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Pensée critique: Le Jour de la Victoire et la « tyrannie déguisée » de la démocratie bourgeoise

11 Mai 2025, 16:37pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Geraldina Colotti

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos

 

« Une  tyrannie déguisée », c’est ainsi que Marco Rubio, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, a défini la démocratie allemande dont le Gouvernement a annoncé qu’il veut augmenter sa surveillance sur l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) an tant que parti d’extrême-droite menaçant la démocratie.

 

Selon le Gouvernement allemand qui s’est exprimé à travers le Bureau Fédéral pour la Protection de la Constitution (BFV), l’AFD est une formation qui, par son idéologie et ses actions, guidées par un concept de « peuple xénophobe sur une base éthique » représente un danger pour l’ordre démocratique allemand, fondamentalement libéral et pour la Constitution de la nation. Pour Rubio, en revanche, un parti qui est arrivé second aux récentes élections ne doit pas être considéré comme un danger d’extrême-droite et donner plus de pouvoir de surveillance à l‘agence d’espionnage allemande inquiète.

 

Au-delà des motivations politiques contingentes qui poussent un modeste laquais de l'oligarchie nord-américaine comme Rubio à vouloir rassurer les Trumpistes de Maga qu’il est absolument l’un d’entre eux, ses déclarations permettent quelques brèves réflexions à quatre-vingts ans de la Journée de la Victoire, le 9 mai 1945. A cette date, comme on le sait, l’Allemagne nazie s’est officiellement rendue à l’Union soviétique et à ses alliés, marquant, par la signature de la capitulation à Berlin, la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le front de l’Est.

 

Alors, les contradictions insurmontables du mode de production capitaliste ont poussé les bourgeoisies européennes, prises de panique à cause de l'avancée du mouvement ouvrier après la Révolution d'Octobre, à faire confiance au nazi-fascisme. Aujourd'hui, même en l'absence d'une force organisée des classes populaires au niveau mondial, le grand capital international, le pouvoir mondialisé de la finance, transfère cette peur contre le dessein d'un nouveau monde multicentrique et multipolaire qui avance.

L’apparition de nouvelles guerres impérialiste et la résurgence des idéologies nationalistes et xénophobes dans le cadre de la crise systémique du modèle capitaliste fait de cette victoire une occasion de reprendre des projets et des idéaux mais en se mettant les bonnes lentilles qui permettent d’en voir la portée actuelle.

 

Le fait que les « critiques » de la démocratie bourgeoise aient été reprises et détournées par l’extrême-droite qui gouverne les Etats-Unis et qui se renforce en Europe devrait poser un problème à ceux qui, « à gauche », n’ont pas su pousser ces critiques vers un retournement du pouvoir en faveur des classes populaire qu’ils auraient dû défendre et représenter.

 

L’apogée du radicalisme de l’extrême-droite, la normalisation des théories et des actions  plus néfastes qui font écho au nazi-fascisme et au racisme sont allés de pair avec le chantage accepté par la « gauche » qui a conduit à l'extrémité » du révisionnisme historique, politique et symbolique de la lutte des classes du siècle dernier, connu comme le siècle de la violence.

 

On en est ve nu ainsi à élargir cette zone grise dans laquelle une multiplicité de « récits » qui empêchent de comprendre aussi bien les particularités contextuelles déterminées matériellement que le sens général a remplacé l’objectivité de l’histoire.

 

En analysant le retour de l’extrême-droite sur le continent latino-américain, l’intellectuel cubain Abel Prieto qui dirige la Maison des Amériques constate la façon dont les héritiers du nazi-fascisme et toute la horde de fascistes qui les a suivis cherchent non seulement à blanchir l’image de Mussolini, de Hitler ou de Franco mais aussi celle de Pinochet, de  Videla et des assassins du Plan Cóndor en accusant, par exemple, les erreurs du socialisme d’Allende d’avoir provoqué le coup d’Etat.

 

La lutte entre nazi-fascisme et communisme, interprétée comme un choc entre deux totalitarismes, a progressivement imposé un « récit » édulcoré de la résistance en déplaçant la perspective du partisan combattant vers le « bon nazi » qui a aidé les Juifs ou vers le fasciste qui doute ou vers le « témoin » qui  a subi des violences. La zone grise sur laquelle planent à nouveau les vautours, a été occupée par le paradigme de la « victime méritante » dans lequel les « violents » ne sont pas détruisent et oppriment, également avec la force de ce qui est « institué »,  mais ceux qui s’opposent, qui réagissent pour ne pas succomber. Un hachoir à viande idéologique qui justifie un abattoir concret comme nous le voyons dans le génocide en Palestine.

