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Pérou : Vargas Llosa félicite la dictatrice Dina Boluarte une honte qu'aucune œuvre ne pourra effacer

22 Février 2023, 18:13pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Laura Arroyo

 

Pendant des jours, nous avons vu des flatterie, des applaudissements et des odes à Mario Vargas Llosa de la part de ceux qui condamnent, ou au moins le disent, la répression du régime de Dina Boluarte ou de son Gouvernement. Nous avons lu et entendu des portraits orgueilleux qui se justifiaient sous le parapluie de ce vaste débat non résolu sur l’artiste et son œuvre. Et je dis « non résolu », parce qu'il enferme quelque chose dans son fond qui me semble assez bruyant.

 

Arrêtons-nous un peu sur la phrase « Il faut séparer l'œuvre de l'artiste. » Si nous y pensons attentivement, grâce à cette phrase, on ne prend pas soin « des œuvres », comme il semble que ce soit l’intention mais, au contraire, on cherche à excuser les artistes. Comme si nous ne pouvions pas reconnaître que même si une symphonie de Wagner peut être merveilleuse musicalement, elle a été écrite par quelqu'un qui discriminait les Juifs en disant qu'il n'avait pas de capacités créatives (ou qu'ils en avait une limitée). Je pense qu'il est important d'apprécier les œuvres en sachant aussi par qui elles ont été conçues parce qu’en elles se trouve aussi le lieu à partir duquel elles sont énoncés. Et cela n'enlève aucune valeur aux oeuvres mais on doit les comprendre comme quelque chose de plus que des productions isolées de la société, car aucune œuvre d'art n'est jamais isolé de la réalité qui l’a motivée comme aucun artiste, n’est apolitique, même si certains s’appliquent à mentir en disant qu'il le sont.

 

Cette intention de blanchir l’artiste n’implique pas qu’on prend soin des œuvres, au contraire, elle les salit et salit quelque chose de plus: elle salit la mémoire.

 

Je peux dire, sans crainte de me tromper, que « La guerre de la fin du monde » est un grand roman. Et je peux  dire aussi que c'est dommage que ce soit un anti-démocrate, raciste et misogyne comme Vargas Llosa qui l’ait écrit. De la même façon que je peux dire que c'est une honte que quelqu'un comme lui soit celui qui nous représente au niveau international parce qu'il ne le fait pas en tant qu'écrivain mais en tant que sujet politique. Il suffit de regarder les archives de ses interviews pour le savoir. Apprécier son œuvre implique de reconnaître qui est son artiste sans que pour cela, l'œuvre cesse d'être excellente. Pourquoi ? Parce que les œuvres ne se dissocient pas de leur réalité, et par conséquent, pas non plus de celui qui, dans ce cas, les écrit.

 

Mais dans le cas de Vargas Llosa, cette phrase qui nous dit de « séparer l'œuvre de l'artiste » est encore plus bruyante même perverse. Il ne s'agit pas d'un artiste qui cherche le silence politique. Au contraire, il s'agit d'un artiste qui cherche la reconnaissance de son rôle politique tout le temps et qui parle du Pérou et sur le Pérou et aussi de l'Espagne tant qu'il peut. C'est celui des photos avec son grand ami, le roi à la retraite Juan Carlos Ier sur lequel on ne peut enquêter pour corruption à cause du pacte de silence de la Maison Royale d'Espagne. C'est aussi le grand conférencier des politiques d'État du Parti Populaire, le parti le plus corrompu d'Europe, ou des meetings avec rien de plus, et rien de moins à la tribune que le fascisme de Vox avec lequel il a beaucoup en commun. C'est aussi celui qui a donné son aval à des candidatures comme celles de Bolsonaro, Kast ou Fujimori, aux dernières élections péruviennes. Et l'un des principaux défenseurs de la thèse de la fraude d'un côté et de l’émeute « communiste » (qui n'existe pas, évidemment) de l'autre. Et rien de cela ne fait que « La guerre de la fin du monde », ne soit pas un grand roman, mais moi, Ça m’enlève l’envie de le considérer comme un artiste et bien sûr d’applaudir n’importe quoi en le déguisant en division objective. Que d'autres artistes d'un bien meilleur niveau, mais surtout d'un talent démocratique et avec une empathie sociale aient les contrats de MVLL qui sont en bonne partie ce qui ouvre aussi les portes une série de récompense.

 

Comme une œuvre d'art n'est pas isolée de son contexte, un artiste peut-il être peut-il être en marge de son temps, de sa situation et de sa société ? Il me semble que non. Par contre, c'est justement ce contexte et cette réalité qui constituent l'identité d'un artiste. Et à cause de cela, quand je lis cette lettre que Mario Vargas Llosa a envoyée à Dina Boluarte, disant qu'il « vient exercer cette charge avec une grande fierté, » non seulement cela ne me surprend pas, mais cela m'invite à nouveau à cesser de laver le visage d'un sujet seulement parce qu'il a écrit le bon roman que j’ai lu avec passion il y a longtemps.

 

C'est une honte que quelqu'un comme lui représente le Pérou à l'étranger. Il n'y a aucune œuvre d'art qui justifie que tu veuilles éliminer le vote de ceux qui « votent mal », qui justifie qu'on dise que les féministes sont des « fémi-nazies », qui justifie la discrimination raciste et classiste, qui justifie le négationnisme en parlant d'une fraude qui n'a jamais existé ou qui justifie la conllusion avec le fascisme européen seulement parce qu'il défend le modèle économique qui l’a si bien traité.

 

Pardonnez les partisans de la division "neutre" entre un artiste et son œuvre qui n'applaudissent ni aujourd'hui ni demain leur cher Vargas Llosa. Parce que cette lettre est certainement l'écrit dont nous devrions le plus nous souvenir. L'écrit de la complicité dans un moment où ton pays est en train de tuer les gens et de réaliser de les exécuter sans jugement seulement parce qu'ils vont protester. Un écrit honteux qu’aucun roman ne peut effacer.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/02/21/peru-vargas-llosa-felicita-a-la-dictadora-dina-boluarte-una-pluma-de-verguenza-que-ninguna-novela-puede-borrar/

URL de cet article:

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