Cuba: La diplomatie de l’hostilité
L’ambassade des Etats-Unis renforce son offensive
par Gabriel Vera Lopes
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos
Depuis que Donald Trump est président des Etats-Unis, les relations diplomatiques entre Washington et La Havane sont à nouveau très tendues, délicates et complexes. Comme on pouvait s’y attendre, avec le retour du magnat, l’hostilité envers Cuba s’est renforcée à la Maison Blanche.
Ces dernières semaines, les tensions se sont intensifiées à cause des actions polémiques du chef de mission de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba, Michael A. Hammer, qui a commencé une tournée de réunions avec différents secteurs de l’opposition politique dans toute l’île.
Début mai, Hammer a diffusé une courte vidéo dans laquelle il annonçait qu’il parcourait l’île pour écouter « tous ceux qui voudraient partager ses perspectives et ses idées. » Ce message a été publié sur les réseaux sociaux officiels de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba.
Depuis, le chef de mission a réalisé plusieurs rencontres avec figures de l’opposition qui ont été relayées sur ses réseaux sociaux. La Havane a qualifié ces actions de provocations et d’ingérences dans les affaires intérieures du pays.
Selon les analystes consultés par Brasil de Fato, la représentation diplomatique étasunienne cherche à provoquer une crise grâce à des actions délibérément interventionnistes largement diffusées sur les réseaux sociaux.
L’un des points centraux du débat sur l’action de l’ambassade est l’article 41 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques qui stipule que « le personnel diplomatique ne doit pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’état qui le reçoit. »
Alors que La Havane signale que Hammer outrepasse les limites de la diplomatie traditionnelle pour entrer sur le terrain de l’ingérence politique, les autorités étasuniennes affirment que ces réunions sont seulement une façon de « connaître le pays » et « d’écouter les citoyens cubains. »
Vendredi 30, le ministère des relations extérieures de Cuba a diffusé un communiqué dans lequel il informe qu’il a à nouveau convoqué le chargé d’affaires des Etats-Unis « pour protester contre sa conduite irrespectueuse. »
Selon ce communiqué, l’ambassade des Etats-Unis inciterait des citoyens cubains à commettre de graves délits, à porter atteinte à l’ordre constitutionnel, à agir contre les autorités et à exprimer son soutien aux intérêts et aux objectifs d’une puissance étrangère hostile, ce qui représente une conduite provocatrice et irresponsable de la part du diplomate. »
Il prévient également que l’immunité diplomatique dont jouit Hammer « ne peut être utilisée comme couverture pour des actes contre la souveraineté et l’ordre intérieur du pays devant lequel il est accrédité. »
Nous allons à nouveau adopter une politique dure contre le régime cubain.
Samedi 24 avril, dans le cadre d’une tournée aux Etats-Unis, Michael Hammer a donné une conférence de presse à Miami devant des médias. liés à l’opposition cubaine. Pendant celle-ci, il a abordé la politique actuelle du Gouvernement Trump envers Cuba et les récentes activités de l’ambassade des Etats-Unis sur l’île.
« Je commencerais par dire - et je pense que vous le savez déjà mais qu’il vaut la peine de le répéter - que la politique actuelle du Gouvernement Trump dirigée par le secrétaire d’Etat Marco Rubio est très claire. Le secrétaire Rubio lui-même l’a dit le 4 février: « Nous adopterons une fois de plus une politique dure contre le régime cubain. »
Ces paroles coïncident avec une escalade des mesures restrictives mises en place par le président Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2024. Parmi celles ci se trouve la réincorporation de Cuba dans la liste des Etats qui soutiennent le terrorisme et dans celle des nations qui ne coopèrent pas pleinement aux efforts internationaux destinés à combattre le terrorisme. Des décisions qui ont un impact sur le commerce et les investissements étrangers à Cuba.
Hammer a aussi signalé que le Gouvernement des Etats-Unis est en train de durcir les lois sur la migration qui empêchent d’accorder des visas à des membres du Parti Communiste de Cuba et à ceux qui ont occupé des charges importantes ces dernières années.
En ce qui concerne les activités de l’ambassade des Etats-Unis à Cuba, Hammer a affirmé que les réunions se poursuivraient: « Il est important, une fois de plus, d’établir le contact avec le peuple cubain pour mettre en évidence le fait que le Gouvernement Trump et notre secrétaire d’Etat Marco Rubio sont conscients de leur situation, préoccupés par celle-ci et qu’ils souhaitent voir des changements. »
La conférence de presse a été diffusée par Radio et TV Martí, des médias qui se disent « indépendants » mais qui sont financés par le Gouvernement des Etats-Unis pour promouvoir la « démocratie » et la « liberté de l’information » sur l’île.
