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Pérou: Ainsi fonctionne le droit pénal de l’ennemi

22 Juin 2025, 17:02pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Geraldina Colotti

 

Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine-Bolivar Infos

 

Entretien avec l'avocat péruvien Miguel Sánchez Calderón

 

Au cours d'une de ses tournées en Europe pour faire connaître la situation des prisonniers politiques au Pérou, nous nous sommes entretenus avec l'avocat Miguel Sánchez Calderón, membre de l'Institut de recherche juridique Ratio Iuris et défenseur d'Elena Yparraguirre Revoredo, figure historique de l'organisation de guérilla Sentier Lumineux. Elena, 77 ans, a été capturée à Lima le 12 septembre 1992, avec le fondateur du groupe de guérilla, Abimael Guzmán, mort dans une prison de haute sécurité, le 11 septembre 2021.

 

Quelle est a situation au Pérou?

 

L'État péruvien est en décomposition, c'est devenu un état policier qui gouvernent sur la base de la peur, de la menace du passage à tabac et de la prison. Et dans une crise généralisée sur tous les plans, une crise politique qui s'aggrave et qui a été provoquée en 2016 par Keiko Fujimori qui n'a pas reconnu la victoire de son adversaire Pedro Pablo Kuckzynsky aux élections présidentielles et ne s'est pas arrêtée avant de l'avoir chassé. À partir de là, il y a eu 6 présidents en 5 ans. Aujourd'hui, Dina Boluarte gouverne à la suite d'un coup d'État contre Pedro Castillo, exécuté  avec la complicité du Congrès dirigé par une coalition de partis d'extrême droite et corrompus. Pour écraser l'opposition à leur coup d'État, ils ont assassiné, jusqu'à présent en toute impunité, plus de 50 citoyens et ont fait un millier de blessés par balle de fusil de guerre, ceux qui défendaient le vote pour Pedro Castillo et contre sa destitution en brandissant l'Assemblée constituante pour une nouvelle Constitution qui ont été accusés par la DIRCOTE d’être des terroristes dirigés par le Sentier lumineux ou par le Mouvement pour l'amnistie et  les Droits fondamentaux (MOVADEF) voulaient prendre la ville de Lima. Tout cela, dans la deuxième étape de la persécution politique qui a signifié la criminalisation de la lutte populaire en l'accusant de terrorisme.

 

Comment se déroule l’affaire Perseo?

 

La condamnation, dans ce procès oral, de 35 des 43 accusés a marqué un avant et un après : entrer dans la troisième étape de la persécution, politique au Pérou, suite à l'application d'un droit pénal de l'ennemi depuis 1980 dans lequel l'État péruvienne est passé à la persécution des idées puisqu'il a condamné les accusés et proscrit le MOVADEF sans qu’ils aient commis aucun acte de violence. Ils les ont qualifiés de « terroristes » juste pour avoir tenté de s'inscrire devant le jury national des élections en remplissant toutes les conditions. Mais le jury a refusé leur inscription d'abord en 2011, puis en 2016, avec celle de trois autres partis dans le FUDEPP et avec environ 1 000 000 1/2 de signatures de soutien : surtout pour avoir insisté sur le fait que leur guide idéologique était le marxisme–léninisme–maoïsme, la pensée Gonzalo et ses drapeaux sont quelques-uns de ceux envisagés par Abimael Guzmán Reinoso après sa lutte pour un accord de paix qui n’a pas été signé. Par exemple : une solution politique aux problèmes découlant de la guerre, une amnistie générale, une réconciliation nationale et une Assemblée constituante pour une nouvelle Constitution avec le peuple et pour le peuple, parmi les 8 autres propositions  présentées au JNE. Ils ont imposé des condamnations à mort déguisée, comme celle de mon protégé, le docteur Gamero Quispe condamné à 16 ans et 3 mois de prison et actuellement emprisonné dans la prisons de haute sécurité de Ancón I, à 79 ans, atteint de la maladie d’Alzheimer au second stade, de la maladie de Parkinson, d’incontinence urinaire, d’insomnies et probablement de démence sénile, comme celle de ma protégée Victoria Trujillo Agurto qui, à 67 ans, après avoir obtenu sa libération après 30 ans d’in carburation dans les pires conditions de l’histoire du Pérou, vient d’être condamnée à 35 ans de prison. Une peine de mort déguisée et une condamnation à perpétuité déguisée parce que personne ne survit à cette durée d’emprisonnement avec la condition aggravante que, étant donné qu’elle a été condamnée, avant et maintenant, en tant que membre du Comité Central du Parti Communiste du Pérou, le Sentier Lumineux, on va lui appliquer la loi sur la séquestration, l’incinération et la disparition des restes comme on l’a appliquée au Dr. Abimael Guzmán Reinoso après qu’il ait été assassiné dans la prison militaire de la base navale de Callao. Son cadavre a été séquestré pendant 10 jours pour attendre que cette loi soit approuvée par le Congrès et elle lui a été appliquée rétrospectivement de façon vicieuse, interdite par la loi ainsi que par le Droit International. On. a aussi appliqué cette loi, récemment, à Miguel Rincón Rincón, un dirigeant du Mouvement Révolutionnaire Túpac Amaru -Mrta- mort par négligence médicale également sur la base navale de Callao.

