Cuba: Le contexte des problèmes d’ETECSA
Par Enrique Ubieta Gómez
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos
Chaque problème a un contexte et il est difficile de le comprendre correctement et de lui trouver des solutions efficaces sans prendre celui-ci en compte. Je n’écris pas pour plaire à qui que ce soit plus qu’à moi-même, à mon engagement envers la Révolution. Je pars de 2 présupposés:
- Des erreurs ont été commises dans l’application des mesures adoptées par ETECSA, ce que l’entreprise elle-même reconnaît et corrige dans un dialogue avec les étudiants et le peuple en général.
- Le dialogue public aurait dû avoir précédé leur mise en place. Le podcast de Díaz Canel à ce sujet a dissipé presque tous les doutes. Mais je voudrais entrer dans le débat à partir d’autres perspectives:
- Les bénéfices des grandes entreprises d’Etat, 3 ou 4, pas plus, parmi lesquelles se trouve ETECSA, fournissent à l’état les ressources minimales pour soutenir l’achat, malgré tout insuffisant, de pétrole, de lait, de blé, de médicaments, etc… ETECSA est endettée parce que seulement une partie de ses revenus peut être employé pour subvenir à ses besoins. L’argent qu’elle gagne appartient au pays et nous le consommons tous. Qui a dépensé l’argent de cette entreprise? Les citoyens du pays. Nous l’avons consommé pendant les rares heures pendant lesquelles il y a de l’électricité, dans les rares aliments subventionnés, dans le transport public précaire et dans les investissements destinés à attirer plus de devises dans ce même but.
- Mais l’entreprise doit investir dans sa croissance, dans la technologie, dans ses infrastructures. Pendant des années, le prix de presque tous les produits et de presque tous les services vitaux a augmenté sans distinction, à part de ceux qu’ETECSA offre à la population. Ceux-ci, au contraire, ont baissé, conformément à l’intérêt politique de généraliser l’utilisation des nouvelles technologies. L’interruption de ce mécanisme de subvention (acheter un produit à un prix inférieur à son prix de revient) a un impact psychologique énorme parce que pendant la pandémie et pendant les pannes d’électricité, nous nous sommes réfugiés dans les connexions, et grâce à elles, nous avons parlé avec notre famille à l’étranger ou avec nos amis dans le pays, nous avons coller té des informations pour le travail ou les études, etc… Supposons que les prix n’augmentent pas maintenant. Comment payer les dettes contractées? Comment satisfaire la demande croissante? Si on ne prend pas de mesures d’urgence, en quelques mois, le service d’internet pourrait être interrompu à Cuba.
- Peu de gens font attention aux conséquences du blocus financier de l’Etat cubain: si les envois d’argent pour l’achat de données évitent les mécanismes officiels établis, ETECSA ne disposera pas des ressources dont elle a besoin pour baisser ses prix mais il y a pire: l’Etat aura moins d’argent pour importer du pétrole et des biens de première nécessité. La campagne contre-révolutionnaire incitant à ne pas donner d’argent à l’Etat signifie, dans la pratique, ne pas donner d’argent au peuple, signifie plus de pannes d’électricité, entre autres choses. C’est ce que veulent ceux dont le but est de renverser la Révolution.
- La population supporte, dans sa dure vie quotidienne, les effets du blocus de la crise économique et du manque de financement que cela génère: de longues pannes d’électricité, des prix des produits de base inabordables pour une grande partie de la population. Le pays a ouvert son économie au secteur privé et coopératif. C’était une mesure risquée mais nécessaire qui n’impliquait pas de renoncer au socialisme mais d’incorporer et de subordonner ce nouveau secteur au projet collectif. La société à plusieurs niveaux qui a montré son affreux visage pendant ce qu’on appelle la période spéciale se renforce mais avec de notables différences au niveau du pouvoir d’achat. La contre-révolution dit que le socialisme est un échec mais c’est la lente mobilité des entreprises d’Etat, les mains liées par le blocus et par des cloisonnements bureaucratiques internes et les îlots de capitalisme qui ne parviennent pas à s’enchaîner réellement aux aspirations collectives, qui le font échouer. Les gens ne portent pas plainte contre les nouveaux entrepreneurs qui augmentent, sans justification économique, le prix des aliments indispensables ou violent le prix établi pour la course du taxi, qui optimisent leurs bénéfices au détriment du peuple parce qu’on suppose qu’un entrepreneur privé doit agir ainsi. S’il s’agit de porter plainte, c’est contre l’Etat qui les a créés (une mesure prise avec le soutien du peuple, à ce moment-là) et qui dont les contrôler qu’ils le font. Et ils portent plainte également contre une entreprise d’Etat -asphyxiée par la concurrence déloyale et le blocus financier- quand elle augmente ses prix.
- Mais si la contre-révolution exige que le Gouvernement avance vers le capitalisme, que ses politiques répondent exclusivement à des critères techniques, un segment de l’intelligentsia révolutionnaire pose une thèse démobilisatrice : nous sommes déjà dans le capitalisme, et le Gouvernement progresse dans sa mise en œuvre. Ce sont des thèses complémentaires même si leurs exposants que l’ennemi utilise avec habileté, se trouvent aux antipodes: a) le socialisme "comme système défaillant", b) le socialisme "trahi". Toutes deux favorisent la méfiance du peuple à l’égard de ses dirigeants. Si le peuple ne croit pas en ses dirigeants et se méfie de chacune de leurs décisions, le dialogue s’interrompt et la Révolution est facilement mise en danger. Bien que ce soit un sujet plus complexe, pour un autre moment, il est indispensable qu’un système de contrôle populaire efficace fonctionne dans une société socialiste. Les dirigeants révolutionnaires (nous ne devons pas les appeler politiques, parce que c’est un mot usé qui traîne toute la saleté du capitalisme), doivent être aujourd’hui plus que jamais des exemples d’éthique, eux et leurs familles : c’est le seul capital dont ils disposent.