Ces médias sont financés par le Bureau des Transmissions pour Cuba (OCB), un organisme qui supervise leurs émissions. En mars 2024, ils ont reçu 25 000 000 de $ de fonds publics pour soutenir leurs opérations.
Début janvier de cette année, sur son compte X, l’ambassade des Etats-Unis a fait savoir que Hammer avait « visité Radio et Télévision Martí pendant son séjour à Miami pour « connaître de plus près le travail qu’elles réalisent en informant sur ce qui se passe à Cuba. »
Pour sa part, le vice-ministre des relations extérieures de Cuba pour les affaires concernant les Etats-Unis, Johana Tablada, a répondu publiquement sur les réseaux sociaux en dénonçant le fait que la conférence de presse de Hammer n’était pas un événement « neutre » mais « une opération politique soigneusement planifiée. »
Elle signalait que son objectif était de légitimer l’ingérence diplomatique en tant que « solidarité », de couvrir les sanctions imposées par les Etats-Unis, d’exonérer le pays de toute responsabilité pour le blocus économique et de faire passer des figures contre-révolutionnaires financées par Washington pour des porte-parole légitimes du peuple cubain.
Des « attaques acoustiques » à l’offensive diplomatique.
Les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba ont été rompues en 1961, quand Washington a rompu officiellement ses liens avec l’île. Plus de 50 ans plus tard, un processus de rapprochement a débuté.
En 2015, sous le Gouvernement de Barack Obama et celui de Raúl Castro, une initiative de dialogue connue sous le nom de « dégel » a débuté et elle s’est achevée avec la normalisation des relations diplomatiques et la réouverture des ambassades dans les deux capitales.
Bien que l’embargo économique ait été maintenu -puisque sa révocation dépend de l’approbation du congrès des Etats-Unis- la réouverture de l’ambassade des Etats-Unis à La Havane a été une étape importante dans la « normalisation des relations » qui avait pour objectif de faciliter le dialogue sur les questions migratoires et économiques.
Mais ce processus n’a pas duré longtemps. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence en 2017, la politique des Etats-Unis envers Cuba a pris à n nouveau un ton clairement hostile. Le Gouvernement républicain a mis en place ce qu’il a appelé « une stratégie de pression maximale,» est revenu sur toutes les mesures de rapprochement prises par le Gouvernement Obama et a imposé de nouvelles sévères sanctions économiques.
Dans ce contexte, en septembre de 2017, les Etats-Unis ont décidé de retirer tout leur personnel non essentiel de leur ambassade à Cuba. Le département d’Etat justifiait cette mesure en disant que depuis plusieurs mois, ses employés souffraient d’une série de symptômes inexplicables comme des nausées, des vertiges, de. la confusion mentale et d’une perte partielle de l’audition. Sans apporter de preuves concrètes, il attribuait ces symptômes à de soi-disant « attaques acoustiques. »
La presse internationale n’a pas tardé à se faire l’écho des accusations du département d’Etat en baptisant ce phénomène « syndrome de La Havane. » A ce moment-là, l’agence Associated Press (AP) avait diffusé un enregistrement audio réalisé par des diplomates comme preuve des soi-disant « attaques acoustiques. » Le « son étrange » fut décrit par les diplomates comme un bruit qu’on entendait la nuit.
Etant donné la gravité des accusations, cet enregistrement a été soumis à une enquête scientifique réalisée par les universités de Berkeley (Etats-Unis) et de Lincoln (Royaume Uni). Les résultats, publiés en 2019, révélèrent que le « son étrange » n’était rien de plus que le chant d’un grillon commun.
Malgré le côté insolite de cette affaire, les accusations avaient déjà eu des conséquences concrètes: le Gouvernement Trump a utilisé ces soi-disant « attaques » comme justification pour réduire de façon drastique le personnel de l’ambassade et suspendre une grande partie des services consulaires offerts aux citoyens cubains.
Malgré ses promesses électorales, sous le gouvernement du démocrate Joe Biden, la plupart des sanctions imposées par son prédécesseur ont été maintenues. Cuba est restée sur la « liste des Etats qui soutiennent le terrorisme » élaborée unilatéralement par le département d’Etat des Etats-Unis malgré les appels répétés de la communauté internationale à son retrait -même l’Assemblée générale de l’ONU une semaine à peine avant la fin du gouvernement démocrate.
Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier dernier, la politique de « pression maximale » est redevenue une priorité à Washington.
source en espagnol:
https://www.telesurtv.net/opinion/embajada-eeuu-cuba-diplomacia-hostil/
URL de cet article:
https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/06/cuba-la-diplomatie-de-l-hostilite.html