 

Quelle était la situation des prisonniers politiques d'hier et quelle est celle des prisonniers politiques d’aujourd’hui?

 

Les prisonniers politiques d’hier sont les membres du Parti Communiste du Pérou, des hommes et des femmes parmi lesquels se trouvent Elena Yparraguirre Revoredo, Margot Liendo Gil qui a purgé réellement 37 ans de prison María Pantoja Sánchez, Laura Zambrano Padilla, Osmán Morote Barrionuevo, qui ont également purgé réellement 37 ans de prison, Edmundo Cox Beuzeville et Florindo Flores Hala, d’anciens membres du Comité Central du Parti: tous ont été condamnés à perpétuité et on leur a refusé à Margot et à Osmán comme à d’autres (environ 50) condamnés également à perpétuité,  la révision de leur peine qu’ils pouvaient obtenir, selon la loi, après avoir purgé 35 ans de leur peine. Certains ont un cancer comme Margot et Edmundo, la maladie d’Alzheimer comme Osmán. De plus, le prisonnier politique du MRTA Victor Polay Campos, leur chef suprême, est détenu dans la prison militaire de la base navale de Callao. Parmi les prisonniers politiques d’aujourd’hui, il y a ceux qui ont été condamnés dans l’affaire Perseo contre le MOVADEF en plus de ceux qui ont été condamnés pour apologie du terrorisme pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux l’image d’ Abimael Guzmán le poing levé avec des commentaires élogieux dont le nombre, selon moi, peut être d’environ 20 sans compter ceux qui ont été condamnés à 5 ans avec sursis sous conditions dont j’estime le nombre à plus de 100 pour ce même délit présumé, en plus de Pedro Castillo et de Betsy Chávez, son premier ministre et des personnes arrêtées lors des protestations contre la destitution de Pedro Castillo. Je pense qu’ils sont également une cinquantaine. Nous exigeons la libération de tous ceux-là.

 

Quel est le niveau de soutien à propos de cette affaire?

 

Le soutien augmente très rapidement à cause du “terruqueo” généralisé que l'extrême droite a déchaîné au Gouvernement, au parlement et dans la police politique - la DIRCOTE- Surtout à partir de la sentence concernant l’affaire Perseo  contre le MOVADEF et de la chasse aux sorcières qu’ils ont déchaînée dans l’administration de l’Etat en destituant tous ceux qui qui avaient un discours différent du discours officiel qui dit que tout est terrorisme , à l’exception de ceux qui n’acceptent pas de se laisser corrompre. Beaucoup de ceux qui sont touchés par cette campagne ont changé d’attitude parce qu’ils avaient également participé à la campagne de discrédit du MOVADEF et maintenant, avec l’extension du droit pénal de l’ennemi qui les a également qualifié de terroristes ou de pro-terroristes de la même façon, ils en sont venus ouvertement soit à rejeter la sentence de l’affaire Perseo  contre le MOVADEF en tant que persécution pour des idées soit à soutenir Walter Humala Lema, un chanteur condamné là, comme l’ancienne présidente du tribunal constitutionnel Marianella Ledesma et à dénoncer publiquement le fait que l’indépendance de la justice n’existe pas au Pérou comme le président de l’association des magistrats du Pérou, Dr. Oswaldo Ordóñez Alcántara qui est allé présenter précisément cette plainte devant la CIDH concernant la sape de l’Etat de Droit au Pérou.

