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Pensée critique: La Chine et la CELAC, l’alliance qui inquiète les Etats-Unis

25 Mai 2025, 17:30pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Diana Valido Cernuda

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos

 

Une relation de ce type gêne la puissance qui voit dans l’Amérique latine et les Caraïbes sa principale zone d’influence et dans la Chine son plus grand adversaire économique. Quels accords ont-ils été réalisés lors du récent sommet ministériel? Que gagne la CELAC avec cette alliance? Pourquoi le géant asiatique est-il intéressé par le fait d’élargir les relations de coopération avec l’Amérique latine et les Caraïbes? Nous te le racontons dans ce reportage.

 

Il pourrait sembler que ce soit un sommet de plus, une rencontre internationale avec les photos de groupe typiques pour les médias sur lesquelles tout le monde sourit et se serre la main. Mais, en réalité, c’est beaucoup plus que cela. La quatrième réunion ministérielle du forum Chine-CELAC qui a eu lieu récemment à Pékin a envoyé un message clair concernant les alliances qu’aussi bien l’Amérique latine et les Caraïbes que le géant asiatique sont prêts à avoir malgré les pressions des Etats-Unis.

 

« L’indépendance et l’auto-détermination sont notre glorieuse tradition, le développement et la revitalisation sont notre droit inhérent et l’équité et la justice sont notre aspiration commune, » a déclaré le président de la Chine, Xi Jinping, à l’inauguration de la rencontre.

 

La Chine a offert à la communauté des Etats latino-américains et Caribéens (CELAC) une alliance aux bénéfices partagés pour plus de 10 ans. La coopération pratique dans des domaines comme le commerce, l’investissement, les finances, les sciences et la technologie, plus de 200 projets d’infrastructures, la création de milliers de postes de travail et des accords de libre échange avec plusieurs pays latino-américains n’en sont que les exemples les plus visibles.

 

Mais la force de cette union réside dans les accords bilatéraux et la manière dont ils s’imbriquent en tant que partie d’un tout.

 

Evidemment, une relation de ce type gêne la puissance qui voit dans l’Amérique latine et les Caraïbes sa principale zone d’influence et dans la Chine son plus grand adversaire économique.

 

Une communauté à l’avenir partagé avec des résultats visibles

 

Les relations entre la République Populaire de Chine et l’Amérique latine et les Caraïbes ont subi une transformation importante dans les premières décennies du XXIème siècle en se renforçant en tant qu’axe stratégique de coopération sud-sud avec des implications géopolitiques et économiques de portée mondiale.

 

C’est ce qu’explique dans une enquête récente l’économiste cubaine Claudia  Marín Suárez, du Centre d’Investigation sur a Politique Internationale de La Havane.

 

Dans ce contexte, le Forum Chine-CELAC, créé en 2014 et dont la première édition a eu lien en 2015, établit un cadre multilatéral pour le dialogue politique, les relations économiques et les échanges culturels.

 

Un coup d’oeil sur les 10 dernières années permet de voir les résultats de cette interaction. La première chose à souligner est que la nation asiatique n’impose pas de position politique déterminée pour les relations économiques.

 

« La Chine a invité la région à se joindre à la construction d’une communauté d’avenir partagé dans laquelle il y a de la place pour différentes perspectives économiques et des politiques basées sur le respect des décisions souveraines de chaque Etat, » explique l’économiste cubaine.

 

Sous ce principe, les relations commerciales ont augmenté graduellement. En 2024, le commerce total entre la Chine et l’Amérique latine a dépassé les 500 000 000 000 de $. 22 pays ont rejoint l’initiative de la Route de la Soie. La Chine est devenue le. premier partenaire économique de beaucoup de pays et le second de la région, devant l’Union européenne.

 

Un rapport de la CEPAL souligne que les échanges commerciaux entre la Chine et la région ont été multipliés par 38 en 23 ans.

 

Il y a eu coopération entre les deux parties dans d’autres domaines dont on parle moins mais qui sont tout aussi  importants. C’est le cas de la prévention, de l’atténuation et de l’assistance en cas de catastrophe, dans le cadre d’une réponse conjointe à des catastrophes naturelles telles que les ouragans et les tremblements de terre. 

 

Depuis 1993, la Chine a envoyé successivement 38 groupes de médecins dans des pays des Caraïbes. Pendant la pandémie du siècle, la Chine a été à l’avant-garde de l’assistance en fournissant plus de 300 000 000 de doses de vaccins et près de 40 000 000 d’unités de matériel et d’équipements sanitaires aux pays d’Amérique latine et des Caraïbes, et en envoyant plusieurs groupes d’experts médicaux dans la région », a rappelé le président chinois lors de son discours inaugural.

