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Argentine : Ce que la dictature a fait à l'auteur de l'Eternaute et à ses quatre filles

5 Mai 2025, 16:35pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–bolivar infos

 

Netflix inaugure ce mercredi la série « l’Eternaute » basée sur la l'histoire des Argentins Héctor Germán Oesterheld et Francisco Solano López. La ville de Buenos Aires, où se déroule l'invasion que raconte « l’Eternaute », est remplie d'affiches de la série. Sur beaucoup de ces affiches, des mains anonymes ont collé des feuilles de papier portant les visages de Oesterheld et de ses quatre filles. Tous les cinq ont été assassinés par le terrorisme d'État, on n'a récupéré qu'un corps et on ignore le destin de deux enfants nés en captivité.

 

Oesterheld, une famille victime du terrorisme d’État

 

En 1955, Oesterheld a fondé avec son frère Jorge, ingénieur agronome, la maison d’édition Frontière où il a publié lui-même ses bandes dessinées, parmi lesquelles la célèbre bande dessinée « l’Eternaute » avec le réalisme caractéristique de Francisco Solano Lopez. Elle a été publiée dans le supplément hebdomadaire Heure Zéro, une revue de bandes dessinées, entre 1957 et 1959, et a eu de nombreuses suites et de nombreuses rééditions.

 

La trame est une invasion de la terre par des Aliens grâce a une tempête de neige toxique qui tue la plus grande partie de la population et la résistance des survivants à Buenos Aires. Son héros est Juan Salvo, l’Eternaute, qui, dans un exercice de méta fiction, raconte les événements.

 

Cette histoire a eu un fort impact sur la jeunesse argentine de l'époque qui était habituée à lire des des histoires sur New York ou Londres, et s'est sentie concernée par les nombreuses références locales. Elle a eu un grand succès international, ce que Oesterheld explique par le fait que, dans  « l’Eternaute, » le véritable héros est un héros collectif, un groupe humain. »

 

Mais, en 1976, les forces armées renversent le Gouvernement constitutionnel d'Isabel Peron et installent une dictature militaire en Argentine. La même année, les éditions Record publient « l’Eternaute » en un seul volume de plus de 350 pages.

 

Le succès pousse la maison d'édition à inviter Solano Lopez et Oesterheld à donner une seconde partie à « l’Eternaute » pour la revue Skorpio mais Oesterheld était devenu une autre personne. Le scénariste et ses filles militaient à Montoneros, une organisation de guérilla péroniste argentine née dans les années 1970 en réponse à la première dictature civile et militaire qui a été en place de 1966 à 1973.

 

C'est pourquoi, après le coup d'Etat de 1976, Oesterheld est entré dans la clandestinité. « Hector avait suivi ses filles dans le militantisme à Montoneros (…) Du coup, quand on lui a demandé de faire la suite de « l’Eternaute » , il a fait un Eternaute de Montoneros, » racontait Solano Lopez lors d'une interview accordée à la revue Caras y Caretas en 2008.

 

À propos de la seconde partie de « l’Eternaute » , El Commercio dit : « L'histoire n'est plus seulement une histoire de science-fiction : c'est une dénonciation, un avertissement, une résistance. Juan Salvo et German lui-même –personnage autobiographique– font partie d'une lutte pour la dignité dans un monde détruit comme le pays dans lequel il vivait dans la clandestinité. C'était sa façon de continuer à se battre. Il a tout fait caché dans la clandestinité avant son enlèvement. »

 

On ne connaît pas avec certitude le moment et le lieu de l'assassinat de l'écrivain. On estime que Oesterheld a été assassiné entre la fin de 1977 et le début de 1978. Comme celui de tant d'autres disparus, son corps n'a jamais été retrouvé et ainsi il fait partie de la très longue liste de détenus–disparus d'Argentine avec ses quatre filles —Estela (25), Diana (24), Beatriz (19) et Marina (18) dont deux enceintes– et trois de ses gendres.