 

Le peuple péruvien est à nouveau sur le pied de guerre. Il y a eu de nombreuses manifestations dénonçant le fait qu'il n'y a plus de démocratie au Pérou et même, lors des trois grèves des transporteurs qui ont eu lieu en 2024 et lors de la troisième, pendant laquelle Lima et une partie du reste du pays  ont été totalement paralysées pour exiger la sécurité des citoyens contre la délinquance commune, lors de la troisième de ces grèves, ces dirigeants sont entré au parlement et ont rejeté expressément l'approbation d'une nouvelle loi intituler, loi contre le terrorisme urbain que l'extrême droite péruvienne, cherche à faire approuver en dénonçant le fait que l'extrême droite, avec cette loi, cherche à persécuter et à abattre, tout ce qui protestent contre le néolibéralisme, l'exploitation et la corruption au Pérou. Ce soutien avait débuté dès 2014, quand l'opération Perseo a eu lieu et a arrêté les principaux dirigeants et activistes du MOVADEF grâce à un grand déploiement policier et militaire. Peu de voix se sont élevées contre alors mais l'une d'entre elles fut celle de DEELE, une ONG de conseil juridique et une agence d'information et d'analyse politique dirigée par Gustavo Gorriti qui s'est prononcée contre l’opération Perseo et le procès qui a été réalisé à partir des accusations de la DIRCOTE le qualifiant de persécution et de jugement pour des idées, en plus de rejeter l'ingérence dans l'indépendance des juges pour le démantèlement de la cour judiciaire que présidait le juge des garanties Valladolid Zeta en représailles pour avoir ordonné la libération des personnes arrêtées après avoir affirmé qu'il n'avait trouvé aucun délit dans les indices que la police et le procureur lui avaient montrés. Mais ce soutien s'est arrêté à cause de la furieuse attaque de l'extrême droite contre eux. Après plusieurs années ont suivi les déclarations de 12 personnalités liées à IDEELE dans le même sens, parmi lesquelles se trouvaient le Dr. Gloria Cano, l’ancien procureur anti-corruption Julio Arbizú et d’autres juristes et intellectuels de renom. Maintenant, ça en est arrivé à un niveau où même le journaliste reconnu dans leurs articles, qu'il s'était trompé en permettant le discrédit et la violation des droits constitutionnel de ce corps qualifie de « terroristes » ou du MOVADEF  l’éditorialiste du journal La República qui, le 11 février 2025, intitulé son article. « ils vont nous éteindre les lumières » et commencer sa dénonciation en citant Bertold Brecht: « Ils ne viennent pas pour d'autres, ils viennent pour toi. Bientôt, il sera trop tard. »

 

Pedro Castillo est toujours en prison. Les gens se rendent-ils compte que l'acharnement juridique n'est pas d'aujourd'hui ?

 

Dans la tournée que j'ai réalisé dans un pays d'Amérique et dans divers pays d'Europe, en tant qu'auteur du livre « 50 ans de droit pénal de l'ennemi. Jusqu'à quand ? », et lors de laquelle  ils ont fait descendre de l’avion mon co-auteur, le Dr. Alex Puente Cárdenas et l'ont empêché de voyager avec moi, j'ai expliqué patiemment que la persécution contre Pedro Castillo fait partie de la seconde étape de la persécution politique au Pérou. Une persécution politique qui a débuté lors d'une première étape contre la guerre, dirigée par le parti communiste du Pérou en la qualifiant de terrorisme, suite à l'application du droit pénal, de l'ennemi que les puissances mondiales réunis dans les 70 en Europe ont décidé, sous la direction de l'impérialisme nord-américain, de qualifier de « terrorisme », toutes les luttes de libération national et sociale pour leur ôter l’aura morale qu'avaient acquise les communistes, les guérilleros et les subversifs après la défaite yankee au Vietnam (on peut trouver cela dans la revue nord-américaine Military Review des années 80) et ils ont fait pression pour que les codes PENN du monde entier soient ajusté à cette dénomination. Nous avons insisté sur le fait qu'il ne suffit pas de parler d'acharnement juridique, judicialisation de la politique ou de second plan Condor, mais que c’est le droit pénal de l’ennemi d’origine nazie comme un droit étranger au démolibéral qui s’impose dans le monde pour nier les propres drapeaux démolibéraux d’égalité, de liberté et de fraternité.

 

Source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/06/20/peru-asi-funciona-el-derecho-penal-del-enemigo-entrevista-al-abogado-peruano-miguel-sanchez-calderon/

URL de cet article:

https://bolivarinfos.over-blog.com/2025/06/perou-ainsi-fonctionne-le-droit-penal-de-l-ennemi.html