 

Selon Claudia  Marín Suárez, les projets d’infrastructures ont été l’un des éléments distinctifs des relations de la Chine avec la région: parmi ces projets se trouvent des ponts, des routes, des ports, des aéroports, des voies ferrées et des usines hydroélectriques. Les projets concernant les énergies renouvelables et de connexion digitale ont pris une importance particulière.

 

Mais l’Amérique latine peut encore élargir son potentiel et pour profiter au maximum de cette coopération, la région doit adopter un point de vue stratégique.

 

« Il ne s’agit pas seulement d’exporter des matières premières ou de recevoir un financement, mais d’utiliser ces relations pour faire des transformations structurelles sur ses économies, » dit le professeur Pan Deng, de l’université des sciences politiques et du droit de Chine, interviewé par Prensa Latina.

 

Les Etats-Unis surveillent l’influence de la Chine en Amérique latine

 

A la rencontre ministérielle de Pékin, les chanceliers et les représentants des pays de la CELAC étaient présents, ainsi que, exceptionnellement, les présidents du Brésil, du Chili et de la Colombie qui assume la présidence tournante du bloc.

 

« Le problème au centre de ce débat ne pourrait être plus important dans un scénario compliqué marqué par les prétentions des Etats-Unis de reconfigurer le système international et les relations politiques et économico-commerciales sur la base de pressions, de menaces et d’imposition de droits de douane et d’autres mesures d’intimidation, » a affirmé le chancelier cubain Bruno Rodríguez Parrilla lors de son intervention.

 

Car les pressions des Etats-Unis sur l’Amérique latine se sont intensifiées depuis que Donald  Trump est arrivé au pouvoir pour un second mandat.

 

Début février, le secrétaire d’Etat Marco Rubio a fait une tournée par le Guatemala, le Salvador, le Panama et la République Dominicaine, des pays dans lesquels il a clairement indiqué que les Etats-Unis continueraient à apporter leur aide s’ils restent alignés sur leurs « intérêts nationaux », un avertissement évident à propos de leurs relations avec la Chine.

 

Marco Rubio a exercé les mêmes pressions en disant aux présidents de San Kitts et Nevis, Antigua et Barbuda, Saint Vincent et las Grenadines, la Dominique, la Grenade et des Bahamas de rester loin de la Chine parce que c’est un « agent mauvais » dont les activités économiques et culturelles dans la région représentent une menace pour « la sécurité des Etats-Unis. »

 

Les ambitions de Washington sur le Canal de Panama et ses déclarations belliqueuses ont poussé, en coulisses, le Gouvernement panaméen a accepté de sortir en février de l’accord économique de la Route de la Soie.

 

Le Brésil, le Chili et la Colombie: les accords

 

Certains partent et d’autres arrivent. La Colombie, l’un des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis en Amérique latine a annoncé lors du forum ministériel qu’elle rejoindrait la Route de la Soie. Le président Gustavo Petro a fait savoir, en outre, que seraient signés des accords commerciaux concernant des produits essentiels pour le pays.

 

« Nous avons particulièrement mis l’accent sur les produits du littoral du Pacifique où la  production de cocaïne est la plus élevée du monde et où nous avons besoin de remplacer l’économie et la Chine  nous aidera, ;à cause de la taille de son marché, dans le domaine des crevettes, de l’étain, du bois, de la noix de coco, du café qui sont des produits de chez nous demandés en Chine. Cela pourrait aider à renforcer les ports du littoral du Pacifique, » a déclaré le président colombien.

 

Mets Petro est un peu plus loin, et dans son discours, il a proposé un investissement qui connecte l'Amérique latine à la Chine, grâce à la technologie : «  Si nous voulons quelque chose de concret entre la CELAC et la Chine, il faut penser que la fibre optique devrait arriver d’Asie en Amérique latine et vice versa (…) parce que la fibre optique amène un contenu qui, à l'époque de l'intelligence artificielle, est celui des connaissances humaines accumulées aussi bien dans le passé que dans le présent, » a  indiqué le chef d'État colombien.

 

Selon la spécialiste cubaine Claudia Marín Suárez, l'accord signé entre la Colombie et la Chine concerne l'élargissement de la coopération dans des secteurs émergeants comme l'énergie éolienne, les véhicules roulants avec de nouvelles énergies, l'économie digitale et l'intelligence artificielle et comprend des mécanismes de financement et de coopération non remboursables.

 

La Chine a déclaré qu'elle était prête à importer plus de produits colombiens de qualité, à soutenir les investissements des entreprises chinoises en Colombie et à participer à la construction d’infrastructures.

 

Peu après révélation de cet accord, le département d'État des États-Unis a indiqué qu'il s’opposerait « énergiquement » au projet chinois de la Route de la Soie en Amérique latine. Cela ne surprend pas.

