Venezuela: La négociation inévitable entre Maduro et Trump
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos
Une très bonne nouvelle pour le Venezuela: la petite Maikelys Espinoza Bernal, 2 ans a retrouvé sa famille.
Elle avait été séparée de ses parents en mars 2024 par les autorités des Etats-Unis et définitivement en mars dernier, quand son père, Maiker Espinoza, a été transféré dans la prison du CECOT au Salvador et sa mère, Yorelys Bernal, déportée au Venezuela sans sa fille.
La campagne pour le retour de Maikelys au Venezuela a porté ses fruits , ce qui prouve un fait irréfutable: il existe un canal de négociations direct entre le Gouvernement de Donald Trump et le Gouvernement du président Nicolás Maduro.
Un virage dû aux circonstances
La réouverte des canaux de dialogue entre les Etats-Un is et le Venezuela a été dirigée par l’envoyé spécial de Donald Trump, Richard Grenell, qui réalisé un virage important bien que dû aux circonstances, dans la politique étrangère des Etats-Unis envers Caracas.
Ce processus, qui s’est développé hors du cadre traditionnel de « pression maximale » traditionnellement mis en place par des individus comme Marco Rubio, actuel secrétaire d’Etat, a représenté une rupture, au moins partielle, avec les dynamiques de « changement de régime » et ouvre une fenêtre d’opportunités pour des accords pragmatiques profitant aux deux parties.
Dès sa première visite au Venezuela, le 31 janvier, Grenell s’est présenté comme un interlocuteur direct du Nicolás Maduro, sans liens avec les réseaux d’opposition et loin des discours maximalistes qui ont prédominé sous le gouvernement de Biden et le premier Gouvernement de Trump. Son rôle a représenté non seulement un changement de stratégie de Washington mais aussi un rejet explicite du monopole que les secteurs extrémistes du Parti Républicain avaient maintenu jusqu’à présent sur la politique envers le Venezuela.
Pendant cette réunion historique, le président Maduro a utilisé des symboles historiques comme le parcours entre les souvenirs de la geste indépendantiste - pour réaffirmer la souveraineté nationale et montrer le Venezuela comme un acteur autonome. Pour sa part, Grenell a souligné l’importance d’établir « une relation différente » basée sur des intérêts communs plus que sur des affrontements idéologiques.
Cette rencontre a été qualifiée par cette tribune « d’espèce de capoeira diplomatique » dans laquelle les deux acteurs ont exécuté des mouvements stratégiques sans chercher à résoudre immédiatement leurs différends.
Mais l’un des premiers fruits tangibles de cette réunion a été le rapatriement de 6 citoyens étasuniens détenus au Venezuela pour leur implication dans des actions de déstabilisation. Les Etats-Unis, pour leur part, ont fait pressions pour que certains individus vénézuéliens soient sanctionnés et un canal direct de dialogue a été ouvert pour les actions futures, comme le rapatriement de citoyens vénézuéliens directement depuis les États-Unis.
Un cas révélateur
Grenell a joué un rôle important dans la récupération de la petite Maikelys en facilitant le dialogue en coulisses: le remerciement personnel que lui a adressé le président Maduro le confirme.
Ce fait, petit en apparence mais important à cause de la gravité du cas, est le symbole d’un tournant important: Washington serait disposé à aborder des sujets sensibles pour les deux pays sans que les pratiques coercitives prédominent.
Cette affaire conforte l’idée que la bagarre entre les deux courants concernant la politique étrangère des Etats-Unis envers le Venezuela se poursuit et qu’il existe une ouverture qui peut produire des résultats concrets et des relations fonctionnelles, au-dessus des déclarations vides ou des ordres du jour de déstabilisation.
Elle met également en évidence le fait que Marco Rubio, dont le point de vue maximaliste et obsessionnel pour organiser un « changement de régime » semble déphasé, joue un rôle moins important si on tient compte du fait que la Maison Blanche n’a pas encore pris de décision politique en ce qui concerne Caracas.
Mais la guerre contre les migrants vénézuéliens aux États-Unis, dont des centaines ont été ont été envoyés dans la prison du CECOT au Salvador en violant leurs droits fondamentaux en utilisant le prétexte -et en en abusant- de la fable du Train d’Aragua montre que la pratique de la coercition persiste avec Rubio à la tête de cette politique.
