a déclaré clairement que ce statu quo était inacceptable » et a ajouté que, sans un « changement immédiat », les États-Unis prendraient les « mesures nécessaires. » La réponse du Panama ne s'est pas faite attendre : le président Mulino a annoncé le retrait de son pays, de la Route de la Soie et l'annulation des accords avec la Chine.
Mets les gestes d'alignement inconditionnel de José Raùl Mulino sur Washington n'ont pas été suffisants pour adoucir les exigences de la Maison-Blanche.
Dans la nuit du 10 avril, le Gouvernement de Mulino a publié un mémorandum d'entente signé entre le Panama et les États-Unis qui autorise « le personnel des États-Unis à rester temporairement sur le territoire de la République du Panama », et prévoit des manœuvres militaires et d'autres façon de « coopérer », non précisées.
Cet accord prévoit le déploiement de troupes étasuniennes et de sous-traitants militaires (euphémisme pour dire mercenaires) en territoire panaméen et pendant trois ans. Il permet aux militaires étasuniens d'être présent sur les aéroports et dans divers installations de défense national national. Cet accord a été signé lors de la visite du secrétaire des États-Unis à la défense, Pete Hegseth, la première de cette sorte depuis des décennies, le 8 avril, sous prétexte de participer à une conférence sur la sécurité.
Pendant sa visite au Panama, Hegseth a insisté sur le fait que les États-Unis se sont engagés à « reprendre le canal à l'influence chinoise » et à renforcer la coopération militaire avec le pays. Bien qu'il ait admis que la Chine n'opère pas sur le canal. –réfutant ainsi les accusations antérieures de Trump,– il a dit qu'une présence chinoise représenterait un « risque d'espionnage » dans la région.
Cet accord a été reçu favorablement par Trump qui, lors lors d'une conférence de presse donnée avec Hegseth, a déclaré : « Nous envoyons beaucoup de troupes au Panama et nous occupons certaines zones que nous n'occupions pas auparavant. Mais maintenant, oui. »
Les fantômes de l'invasion militaire de 1989
Avant l'arrivée d'un nouveau du nouveau continent militaire des États-Unis au Panama, des organisations sociales et des syndicats ont appelé à une grève générale qui débute ce mercredi 23 avril. Les enseignants de tous les pays seront les premiers à le paralyser le même jour alors que le jeudi, plusieurs organisations réaliseront une marche nationale suivie d'une grève générale de certain syndicats, comme ceux de la construction, des travailleurs des champs et des mouvements étudiants.
Les accords signés entre le Gouvernement du Panama et celui des États-Unis violent de façon évidente le traité de neutralité et la Constitution du Panama et représente une cession de la souveraineté nationale à Washington. C'est ce que pense Abdiel Rodríguez Reyes, un activiste professeur du département de philosophie de l'université de Panama qui a analysé la situation du pays dans une interview accordée à Brasil de Fato .
« Les relations entre le Panama et les États-Unis sont régies par le traité de neutralité qui est perpétuel. Nous devons comprendre que la seule garantie pour protéger le canal de Panama est précisément cette neutralité, » explique Reyes. Nous sommes un pays neutre. L'article 5 du traité établit qu’il ne pourra y avoir de présence militaire des États-Unis après la restitution du canal, en 1999. Par conséquent, seul le Panama peu garantir sa sécurité.
En 1977, après des décennies de lutte du peuple panaméen pour la souveraineté sur le canal, le dirigeant Omar Torrijos (1968-1981) et le président les États-Unis Jimmy Carter (1977-1981) ont signé les traités Torrijos-Carter. Ces traités assurent que le Panama prendra le contrôle total du canal à partir de l'an 2000, ce qui met fin à la domination que les États-Unis avaient exercée pendant le XXe siècle. De plus, il est établi que la voie fluviale doit rester neutre en temps de guerre comme en temps de paix et que l'installation de bases militaires étrangères dans les zones voisines est interdite.
Une nouvelle offensive impérialiste
Reyes dénonce le fait que « depuis l'an 2000, le Panama signé environ 20 accords avec les États-Unis, parce que, dans la pratique, les militaires étasuniens ne sont jamais réellement partis. »
Il pense que la situation actuelle est différente aussi bien à cause de la taille du contingent militaire, que du contexte politique : « il y a une plainte : souvenons-nous que l'une des premières déclaration de Trump en assurant sa charge a été de vouloir « récupérer le canal. Ce sont ces mots exacts, » dit Reyes.
Le Panama a été un pays sans armée depuis que ses forces de défense ont été abolies après l'invasion des États-Unis en 1989. « Par conséquent, cette présence militaire équivalent une nouvelle occupation, », prévient-t-il.
À cause de cette menace, nous voyons que l'objectif de récupérer le canal est devenu réalité. Il n'y a aucune transparence, nous ne connaissons pas la quantité de troupes présente, selon l'ambassade des États-Unis, il y a 1000 marines, 4 avion de guerre et des bateaux lance-missile face à la côte.
Ce mémorandum ne mentionne pas explicitement de base militaire, le département de la défense des États-Unis, parle de créer « des centres d'entraînement militaire. » « Comment pouvons-nous comprendre ces centres si ce ne sont pas des bases secrètes ? C’est une offense à la mémoire de nos martyrs, » dit Reyes.
Un territoire, un drapeau
Avec 82 km de long, le canal de Panama reçoit entre 13 000 et 14 000 bateaux par an et produit environ 24 % des revenus de l’État. C'est une route vitale pour le commerce mondial : entre 3 % et 6 % du trafic maritime mondial et 40 % des conteneurs des États-Unis passent par là.
Reyes souligne que les tensions avec l’impérialisme étasunien ne sont pas nouvelles : « Notre histoire a été marquée par des relations inégales, basées sur l'arrogance et la suprématie des États-Unis. Aujourd'hui, nos dirigeants agissent avec soumission en remettant le pays aux intérêts impérialistes. »
« Il y a une insatisfaction parce que les bénéfices du canal n'atteignent pas la majorité, » affirme-t-il. Il dit qu'il est urgent de discuter de la signification réelle du contrôle du canal, pas seulement au niveau géopolitique, mais aussi au niveau interne.
Il faut que nous défendions notre souveraine contre les puissances étrangères, et en même temps que nous combattions la corruption locale. Pendant pendant ces 25 dernières années, seule une élite a bénéficié du canal, alors que le peuple continue à attendre la justice. Notre lutte est une lutte contre l'arrogance des États-Unis, contre la soumission de Mulino mais aussi pour le contrôle réel du canal par le peuple peuple panaméen.
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