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Cuba : 60 ans après la première initiative de rapprochement entre les États-Unis Cuba (II)

30 Octobre 2023, 18:28pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

L'assassinat de Kennedy à Dallas et la fin de l'initiative de rapprochement

 

Le 22 novembre Kennedy a été assassiné à Dallas, le jour même où le journaliste français Jean Daniel, missionné personnellement par Kennedy, discutait avec Fidel Castro et lui transmettait un message de conciliation. L’aspect le plus connu de toute cette histoire étant donné les témoignages des participants eux-mêmes. Lindon Baines Johnson mis au courant des contacts et des communication secrètes qui avaient eu avec Cuba en assumant la présidence des États-Unis n'avait manifesté aucun intérêt à poursuivre cette initiative.

 

Certaines auteurs considèrent que le fait que Kennedy ait secrètement exploré un « arrangement avec Castro » a eu quelque chose à voir avec la conspiration destinée à l'assassiner. Et il est réellement très curieux qu’en 1963, alors que Donovan négociait avec les autorités cubaines la libération de plusieurs agents étasuniens emprisonnés à Cuba, à l'étranger circulait une dénonciation de l'agent de la CIA Felipe Vidal Santiago concernant une soi-disant négociation entre les Kennedy et le Gouvernement cubain.

 

A ce sujet, Fabián Escalante écrivait dans son livre « La guerre secrète. 1963 : le complot » : « Selon Vidal, alors qu'il se trouvait à Washington, il a appris par Marshall Dick, un avocat connu, patron d'un cabinet important que le département d'État était en train de préparer une réunion avec Blas Roca, un dirigeant cubain, à Berlin Est, réunion lors de laquelle les possibilités de négociations entre les deux Gouvernements seraient analysées. » Dans le même livre, il indiquait aussi qu'à ce moment-là : « le terroriste connu Orlando Boch Avila avait publié à la Nouvelle-Orléans un pamphlet intitulé « La tragédie de Cuba », dans lequel il accusait Kennedy, d'avoir trahi l'exil et d'essayer de faire un pacte avec Fidel Castro. ».

 

L'historien ancien conseiller de Kennedy  Arthur Schlesinger fait partie de ceux qui pensent que le rapprochement envers Cuba, en 1963, a eu quelque chose à voir avec la sentence de mort du jeune président. À ce sujet, il a dit : « Bien que le plan d'Atwood ait   été connu de très peu de personnes, il semble inconcevable que la CIA n'en ai rien su. Le renseignement américain avait les diplomates cubains de l'ONU sous une surveillance permanente. Il suivait leurs mouvements, lisait leurs lettres, interceptaient leurs câbles, enregistraient leurs appels téléphoniques. On soupçonné qu’Atwood et Lechuga faisaient quelque chose de plus que d'échanger des recettes de daiquiri. »

 

Pour sa part, William Atwood, dans ses mémoires publiées en 1987, a évoqué aussi le fait que la CIA contrôlait certainement ses actions et qu'ensuite, ces informations arrivaient aux vétérans de l'invasion de la Baie des Cochons frustrés qui ne perdaient pas l'espoir de revenir à Cuba soutenus par l'armée des États-Unis et par la CIA et toute exploration d’une  entente avec Castro par Kennedy détruisait ces aspirations.

 

Même s'il est vrai que Kennedy n'écartez pas la possibilité d'explorer un arrangement avec Cuba, il ne renoncez pas un instant à la politique agressive contre l’île.