 

Qu’un individu lugubre comme Marco Rubio, administrateur de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) et par conséquent organisateur de tous les plans de déstabilisation contre Cuba, le Venezuela et les processus progressistes d’Amérique latine, ose critiquer l’augmentation des pouvoirs de surveillance de l’agence d’espionnage allemande, devrait au moins lui valoir quelques  sonores moqueries de la part de la gauche européenne.

 

Il devrait être ridiculisé en tant qu’organisateur d’un nouveau maccartisme nord-américain qui met au pilon la liberté de pensée en reprenant l’obsession du communisme comme dans les années 40-50 du siècle dernier, avec l’espionnage, la suspicion, la persécution et la chasse aux sorcières. Ce n’est pas un hasard si, en son temps, dans son discours à Hollywood, Thomas Mann avait signalé les ressemblances entre le maccartisme et le nazisme qui venait juste d’être vaincu. Et déjà en 1942, le poète révolutionnaire allemand Bertolt Brecht, dans son Journal de Travail, avait prévu que le fascisme aux Etats-Unis prendrait le masque de la démocratie.

 

Le fait est qu’une certaine « gauche », en Europe, a fait de la société du contrôle, du système pénal comme « solution » aux conflits sociaux, de l’utilisation de la magistrature à des fins politiques (lawfare) un élément essentiel de sa compatibilité avec le système capitaliste en revenant dans la zone grise du « politiquement correct »: un autre élément chevauché aujourd’hui par le trumpisme qui se sent avec arrogance au-dessus des règles, y compris de celles de la démocratie bourgeoise.

 

Remplacer la lutte des classes par celles des procès est un autre piège de la « zone grise » grâce auquel, surtout en Italie, la lutte des classes des années 70 a été diabolisée et éliminé en imposant à la société toute une série de lois d’urgence, de prisonniers politiques et de tortures.

 

Par contre, les peuples, depuis toujours, livrent leur bataille dans la rue et non devant les tribunaux, en rappelant avec Marx que les juges ne sont pas des individus neutres et impartiaux qui appliquent une loi abstraite « égale pour tous ». Les juges et les tribunaux, disait Marx, font partie intégrante de la superstructure de l’Etat bourgeois. Leur rôle est de défendre les intérêts de la classe dominante et de perpétuer son pouvoir économique et social grâce à la défense de l’ordre constitué.

 

Encore moins la gauche européenne, qui se secoue pour nourrir le régime de Zelensky en mettant ses propres économies au diapason du complexe militaro-industriel, peut-elle présenter sous cet angle le puissant réarmement anti-russe et anti-chinois de l'Allemagne, béni par l'Union européenne et les grandes institutions internationales. D'autre part, après avoir considéré les nombreux dirigeants indésirables pour le grand patron nord-américain comme de « nouveaux Hitler », le révisionnisme européen considère Zelensky comme un champion de la démocratie et Vladimir Poutine comme le nouveau dictateur, comparable à l'Allemand d'antan.

 

Ainsi, alors que la Russie et la plupart des des anciennes républiques soviétiques célèbrent, cette année aussi, le Jour de la victoire, le 9 mai, Zelenski et les pays baltes membres de la Union Européenne (Estonie, Lettonie, Lituanie), depuis l’année dernière, ont qualifié le 8 mai de Jour de la Mémoire et de la Victoire sur le Nazisme pendant. la Seconde Guerre Mondiale 1939-1945 », sur la même ligne que les célébrations occidentales du V-E Day.

 

Le 9 mai, en Russie, en revanche, est resté un pilier de l’identité nationale. Une commémoration sans rituel, qui a eu un sens particulier en cette nouvelle année de guerre contre l’avancée des nouveaux fascismes à la solde de l’OTAN et de l’UE sur les frontières, dirigés par l’Ukraine au détriment de tant de partisans ukrainiens qui ont combattu dans les rangs de l’Armée Rouge.  Vladimir Poutine n’est pas Vladimir Lenine  et la Russie n’est pas l’Union Soviétique mais la portée du choc passé a résonné dans les paroles du président russe qui a qualifié « d’immense tragédie » la chute de l’URSS.

 

Pour les peuples du sud qui tentent de trouver un nouvel espoir en suivant la voie du socialisme du XXI ème siècle, celle du

Venezuela sous la poussée  indomptable de Cuba, le 9 mai continue à être le symbole du sauvetage nécessaire des classes populaires au n niveau international. Les jeunes le savent bien. Récemment, à la Maison des Amériques, une exposition très colorée de jeunes artistes en apportait la preuve. Faire vivre la résistance communiste contre le nazi-fascisme est un puissant antidote pour « ceux qui viendront après » comme disait la poésie de Bertolt Brecht.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/05/10/pensamiento-critico-el-dia-de-la-victoria-y-la-tirania-disfrazada-de-la-democracia-burguesa/

URL de cet article:

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/05/pensee-critique-le-jour-de-la-victoire-et-la-tyrannie-deguisee-de-la-democratie-bourgeoise.html