Bolivie: Ce que Emir Sader oublie de dire quand il compte les voix-
Par José Schulman
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Emir Sader, ancien secrétaire du CLACSO, « intellectuel organique », expérimenté du gouvernement du Brésil, et peut-être le représentant le plus classique du progressisme de pacotille qui a heurté le manège du cycle de gouvernements qu'il y a eu au début de ce siècle, et dont ne restent debout que le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, consacre presque tout son temps à discréditer la gauche révolutionnaire du continent. C'est seulement ainsi qu'on peut interpréter sa triste analyse des élections de Bolivie, que Pagina12 intitule : « Triste défaite de la gauche en Bolivie. »
Emir Sader regarde les élections, compte les voix, mais occulte beaucoup d'autres choses.
Il dit que la gauche a obtenu peu de voix et que le MAS IP aura la plus faible, représentation parlementaire de son histoire, mais il ne te dit pas que le dirigeant historique de la révolution du bien vivre a subi un coup d'état en 2019, que c'est la solidarité du Gouvernement du Mexique (Lopez Obrador) et l'action décidé du président élu d'Argentine, Alberto Fernandez (« Alberto m'a sauvé la vie », et vos morales, à son arrivée au Mexique) qui lui ont sauvé la vie, que la dictature d’ Añez a contraint les deux membres du pouvoir exécutif (aussi Garcia Linera) à s’exiler en Argentine, qu'il y a eu des massacres et des prisonniers politiques et que c'est Evo qui a dirigé avec succès la stratégie de résistance qui a fini par arracher des élections à la dictature bien qu'il n'ait pas pu surmonter sa propre proscription.
Sader ne dis pas que c'est vous qui a proposé, légitimer, soutenue et garantit la Victoire aux élections de novembre 2020 d'un fonctionnaire efficace, mais pratiquement inconnu du nom de Lucho Arce qui a obtenu l'accord de tous les secteurs sociaux qui composent le MAS (qui n'est pas un parti traditionnel mais un instrument politique électoral du mouvement social) justement parce qu’ils considéraient tous qu'il n’y avait aucune possibilité de gouverner sans le peuple, étant donné leur extrême faiblesse.
Le lendemain du jour où Arce a pris ses fonctions,, accompagné du président, Alberto Fernandez et d'un énorme ensemble de militant, qui avait subi l'exil à passer à pied la frontière pour rencontrer une foule de partisans à Villazón (là, ils ont la chronique de la BBC de Londres qui n’est ni de gauche ni triste comme Emir) et entreprendre, une tournée de célébration de la fin de la dictature et de la récupération du gouvernement, parle MAS. Mais rapidement, le tournant pris par Arce l’a surpris.
Evo avait gagné les élections de 2019 et ses cadres les plus proches (Juan Ramón Quintana, par exemple, avait passé l'année de la dictature réfugié à l'ambassade du Mexique pour ne pas être assassiné) qui avaient conduit la résistance ont été rigoureusement exclus du nouveau Gouvernement qui semblait plus dans la continuité d’Añez que d’Evo. Mais cela, Sader ne te le dit pas pour pouvoir monter son petit conte de fées d’une gauche affaiblie par le personnalisme d’Evo et ses vanités révolutionnaires.
En juillet 2020, le multimillionnaire, né en Afrique du Sud et l'Musk à sur le monde d'un affirmant que le coup d'état avait été fait pour le lithium, et que « nous ferons un coup d'état contre qui nous chante. » On sait maintenant que peu de temps après que Arce et pris ses fonctions, ses fils ont commencé toute une série d'accords coloniaux justement sur le lithium, mais cela, Sader ne te le dit pas (peut-être, parce qu'au Brésil, ceux qui commandaient avec Bolsonaro continuent à commander ?)
Fin 2023, la situation a dérapé. Arce qui n’a jamais respecté les dispositions constitutionnelles de constituer des réserves suffisantes dans les années d’abondance énergétique ne parvient pas à rétablir l’économie et cède jour après jour face à un Empire qui n’a eu aucune pitié pour Evo ni pour lui.
Presque rien de ce qu’a détruit Añez en un an n’avait été récupéré et la ressource énergétique épuisée (Allende disait que le cuivre était le gage du Chili en 1973, Evo aurait pu dire que le gaz et le lithium étaient celui de la Bolivie) ; sans combustible la pauvreté s’acharne sur le peuple et Arce ne fait rien de bon.
En septembre 2024, le mouvement des cultivateurs de coca, paysan et populaire organise une grande marche « pour sauver la patrie », avec une série de revendications très concrètes qui va être brutalement réprimée par Arce et qui va être le début d'un cycle de lutte et de répression qui a inclus une tentative de magnicide sur laquelle on n’a jamais enquêté et sur l'emprisonnement de 320 militants dont 100 sont accusés d'avoir violé la loi antiterroriste, dans des conditions brutales et inhumaines comme l’a dénoncé la mission internationale de la coordinatrice américaine pour les droits des peuples qui est venu en Bolivie en février pour parcourir les lieux de détention à la Paz, interviewer les membres des familles des prisonniers politiques là et à Cochabamba, et aller dans le Tropique de Cochabamba, où Evo vit avec son peuple, défendu par son peuple.
Je vous jure que nous avons demandé si vous étiez allés là, Sader, et on nous a dit qu'on ne vous connaissait pas, mais ne vous inquiétez pas : ce sont des paysans cultivateurs de coca, des gens de la gauche triste, ils ne sont pas joyeux comme vous, et ils ne vivent pas non plus comme vous, à Rio de Janeiro, Chimore, rien à voir.
La division du mouvement populaire ne se situe pas entre les partisans de Evo et la gauche nouvelle et joyeuse que vous imaginez, mais entre ceux qui défendent les prisonniers politiques et ceux qui les enferment.
Ce n'est pas si difficile, non ? D'un côté, le cultivateur de coca, de l'autre, le camarade et vous avez même parfois été du côté des vaincus. Mais il y a longtemps.
Une dernière précision. Je ne suis pas éviste et je ne considère pas qu'il soit infaillible. De même que Correa quand il a choisi Lenin Moreno s'est salement trompé, il s'est surtout trompé dans la façon de le choisir. Je suppose, je ne sais pas bien, qu’il doit avoir commis des erreurs mais il n'a pas commis l'erreur de nier les prisonniers politiques ni ceux qui ont été torturé, ni se sécurité assassinés et cela me plaît.
Le Fidel qui n'a pas abandonné les cinq prisonniers cubains aux États-Unis et qui a récupéré le petit Élian me plaît, j'ai aimé que Maduro n’ait pas abandonné Saab et nous, nous ne lâchons la main de personne. Nous ne sommes pas comme vous qui êtes tellement cultivé mais ne connaissez pas le devoir élémentaire des révolutionnaires, qui est de ne pas abandonner les camarades, domaine de l’ennemi.
Au mieux, c’est ça, vous regardez la Bolivie et vous comptez les voix et moi, je compte les camarades prisonniers politiques. Peut-être ne voyez-vous pas les prisonniers et il me semble que l’histoire ne se termine pas dans une urne.
La vie dira qui avait raison.
Note :
Sader est un de ces « intellectuel mercenaires », que méprisait tellement Guevara
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2025/08/23/bolivia-lo-que-emir-sader-se-olvida-de-contar-cuando-cuenta-votos/
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