 

Pour sa part, le président Gabriel Boric a également signé de nouveaux accords qui renforcent la coopération. Le Chili est l'un des plus de 20 pays latino-américains à avoir intégré la Route de la Soie, et aussi l'un des 5 avec lesquels la Chine a un traité de libre-échange. Les exportations chiliennes en Chine ont dépassé l'année dernière 37 000 000 000 de dollars.

 

« La Chine étant à présent notre principal partenaire commercial, au Chili, nous conservons la ferme conviction que quand le commerce est libre et est pensé pour l’amélioration du bienêtre des peuples, ils produit des bénéfices réciproques, » a déclaré Boric.

 

Trois nouveaux accords bilatéraux entre les deux pays ont été signés pour augmenter les exportations agro-alimentaires chiliennes vers le marché chinois. Les deux présidents ont convenu de l’importance de renforcer des domaines comme les investissements, la collaboration dans les sciences antarctiques et la transition énergétique.

 

Parmi les 3 pays que nous avons analysés, c’est le Brésil qui a signé les plus d’accords bilatéraux avec 20 accords et 17 autres documents destinés à renforcer la coopération dans divers domaines pendant les 50 prochaines années.

 

« Le Gouvernement brésilien cherche à attirer les investissements chinois dans les chemins de fer, les métros, la technologie et l’intelligence artificielle dans l’intérêt particulier d’avancer dans le développement technologique avec le soutien de la Chine, » dit Claudia Marín Suárez.

 

Lula est venu avec une importante délégation de patrons brésiliens pour obtenir des accords dans des domaines stratégiques: « Dans le domaine de la santé, nous avons conclu des accords qui comprennent le transfert de technologie, la production de médicaments, des matières premières pharmaceutiques actives, des vaccins, et du matériel médical. La coopération entre SENAI Simatec et Indi permettra l’installation d’un centre de recherches et le développement de l’énergie solaire, éolienne et de systèmes d’approvisionnement, » a annoncé le président du Brésil.

 

La Chine annonce de nouveaux objectifs

 

Dans le contexte de la réunion ministérielle, le président Xi Jinping a annoncé 5 nouveaux programmes, chacun avec des objectifs spécifiques mais qui définissent de manière générale l’avenirs relations entre Chine et la CELAC.

 

« Nous, les deux parties, avons décidé de renforcer la coordination de stratégies de développement, de promouvoir à fond la construction conjointe de la Bande et la Route de haute qualité, de renforcer la coopération dans des domaines traditionnels comme celui des infrastructures, de l’agriculture, des aliments, de l’énergie et de la mine, d’élargir la coopération sur des terrains émergents comme l’énergie propre, les communications 5G, l’économie digitale et l’intelligence artificielle et de mettre en oeuvre le programme d’association scientifique et technologique entre la Chine et l’Amérique latine et les Caraïbes, » a déclaré le président chinois dans son discours d’inauguration.

 

Dans le cadre de ces programmes, la nation asiatique a annoncé une ligne de crédit de plus de 9 200 000 000 de $ pour des projets en Amérique latine et dans les Caraïbes, la création de 3 500 bourses du Gouvernement pour la formation technique et le financement de 300 projets  à fort impact social.

 

A la clôture du forum, les 33 pays membres du bloc, à l’exception de l’Argentine, ont signé la déclaration finale de Pékin qui souligne le soutien de la solution pacifique des différends, des disputes et des conflits, la non ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats et l’opposition aux menaces et à l’utilisation de la force dans les relations internationales et condamne l’imposition de mesures coercitives unilatérales.

 

La Chine propose une communauté d’avenir partagé avec l’Amérique latine et les Caraïbes, pas seulement comme une aspiration diplomatique mais aussi comme une feuille de route réaliste et transformatrice.

 

Dans une situation qui se caractérise par une guerre commerciale qui ne vit qu’un moment de trêve, la région latino-américaine doit avoir une position unie et réagir contre toute attaque individuelle des Etats-Unis à partir de l’intégration.

 

Renforcer les relations commerciales avec  la Chine  ne signifie pas abandonner les liens que d nombreux pays ont avec Washington bien que la Maison Blanche l’interprète ainsi. Cela représente, en revanche, la libre autodétermination de la CELAC en tant qu’organisme régional et la liberté des nations en tant qu’acteurs individuels d’établir des alliances en cherchant son propre développement et sa propre prospérité.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/05/22/pensamiento-critico-china-y-celac-la-alianza-que-preocupa-a-estados-unidos/

URL de cet article:

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/05/pensee-critique-la-chine-et-la-celac-l-alliance-qui-inquiete-les-etats-unis.html