 

Une invasion militaire directe de troupes étasuniennes était réellement peu recommandable à ce moment-là, étant donné l'éventuel coût en vies étasuniennes, la répercussion négative sur les alliés et sur l'opinion publique mondiale, y compris l'opinion publique étasunienne, en plus du fait que l’île avait augmenté sa capacité défensive et que le front contre-révolutionnaire interne avait été considérablement affaibli. Mais ce n'était pas une option écartée à long terme ou en tant que réponse à un événement inattendu qu'il la légitimerait aussi bien à l'intérieur de Cuba que sur la scène internationale. La stratégie de Kennedy concernant Cuba était centrée alors sur le fait de jouer toutes les cartes possibles qui pourraient satisfaire les intérêts des États-Unis. Ainsi, les actions terroristes, les tactiques diplomatiques et la formation d'une armée de mercenaires se combinaient pour former un programme à voies multiples qui exercerait une pression maximale sur l'île en provoquant une corrosion progressive qui amènerait le régime ou à son renversement ou à négocier avec les États-Unis conformément à leurs intérêts.

 

Le chercheur, Fabian Escalante qui a fait des recherches pendant des décennies sur la politique du Gouvernement Kennedy envers Cuba a fait l'estimation suivante des rapprochement des États-Unis envers Cuba en 1963, lors d'un évènement  à Nassau, Bahamas : « Selon notre analyse, ce qui s'est passé a été ceci : les faucons n'ont jamais soutenu cette stratégie, ils ne comprenaient pas, ils n'étaient pas d'accord. Ils n'étaient d'accord avec rien d'autre qu'une invasion de Cuba. Nous, nous pensons que les faucons se sont senti trahi. Selon notre analyse, il existait deux stratégies qui allaient être appliquées par les États-Unis : l'une, celle du Gouvernement. L'autre, celle de la CIA, des exilés cubains et de la mafia et ceux-ci avaient même leurs propres objectifs indépendants concernant ce sujet. Dans ce dernier groupe s'est créé la nécessité d'assassiner Kennedy. Il leur semblait que Kennedy n'était pas d'accord avec une nouvelle invasion. C'est notre hypothèse. »

 

Enfin, une question récurrente ressort dans les études sur cette période : si Kennedy n'avait pas été assassiné, aurait-on obtenu une certaine sorte d'entente entre les États-Unis et Cuba?

 

Il est impossible de le savoir, et cela signifierait entrer dans l'histoire contre-factuelle mais nous pouvons faire une estimation du moment auquel le président des États-Unis a été assassiné et sur les perspectives qui s'ouvraient dans la politique envers Cuba. Le chercheur, étasunien Peter Kornbluh, qui a étudié cette période en profondeur nous a donné son avis lors d'une interview : « Kennedy allait arriver au même point que Kissinger et Carter. Fidel n'allait probablement pas avoir suffisamment confiance pour couper ses relations avec l'Union Soviétique pour obtenir une légère coexistence avec les États-Unis. Mais, en même temps, Kennedy et Kroutchev, et je pense que Fidel aussi, avaient tiré une leçon de la Crise d'Octobre. Une leçon disant que le danger de l'hostilité pouvait amener à une hécatombe mondiale. L’Union Soviétique soutenait l'idée d'un rapprochement entre les États-Unis et Cuba. Les États-Unis étaient plus ouverts à cela aussi. Kennedy avait dit qu'il voulait une souplesse, qu'on ne devait pas se figer pour discuter la condition préalable de laisser de côté les Soviétiques. Il avait pris le sujet dans ses propres mains. Fidel était très intéressé et même après la mort de Kennedy, il était encore plus intéressé par la poursuite de ce processus. »

 

Tout ce que dit Kornbluh est vrai, mais le fait que certains des principaux conseillers de Kennedy, au courant de cette initiative, continuaient à insister pour exiger que l’île rompe ses relations avec l'URSS et cesse de soutenir les mouvements révolutionnaires en Amérique latine avant de pouvoir s'asseoir à la table de négociation est également vrai À partir de cette position de force, il était pratiquement impossible de pouvoir arriver à un modus vivendi avec Cuba. La direction cubaine avait confirmé que la souveraineté de Cuba, aussi bien sur le plan externe qu’interne, ne pouvait être négociée. D'autres part, les plans de la CIA pour assassiner Fidel suivaient leur cours, ainsi que les actions de sabotage contre l'île, le blocus économique et l'isolement diplomatique. En même temps, certains des documents du Gouvernement Kennedy déclassifiés reflètent en toute clarté le fait que la stratégie du rapprochement discret envers Cuba  était destinée à déterminer si la direction cubaine accepterait de négocier dans des termes qui satisferaient les intérêts de Washington et, parallèlement, le plus large spectre de politiques agressives allaient être développé pour l’obliger à le faire. Pourrait-on avoir un certain espoir d'entente entre les États-Unis et Cuba sous ce point de vue de politique ?

