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Argentine : Reconstruction judiciaire de la captivité d’Oesterheld

6 Mai 2025, 15:59pm

Publié par Bolivar Infos

Argentine : Reconstruction judiciaire de la captivité d’Oesterheld

 

 

par Ariel Stemphelet

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–bolivar infos

 

Les 7 procès dans lesquelles ont été déterminées des responsabilités pour l'enlèvement de l'auteur de bandes dessinées. Un parcours par les témoignages bouleversants sur son séjour à El Vesubio et dans d'autres centre clandestins.

 

La diffusion de la série l’Eternaute, avec Ricardo Darín, a mis en lumière l'auteur de la bande dessinée du héros collectif, Héctor Germán Oesterheld, enlevé par la dictature en 1977. Toujours disparu, une partie de l'histoire de sa captivité a pu être reconstituée grâce au Procès des Juntas et aux procès ultérieurs pour crimes contre l'humanité, où des codétenus ont raconté comment sa santé s'est dégradée et comment il a été torturé psychologiquement. Malgré les plus de 40 condamnations liées à son cas, l'histoire déchirante de sa famille reste ouverte.

 

Oesterheld hey, t'es arrêté par un groupe de l'armée à la Plata, en avril 1977. Ils l'ont emmené à El Vesubio, un centre clandestin situé au carrefour entre Ricchieri et Camino de Cintura. On l'a vu aussi, pendant qu'il était encore en vie, dans d'autres centres clandestins comme  Sheraton et El Campito.

 

L'histoire de sa captivité a été racontée en grande partie grâce aux procès mais évidemment, quand son nom est apparu pour la première fois dans une affaire pour « disparition simple » dans un tribunal civil de Buenos Aires, les données que qu'on possédait étaient nulles. Le temps a permis de recueillir des témoignages qui ont été un coup de pied pour que l'enlèvement du « vieux », comme l'appelaient ses camarades de détention, soit incorporé à l'emblématique procès des Juntes.

 

Dans ce dossier, son affaire était le cas, 377. Dans la sentence, on a établi que « avec l'arrivée du Gouvernement militaire, il s'est produit une augmentation importante généralisée du nombre de disparitions » dont « on a d’abondants exemples, en premier lieu avec les privations illégitimes de liberté » dont ont été victimes des centaines de personnes. Ensuite, il y a eu une liste de victimes qui contient son nom.

 

Comme il a été prouvé que l'auteur de l’Eternaute a été enlevée par l'armée et a passé une partie de sa captivité à El Vesubio qui dépendait de cette force, son affaire a été été l'une de sel sur lesquelles a été montée la condamnation de Jorge Rafael Videla.

 

Avec le temps, on a réussi à obtenir plus de détails sur la captivité de Oesterheld à El Vesubio grâce a des preuves et des témoignages qui ont été diffusés pendant le premier procès qui s'est achevé en 2011, devant le tribunal oral fédéral (TOF) 4 de la capitale fédérale.

 

Dans la sentence ont été incorporés plusieurs récits de survivants qui l'ont vu ou ont entendu parler de lui pendant ces longs mois. Ils ont dit que c'était un type « affectueux » que beaucoup connaissaient pour avoir lu l’Eternaute et qui passeait son temps à dessiner ou à écrire. Il offrait beaucoup de ses dessins à ses camarades de détention « pour qu'ils se réjouissent un peu », selon María Susana Reyes.

 

Mais Oesterheld vivait un calvaire. L'enlèvement de ses filles Estela, Beatriz, Diana et Marina dont deux étaient enceinte, étaient utilisées par les oppresseurs pour chercher à le briser, et pour qu'il dénonce un camarade de militantisme. La torture psychologique était telle qu’en septembre 1977, les responsables du centre clandestin lui avaient déjà dit qu’elles avaient été tuées, selon une camarade de détention.

 

Ces jours de rupture mentale avaient un corrélat physique. Oesterheld était avec d'autres prisonniers attachés aux "niches", qui se trouvaient dans l'une des petites maisons qui composaient le centre clandestin. Mais comme il avait des problèmes bronchiques, ils l'ont emmené plusieurs fois dans une autre salle où ce n'était plus inhumain.

Cependant, d'autres témoignages ont servi à représenter le niveau de détérioration de sa santé. Juan Carlos Benítez, par exemple, a déclaré qu'il l'avait vu battu et avec un bandeau sur la tête ; Ana María Di Salvo que le vieil homme avait "une sorte de boutons sur le front" ; et Arturo Osvaldo Chillida a choisi le mot "vaincu" pour qualifier comment il l'a vu.

Ces récits ont été pris en compte dans les deux autres étapes de l'enquête, portées en justice comme Vesubio II et Vesubio III, où l'affaire Oesterheld a été incorporée. Le premier procès s'est terminé en 2014 avec quatre condamnations, dont celle de Gustavo Adolfo Cacivio, le chef du centre clandestin ; et le second s’est achevé en 2022 avec la condamnation de 8 officiers de l'armée et employés des pénitenciers responsables d'arrestations et de tortures.

Mais il a également été constaté que l’auteur de bandes dessinées a été emmené à plusieurs reprises au centre de détention connu sous le nom de Sheraton, situé dans un sous-commissariat des rues Quintana et Tapalqué, à Villa Insuperable, La Matanza. Entre juin et août 1977, il y est resté environ un mois et qu’il y a même passé son 58e anniversaire, le 23 juillet.  Il y est retourné entre septembre et fin décembre de la même année.

« Maintenant, « le vieux », auteur de l’Eternaute et du sergent Kirk est avec nous. Le pauvre vieux passe sa journée à écrire des histoires que jusqu'à présent personne n'a l'intention de publier », a écrit Ana María Caruso de Carri dans une lettre à ses enfants qui a servi de preuve lors du premier procès concernant ce centre clandestin, au cours duquel les responsables du sous-commissariat, Leopoldo Luis Baurne et Juan Alfredo Battafarano, et quatre autres officiers ont été condamnés.

Dans l’affaire "Sheraton IV", le TOF 1 a condamné en 2023 Alejandro Sálice et Roberto Horacio Sifón, du groupe d'artillerie qui contrôlait le sous-commissariat. L'un des témoignages cités dans la sentence est celui de Paula Ogando, une survivante qui a déclaré qu'elle le voyait "extrêmement mince" et qu'ils pouvaient converser : l'écrivain lui a dit qu'il essayait d'écrire un scénario d'époque et qu'il « avait beaucoup souffert ». C'était en juin 1977.

Un septième procès, dans la soi-disant « Mega-affaire Campo de Mayo », a prouvé qu'Oesterheld est également passé par El Campito, situé dans la garnison militaire Campo de Mayo. Pour les événements qui s'y sont produits, le TOF 1 de San Martín a condamné 19 répresseurs.

Bien qu'il y ait plus de 40 condamnés dans l'affaire Oesterheld, la blessure familiale causée par cette disparition et 9 autres reste ouverte. Dans son histoire, qui est l'histoire de l'Argentine, on recherche toujours les enfants de Diana et Marina, les petits-enfants de l'écrivain, qui auraient dû naître respectivement en novembre 1976 et décembre 1977. Et il y a aussi une question sans réponse : où est Oesterheld ? »

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/05/04/argentina-caso-oesterheld-reconstruccion-judicial-de-su-cautiverio-y-una-busqueda-que-sigue-abierta/

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