6. Mais la Révolution ne renonce pas au socialisme parce que c'est le seul système qui peut préserver la souveraineté nationale et la justice, le seul scénario à partir duquel il est possible de résoudre nos problèmes actuels et de renverser la situation. Je crois en Díaz-Canel, je crois en mon parti, je connais beaucoup de ses dirigeants et de ses fonctionnaires à tous les niveaux pleins d’abnégation, même s’il a perdu son dynamisme initial au fil des ans et ne sait parfois pas gérer la spontanéité d’une jeunesse qui souhaite mener sa propre guerre. Croire est un acte deux foi indispensable, une condition incontournable pour un mini temps communiste. Si tu ne crois pas, automatiquement, tu te places hors du jeu, pour utiliser une image du football, tu es un observateur extérieur. Il ne s'agit pas, de loin, de dire que nous sommes communiste, il faut se battre chaque jour, pour soutenir le tournant, le sens, la direction discursive de mesure qui paraît le même nous amènerait autre part. La tension historique entre l'économie et la politique dans un processus révolutionnaire, au milieu d'un blocus durci, au milieu de grandes pénuries, ne peut ignorer aucune des deux variables. Le meilleur dirigeant n'est pas toujours celui qui a gravi les échelons grâce aux structures traditionnelles, il est important qu'il n'est pas appris à obéir tout à fait et qu'il croie en le socialisme, c'est-à-dire dans le peuple, parce que c'est une partie de lui. Ce révolutionnaire qui est prêt à risquer son poste, puisque maintenant, nous ne jouons pas notre vie (mais peut-être demain, oui). Celui qui admet et promeut le débat, pour lequel il faut bien sûr beaucoup étudier et lire, et savoir écouter.
- L’idéologie révolutionnaire, après la chute de ce qu’on appelle le socialisme réel, a des dettes à solder. Mais ce n’est pas un problème exclusivement théorique: les révolutions ne se font pas sur le papier, la théorie et la pratiqua avancent presque à l’unisson. Et beaucoup de révolutionnaires ont l’idée qu’il n’est pas possible, pour le moment, de vaincre le capitalisme. C’est déjà une défaite parce que sans la conviction absolue, presque mystique, que nous vaincrons, comme le slogan qu’arborait Fidel -après Alegría del Pío, face à une invasion mercenaire soutenue par les Etats-Unis, au milieu de la crise des missiles, face à l’échec de la récolte de 10 000 000 de tonnes de canne à sucre ou à la chute abrupte du camp socialiste- nous n’obtiendrons jamais la victoire. Des eaux d’autres. moulins ont contaminé la pensée révolutionnaire: le progressisme, un certain libéralisme de gauche, une modération qui atténue les couleurs du drapeau et mélange des slogans radicalement révolutionnaires à d’autres pris dans le manuel de la démocratie (bourgeoise) déjà décadente et obsolète. La contre-révolution, à Cuba et partout, emploie ce langage confus, encourage la subversion à partie de la gauche de la droite. La consigne de revenir à Lenine au début de la pérestroïka a eu une conséquence inattendue: le renversement des statues de Lenine.
- Je crois dans les jeunes. Il y a en eux un élan, un besoin de participation réelle, non formelle, une rébellion qui a transformé certains et peut transformer d’autres en véritables révolutionnaires. Personne n’est révolutionnaire s’il n’a pas été avant rebelle. Ainsi s’appelait l’armée qui est descendue en 59 de la Sierra Maestra. Du conformisme, de la correction, ne naissent pas de révolutionnaires. Angoissés par ceux qui partent, par ceux qui ne croient pas qu’ils peuvent et doivent aspirer à sauver l’humanité personne n’y parvient du tout, mais chaque génération pousse un peu. La mobilisation instantanée des jeunes universitaires face à une mesure qu’ils considéraient comme injuste est un souffle d’air frais, une démonstration de vie, un avertissement que la Révolution n’est pas morte. Ils n’auront pas de raison parce qu’ils sont jeunes; avoir raison n’est pas une question d’âge. Ils peuvent avoir ou non raison, c’est ce dont il faut discuter. Mais ils ont le droit d’être entendus, de participer aux décisions qui les concernent.
- L’élan des jeunes tend à être grégaire: le chic initial provoque une vague sur laquelle surfent des intérêts divers. Il y a des professeurs et des élèves isolés avec un ordre du jour subversif, il y a ceux qui encouragent de l’étranger la rébellion rêvée contre le Gouvernement révolutionnaire. La FEU a acquis de l’autorité et dirige le dialogue, le dialogue avec le peuple. La prise de décisions conjointe, c’est l’essence de la Révolution. La contre-révolution veut attacher les mains de la rébellion, empêcher sa croissance en tant qu’authentique expression révolutionnaire. Je sais que le Gouvernement tiendra compte des réclamations et je sais que, d’une certaine manière, il faut sauver ETECSA si ,nous voulons non pas payer moins cher maintenant pour ses services d’internet mais que ce service, indispensable dans le monde d’aujourd’hui, existe dans le pays. Ils ne pourront pas faire de la FEU le syndicat Solidarité. son histoire révolutionnaire et l’histoire de la Révolution l’empêchent. cuba, c’est autre chose.
Source en espagnol:
https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/06/08/cuba-los-contextos-de-etecsa/
URL de cet article:
https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/06/cuba-le-contexte-des-problemes-d-etecsa.html