Argentine: Les archives nazies et une hypothèse différente
Par Raùl Kollmann
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos
« Les archives des nazis n’étaient peut-être pas destinées à ce qu’ils entrent en Argentine mais à ce qu’ils partent sur le bateau japonais Nan-a-Maru dans l’idée d’aller à Tokyo et surtout de ne pas tomber dans les mains de ce qu’on appelait la Commission d’enquête sur las activités anti-argentines. Nous le saurons quand nous aurons examiné le matériel en détails. » Ce diagnostic a été donné à Página/12 por Jonathan Karszembaum, directeur du Musée de l’holocauste de Buenos Aires, un des experts qui analysent les documents trouvés dans le sous-sol du Palais des Tribunaux. Il s’agit de milliers de fiches de membres du Parti National Socialiste allemand (le nom légal du parti nazi) et de l’Union Allemande des Syndicats qui comptait quelques 12 000 membres et constituait la plus importante organisation nazie hors d’Allemagne.
Les fiches se trouvaient avec un autre matériel de propagande hitlérienne, tous retenus dans une affaire judiciaire depuis 1941. Jusque’à présent, on disait que ces archives avaient été détectées à ce moment-là parce qu’ils allaient entrer dans le pays mais l’hypothèse la plus raisonnable est qu’ils allaient se rendre dans un pays allié, le Japon, pour éviter les investigations en marche.
Membres du parti nazi et quelque chose de plus?
La liste des membres du parti et de l’union des syndicats a été connu à cause de sa publication à ‘époque de la présidence de Raúl Alfonsín. Mais cela a conduit le président de la Cour, Horacio Rosatti, à mettre en marche une opération destinée à préserver ce qui avait été découvert et une analyse a débuté, à laquelle participeront le Musée de l’holocauste, présidé par Karszenbaum, le Centre Simón Wiesenthal, représenté par Ariel Gelblung et d’autres institutions.
Les fiches et les éléments de propagande se trouvaient dans 12 énormes caisses de bois, destinées à l’origine à transporter du champagne, ce dont l’ambassade d’Allemagne à Buenos Aires s’est chargée. Les diplomates, qui relevaient du régime nazi, ont allégué que ce chargement était une espèce de valise diplomatique. Mais dans le cadre de conflits sérieux avec le régime d’HItler, le Gouvernement argentin s’y est opposé parce qu’il y avait déjà de fortes critiques des activités nazies. Les choses ont dégénéré en une affaire judiciaire. Et le matériel est resté dans le sous-sol des tribunaux, sans attirer beaucoup d’attention en 84 ans.
Une hypothèse toujours ouverte
Au début, cette découverte a été diffusée avec l’hypothèse que ces 12 caisses contenant les fiches nazies se trouvaient à bord du navire japonais. Comme il s’agissait de membres argentins, dans cette hypothèse, les fiches auraient dû être sorties du pays vers le Japon -allié de l’Allemagne- précédemment et, pour une raison incompréhensible, revenaient en 1941. C’est à dire que le conflit était entre la douane, les autorités argentines et l’ambassade d’Allemagne pour l’entrée du matériel. C’est une version qui n'est pas trop fermée, mais qui ne peut pas être totalement exclue.
Un des experts qui participent à l’analyse des documents, Karszembaum, a dit à Página/12 que l’autre hypothèse lui semble aussi probable: qu’ils sortaient le matériel d’Argentine pour ne pas tomber dans les mains de la commission qui enquêtait sur les activités nazies.
Comme le dit Carlota Jackisch dans son étude qui fait référence sur le national-socialisme en Argentine, les conflits avec les organisations nazies touchaient tous les domaines. Dans la rue, les groupes de chemises brunes défilaient sans pudeur et à plusieurs occasions, des coups ont été donnés, en particulier avec des courants universitaires socialistes et communistes. Dans les collèges allemands - sauf dans le Pestalozzi et dans la Cangallo Schule- il y avait des cérémonies en l’honneur d’Hitler presque tous les jours. Les entreprises allemandes licenciaient leurs employés juifs sur ordre de la maison mère en Allemagne. Il y a eu de durs affrontements dans les médias et les événements au Luna Park ont fait monter la température publique.
Le 10 avril 1938, il y a eu une manifestation au stade de Corrientes et Bouchard avec 15 000 personnes et une énorme croix gammée sur la scène pour soutenir l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Non loin de là, sur la Plaza San Martín, se déroulait un manifestation des jeunesses anti-nazi. Certains journaux ont affirmé qu’il y eut des affrontements féroces à la sortie du Luna Park et tout a été répercuté de façon scandaleuse le lien demain, dans les réunions matinales.
Les pressions des Etats-Un is se faisaient de plus en plus fortes à cause du fait qu’on permettait les activités de nazis allemands. En effet, la première fois que le Congrès a débattu de la possibilité d’en quêter sur les activités nazies - ils les appelaient « anti-argentine »- c’était en 1938 parce que le bruit était déjà énorme mais la Commission a été officiellement constituée le jour même du conflit pour les embarquements, le 20 juin 1941.
La clef, l’étude du matériel
Évidemment, ce qui sera décisif sera l’analyse des documents. Pas seulement pour voir s’il y a beaucoup plus de noms que ce qu’on sait mais pour l’enquête que réalise le le Centre Simón Wiesenthal sur le financement des activités du parti national-socialiste en Allemagne par l’Argentine et les voyages secrets de nombreux hauts dignitaires du Troisième Reich en Argentine.
L’expert Raanan Rein, de l’Université de Tel Aviv, dans son livre « Les gamins péronistes juifs » estime que quelques 70 criminels de guerre se sont cachés en Argentine ou sont passés par là. Le Centre Simón Wiesenthal enquête sur les actions de la banque Crédit Suisse qui aurait géré les mouvements de fonds. Mais ce qui se trouve dans les caisses du Palais des Tribunaux date de 1941 et il serait étonnant qu’il s’y trouve des données concrètes sur ce qu’on appelle la Route des Rats, le chemin qu’ont suivi les hauts dignitaires nazis pour fuir à partir de 1945.
Ils sont principalement passés de l’Allemagne en Italie, souvent avec le soutien du Vatican et se sont embarqués avec de faux papiers de la Croix Rouge pour le Paraguay ou l’Argentine.
Les documents de 1941 ne devraient pas non plus contenir d’éléments concernant la tuerie des Juifs, des Gitans, des handicapés et des opposants au nazisme parce qu’Hitler n’est entré dans ce processus qu’après cette date, en particulier en 1943 et1944 et avant sa défaite du 8 et du 9 mai 1945. Mais peut-être les différentes structures que le nazisme a mises en place en Argentine et qui ont certainement été une base de soutien des tueries du Troisième Reich seront-elles mises au jour.
Les entreprises allemandes étaient les plus puissantes dans le pays et certaines enquêtes soutiennent que même le gaz utilisé dans les camps de concentration, le Ztklon B, à l’origine un pesticide, a été expérimenté en Argentine par l‘entreprise IG Farben.
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