 

Comme nous l'avons vu, certains auteurs considèrent que l'assassinat de Kennedy était en rapport avec une conjuration de la CIA et de la mafia anti-cubaine qui, entre autres choses, ne pardonnaient pas à Kennedy d'avoir interdit que des troupes des États-Unis envahissent l’île, d’avoir réduit le contrôle de la CIA sur les actions anti-cubaines, de s’être engagé envers  l'Union Soviétique à ne pas envahir Cuba après la crise d'octobre de

1962, et comme si cela ne suffisait pas, de pratiquer une diplomatie secrète de rapprochement avec les Cubains.

 

Si cette hypothèse est vraie, la CIA et  la mafia anti-cubaine auraient-elles permis à Kennedy de faire des pas plus sérieux pour parvenir à une normalisation des relations avec l’île ? Seraient-elles restées les bras croisés ?

 

On ne peut pas non plus méconnaître le fait que la relation de Cuba avec l'Union Soviétique et son soutien au mouvement révolutionnaire en Amérique latine étaient à ce moment-là les éléments qui préoccupaient le plus Washington mais que l'essence du conflit ne résidait pas en eux comme beaucoup l’ont pensé et diffusé pendant des années. La volonté souveraine de Cuba et le désir d’hégémonie des États-Unis continuaient à être l'essence du conflit bilatéral. Les objectifs immédiats des États-Unis avec Cuba se concentraient dans le fait de briser sa volonté souveraine en matière de politique étrangère mais cela ne signifiait pas une abdication en politique intérieure. En même temps, Cuba n'allait pas céder aux pressions des États-Unis dans un domaine  qui avait avoir avec son droit à la libre détermination, même si on lui offrait en échange une « normalisation » des relations. C'est un autre argument important au moment de soutenir une vision moins optimiste concernant la possibilité d'une entente entre les États-Unis et Cuba, sous le Gouvernement Kennedy.

 

Le point de vue du Gouvernement Kennedy sur la politique étrangère de Cuba n'était rien de plus que l'expression conjoncturelle et la dimension superficielle des motivations de fond du conflit. L'histoire a démontré plus tard que quand ces arguments qui présentaient Cuba comme une menace envers la sécurité nationale des États-Unis ont disparu, en particulier après le renversement du camp socialiste et au moment où l’île n'avait plus un soldat à l'étranger, le conflit a perduré et le Gouvernement des États-Unis n'a pas fait la plus petite tentative pour arriver à une entente avec l'île. Au contraire, l'agressivité envers Cuba s’est aiguisée et a révélé à nouveau la véritable essence du conflit bilatéral bien qu'il soit devenu multilatéral pendant de nombreuses périodes historiques en concentrant alors le feu de sa politique sur la réalité interne de l’île. C’est une preuve digne de foi du fait que l'objectif de la politique des États-Unis envers la Cuba révolutionnaire a toujours été le même : « le changement de régime », le renversement d’un système qui, sous son nez, a pratiqué et pratique toujours aujourd'hui une politique intérieure et une politique étrangère absolument souveraines.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

http://www.cubadebate.cu/especiales/2023/10/09/a-60-anos-de-la-primera-iniciativa-de-acercamiento-entre-estados-unidos-y-cuba-ii/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/10/cuba-60-ans-apres-la-premiere-initiative-de-rapprochement-entre-les-etats-unis-cuba-ii.html