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Mexique : Une réforme électorale controversée

30 Avril 2023, 17:29pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Ramón I. Centeno

 

Le projet politique qui gouverne actuellement au Mexique est très loin de la gauche et très proche du militarisme.

 

Par exemple, quand a été créée la Garde National en 2019, approuvée par 100 % des sénateurs, légalisant la militarisation de la sécurité publique, faisant alors partie de l'opposition, Andrés Manuel López Obrador critiquait la militarisation. Aujourd'hui, avec tous les partis, c'est son plus grand partisan.

 

Ce qui a causé une protestation dans le système des parties, c'est la réforme électorale proposée par le président. Ils savent que ce serait un suicide de laisser avancer AMLO dans ce projet.

 

Ce que propose López Obrador pour l'Institut National Electoral (INE) préoccupe les autres partis, parce que cela menace de saper leurs propres ambitions de revenir au pouvoir. C'est une contre-réforme qui revient sur les avancées dans la démocratisation obtenues grâce à des années de lutte de la gauche. Elle réduit la qualité et la fiabilité des élections et retire des obstacles au parti au pouvoir pour influencer les électeurs à partir du Gouvernement. Les protestation des autres partis politiques contre la nouvelle réforme ne sont pas basées sur la défense de la démocratie, mais sur un instinct opportun de survie. Leur vie et leur avenir dépendent de la préservation d'un système électoral minimalement décent. Et, en cela, ils ne se trompent  pas.

 

Pendant la longue période du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), évidemment, les élections est étaient purement décoratives : si le résultat était défavorable au parti au pouvoir, on annonçait un résultat différent de celui des urnes.

 

Nous, des générations de mexicains, avons été habitué à la fraude électorale. Le véritable mécanisme de changement de Gouvernement était le doigt, en référence au fait que le président de service sélectionnait son successeur.

 

Malgré toutes les critiques que la gauche peut faire du système électoral au Mexique, actuellement, on votes dans chaque coin du pays, les voix sont bien décomptées et le résultat est annoncé fidèlement. C'est un système simple mais qui n'a été possible que grâce à des décennies de lutte populaire.

 

La démocratie au Mexique, une réussite de la gauche

 

La démocratie bourgeoise, comme l'appelait le marxisme, est loin d'être belle.

 

Une démocratie bourgeoise en Allemagne a commandé d'assassiner Rosa Luxembourg. Une démocratie bourgeoise lors de la fondation des États-Unis a établi la liberté d'avoir des esclaves. Une démocratie bourgeoise en Afrique du Sud discriminait les habitants noirs avec l'apartheid. Une démocratie bourgeoise en Israël conserve encore sur le peuple palestinien un système d'apartheid militarisé. Une démocratie bourgeoise au Mexique a fait disparaître, 43 normaliens d’ Ayotzinapa et laisse ce crime d'Etat impuni.

 

En même temps, la mise en place d'élections relativement propres, libres et compétitives a été fréquemment le produit de fortes luttes. Il en fut ainsi au Mexique où la lutte contre la fraude électorale a eu la gauche comme acteur central.

 

La démocratisation du régime a commencé avec la « réforme politique » de 1977 qui a permis l'accès des partis minoritaires, en particulier au Parti Communiste Mexicain, à la représentation parlementaire.

 

Cette décennie a été marquée par les blessures fraîches des massacres de 1968 (Tlatelolco) et de 1971 (Corpus Christi). La répression de l'État radicalisé contre les jeunes en a amené beaucoup à la guérilla. Pour maintenir le contrôle, le régime a exigé d'autres politiques au-delà de la violence.

 

En 1978, le régime allait lancer une amnistie pour tous les membres des guérillas urbaines et rurales comme la Ligue Communiste 23 Septembre ou le Parti des Pauvres. À partir de là jusqu'en 1988, le Mexique, allait avoir des députés socialistes provenant non seulement du Parti Communiste stalinien mais même du Parti Révolutionnaire des Travailleurs trotskiste.

 

Mais 1988 a été l'année pendant laquelle le PRI a subi la rupture avec son aile cardiniste, rupture qui allait être à l'origine du Parti de la Révolution Démocratique, prédécesseur direct du parti MORENA. Le gros de la gauche marxiste a vu la rupture du PRI avec des yeux astrologique et en a tiré la conclusion qu'il devait fusionner avec elle et soutenir son candidat à la présidence, Cuauhtémoc Cárdenas. Son interprétation était que la fusion avec les cardénistes ouvrirait une porte au socialisme, car dans la nouvelle formation, les communistes tendrait à occuper les postes de direction à cause de leur supériorité théorique.

 

Comme dit le dicton populaire: « ils sont allés chercher de la laine et se sont fait tondre. » Le Mexique n'a pas encore surmonté le suicide de la gauche et un vide dans cet espace du spectre politique prévaut. Aujourd'hui la tâche est de recommencer.

 

Les élections de 1988 ont été marquées par la fraude électorale. Le régime a imposé la victoire de Carlos Salinas mais n'a pas pu faire taire les revendications de plus en plus bruyantes  d'élections propres.

 

On peut considérer que 1996 est la date de la fin du processus avec la réforme électorale qui a réussi à en finir avec le contrôle présidentiel des élections. L'Institut Fédéral Electoral (IFE) a obtenu leur autonomie. L’IFE était dirigé par le ministère de l'intérieur qui était dirigé par la présidence de la République.