L’action de Grenell face au Venezuela pendant es premiers mois de 2025 a relégué au second plan des acteurs traditionnels comme Rubio en réfutant toute intention de « changement de régime » et en minimisant le rôle des dirigeants d’opposition comme María Corina Machado o Edmundo González Urrutia, qui ont érodé la crédibilité de ces groupes.
Mais l’actuel secrétaire d’Etat et les législateurs de la Floride qui en sont proches continuent à vouloir influencer l’ordre du jour de l’hémisphère. Leur capacité à bloquer les avancées s’est vue réduite par moments, quand Washington adopte un point de vue pragmatique et opte pour la négociation. Mais le chef de la diplomatie des Etats-Unis persiste.
Autres sujets de négociation
La perspective du renouvellement des licences aux entreprises étasuniennes et européennes qui ont opéré au Venezuela sous le régime des sanctions. imposées par le Bureau de Contrôle des Actifs Etrangers (OFAC) constitue un point essentiel de cette dynamique.
Le cas de Chevron à laquelle on a permis, fin 2023, de conserver un certain niveau d’opérations, est particulièrement important. Si l’affaire Maikelys donne des signes qu’on peut arriver à des accords, l’entreprise étasunienne pourrait espérer que Washington montre plus de souplesse dans le secteur de l’énergie, en particulier si on considère que les entreprises étasuniennes et européennes ont intérêt à continuer à produire au Venezuela et à ce que le flux de brut vers les raffineries du Texas et du Nouveau Mexique, aux Etats-Iris, se maintienne.
En outre, il pourrait être envisagé d’accorder une nouvelle licence à Trinité-et-Tobago pour exploiter des gisements de gaz partagés au large des côtes avec PDVSA, initiative à laquelle participe également le britannique BP, pour la partie de
Trinidad.
L’existence d’un canal direct entre Trump et Maduro offre une base réaliste pour construire des accords progressifs. Cet espace de négociation, géré discrètement, pourrait même s’étendre à la coopération humanitaire et aux rapatriements de manière légale, et non comme cela a été le cas pour les migrants transférés au Salvador.
Est-il possible qu’ainsi se consolide une diplomatie bilatérale moins dépend dante des ordres du jour des partis et plus centrée sur des résultats concrets?
Un chemin inévitable
Les résultats de l’affaire Maikelys montrent que le canal direct de négociations ouvert entre Washington et Caracas est capable de privilégier le pragmatisme, la dialogue direct et la recherche de points communs qui puissent résoudre les conflits accumulés, symptômes d’une dynamique qui, même si elle se poursuit d’une façon prudente et limitée, peut se transformer en un processus de détente plus large.
L’expérience de ces dernières années a démontré que. le modèle de « pression maximale » n’a pas atteint ses objectifs déclarés mais a causé des dégâts collatéraux importants dans la population vénézuélienne et porté atteinte aux intérêts géopolitiques et économiques des Etats-Unis.
C’est pourquoi le dialogue bilatéral est une option viable et une nécessité opérationnelle pour résoudre des problèmes cruciaux, loin du maximalisme de Marco Rubio et de ses associés extrémistes.
Ce qui rend le dialogue permanent entre les deux Gouvernements inévitable, c’est que malgré les différends idéologiques et politiques, il existe des intérêts communs qui exigent un niveau de coopération approprié.
En premier lieu, la stabilité énergétique est un intérêt commun: les Etats-Unis ne peuvent ignorer l’importance stratégique du Venezuela en tant que producteur de pétrole, en particulier à un moment de volatilité mondiale des prix et des chaînes d’approvisionnement dans le domaine du pétrole.
D’autre part, il existe des questions humanitaires et des consensus de base comme les rapatriements, es échanges de prisonniers. ou les accords migratoires, qui ont besoin de canaux de communication fluides et efficaces.
Même si le chemin reste plein d’obstacles et de résistances intérieures à Washington, la poursuite des négociations s’annonce comme une tendance éventuellement irréversible soutenue par le réalisme politique et les nécessités pratiques.
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