 

Sa femme, Elsa Sanchez, activiste et membre des Grands-mères de la Place de Mai conserve vivantes la mémoire et l’œuvre d'Oesterheld jusqu'à sa mort, en 2015, à 90 ans. Elle n'a jamais cessé de rechercher les deux enfants nés dans des centres clandestins. L'héritage littéraire de l'auteur est toujours vivant et continue  de s'enraciner non seulement dans le meilleur de la bande dessinée argentine, mais aussi dans l'ensemble de la culture nationale.

 

Sa famille

 

–Le 19 juin 1976, Beatriz Oesterheld, la plus jeune des filles du couple H. G. Oesterheld et Elsa Sánchez devait se rendre à la Villa La Cava à San Isidro. Elle n’y est jamais arrivée. Sa mère a déposé un habeas corpus et le 7 juillet, son corps lui a été remis dans un commissariat de Virreyes. Elle avait 19 ans.

 

–Un mois plus tard, le 7 août, Diana Oesterheld, 23 ans, a été enlevée à Saint Miguel de Tucuman. Ils l'ont emmenée avec son fils Fernando d'un an et demi, qui a été remis à ses grands-parents paternels. Raúl Araldi, le mari de Diana, a été assassiné un an plus tard. Elle était enceinte et on pense qu'elle a pu accoucher à Campo de Mayo.

 

–Le 27 novembre 1976, les forces de la répression ont enlevé Marina Oesterheld, 20 ans, et son mari, Oscar Seindus, à San Isidro. Elle était enceinte, et on pense également que, comme pour sa sœur Diana, son accouchement a pu avoir lieu à Campo de Mayo. Son mari et elle sont toujours portés disparus.

 

–Estela Oesterheld, l'aîné des sœurs, avait 25 ans quand elle a été assassinée à Longchamps le 13 décembre 1977, avec son mari, Raúl Mórtola. Elle était enceinte de quatre mois et avait un fils de trois ans et demi, Martin.

 

–Le petit Martin a été le dernier de la famille à voir Hector German Oesterheld vivant. Son grand-père avait été enlevé le 27 avril 1977, à La Plata, alors que Béatrice avait déjà été assassinée et que Diana et Marina étaient portées disparues. Martin a été emmenée par les militaires après l'assassinat de ses parents et, avant d'être rendu à sa famille, il était avec son grand-père dans un centre de détention clandestin.

 

––On pense que Hector German Oesterheld est passé par El Vesubio (un centre de détention clandestin en Argentine, utilisé par l'armée et située dans la localité de Aldo Bonzi, dans le grand Buenos Aires) avant d'être assassiné.

 

A présent, l'adaptation télévisée de « l’Eternaute » fait que la société argentine affronte à nouveau l'horreur d'une famille décimée par la dictature. Les pages collées sur les affiches y aide.

 

Et aussi les messages publiés sur les réseaux sociaux, et dans les médias, comme celui-ci, concernant la recherche des deux petits-enfants de Oesterheld:

 

« Peut-être, le fils ou la fille de Diana et le fils ou la fille de sa sœur Marina, enceinte de huit mois au moment de son enlèvement, sont vivants en ce moment, et regardent la série « l’Eternaute » sur Netflix. C'est pourquoi, si tu as des doutes sur ton origine ou sur ton identité et si tu as environ 47 ans, tu es peut-être l'un des petits-enfants de Oesterheld, l'auteur de « l’Eternaute ». Pour dissiper tout doute, contacte les Grands-mères de la Place de Mai sur leur site officiel et reçois des conseils. »

 

Source en espagnol :

https://albaciudad.org/2025/05/el-eternauta-dictadura-argentina-hector-german-oesterheld/

URL de cet article :

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/05/argentine-ce-que-la-dictature-a-fait-a-l-auteur-de-l-eternaute-et-a-ses-quatre-filles.html