 

La réforme de 1996 ne peut pas non plus se comprendre sans la gauche, en particulier sans l'insurrection zapatiste du 1er janvier 1994. C'était une réponse directe au défi que le Zapatisme représentait pour la légitimité du régime gouverné par Salinas, qui s'était efforcé de se tailler une réputation mondiale de gouvernant moderne et démocratique.

 

Pour éviter que la crise provoquée par une insurrection indigène prenne des proportions, Salinas s'est escrimé pour obtenir que le Parti d’Action Nationale (PAN) et le PRD serrent les rangs avec le PRI en leur promettant plus d'avancer dans la démocratisation.

 

Le 27 janvier 1994, les trois partis se sont mis d'accord sur les « 20 engagements pour la démocratie. » « Obtenir l'impartialité des organes électoraux » était le premier point de cette accord. Pour le PAN et le PRD, l'insurrection zapatiste était une bénédiction tombée du ciel bien qu’ils aient occulté sa dette. Ils ont tiré profit d'une lutte éloignée à laquelle ils n'ont jamais rendu justice.

 

Mais on a réussi une prouesse : le Mexique a marché vers la démocratie bourgeoise. En 1997, avec la première élection propre, le PRI a perdu sa majorité législative. Trois ans plus tard, en 2000, le PRI allait  enfin perdre la présidence.

 

AMLO—alors président du PRD—a été l'un des principaux défenseur et l'un des principaux bénéficiaires de la réforme électorale de 1996. Grâce à elle, il a pu devenir gouverneur de Mexico en 2000 et obtenir le gouvernement fédéral en 2018. L’ISF, aujourd’hui INE, a été le marche-pied qui lui a permis d'arriver où il est.

 

Maintenant, il semble vouloir brûler l’INE pour que personne de plus ne puisse arriver là.

 

Du pouvoir, et encore plus de pouvoir.

 

À première vue, c'est une réforme insipide, mais en réalité elle n'est pas elle ne l' est pas tant que ça. Elle affaiblit et amincit l'Institut National Electoral et assouplit les sanctions contre les fonctionnaires publics et les partis politiques qui commettent des délits électoraux. Appelée « Plan B », cette réforme est moins ambitieuse que le plan original de réforme de la Constitution mais va dans le même sens antidémocratique.

 

Arrêtons-nous sur le fait d'affaiblir (grâce au budget) et d’amincir l’INE par des licenciements massifs. La propagande d'État a évoqué les salaires qui, dans cet institut, sont supérieurs à celui du président.

 

À ce sujet, l'ancien président du conseil général de l’INE, Lorenzo Córdova, n'a pas du tout aidé, et a combattu la réduction de son salaire. En plus d'être la personnification du créole, classiste et pédant typique il a été très maladroit : on lui aurait baissé le salaire et c'est tout.

 

Comme AMLO ne la pas fait, il l’a aidé et celui-ci a pu avancer dans ses plans qui  ont peu à voir ou rien du tout avec les salaires des hauts fonctionnaires.

 

En réalité, la nouvelle réforme soumet l’INE à la même logique à laquelle ont été soumises d'autres institutions : « l'austérité républicaine » qui, dans le reste du monde, est simple et amène l'austérité néolibérale à tous les niveaux.

 

Les coupes et les licenciements ont servi à AMLO à  affaiblir diverses aux institutions et à les soumettre plus facilement. Connaissant l’obradorisme, le fait qu’à un certain point, face a l'incapacité de l’INE à faire son travail avec la même qualité, l'idée surgisse de demander « la collaboration » de l'armée pour les taches électorale devrait nous préoccuper.

 

L'esprit de la contre-réforme est tellement téméraire que son avenir est incertain. La cour suprême a déjà suspendu son application pour analyser sa conformité envers la constitution, ce qui pourrait provoquer son annulation total. La controverse en haut lieu est très simple et n'a rien à voir avec le gauchisme (absent) d’AMLO mais avec son avidité de pouvoir.

 

Il souhaite passer dans l'histoire et pour cela, il a besoin de l'écrire. L'histoire, ce sont les vainqueurs qui l’écrivent. Pourquoi les élections devraient-elles gêner  l'histoire ?

 

En parlant d'histoire, la gauche, ce qui reste d'elle, ce qui revit d’elle ferait bien de se souvenir de ses propres apprentissages.

 

Quand l'autoritarisme avance, sur les classes ouvrières tombent des conditions plus difficiles pour réaliser leurs luttes. La gauche a existé et devrait exister pour défendre ses libertés. L’INE, bien que de façon déformée, est l'une de ses conquêtes.

 

L'opposition de droite préconise de ne pas y toucher, tandis que la gauche pourrait insister sur la nécessité de la modifier. Il serait important de faciliter l'enregistrement des candidatures indépendantes, aujourd'hui soumises à de nombreuses démarches à accomplir en très peu de temps. Sous ces conditions, seuls les secteurs privilégiés sont en capacité d'utiliser ce système. En 2018, cette situation a empêché Maria de Jesus Patricio Martínez (Marichuy), soutenue par l’EZLN et le Congrès National Indigène, d'apparaître sur un bulletin de vote.

 

L'autre droite, celle de MORENA, n'est pas en train de modifier l'INE. Elle est en train de l’asphyxier.

 

Ce qui est en jeu, c'est qui défend la démocratie. Et nous savons déjà ce qui arrive quand nous abandonnons cette tâche aux mains de la bourgeoisie.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/04/28/mexico-la-reforma-electoral-de-amlo-atenta-contra-decadas-de-lucha-popular/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/04/mexique-une-reforme-electorale-controversee.html