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Pensée critique : Le MERCOSUR et ses dilemmes

15 Juillet 2023, 16:26pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

200 ans ont passé depuis que le Libérateur a écrit cette phrase célèbre dans la Lettre de la Jamaïque disant qu’il souhaite « voir se former en Amérique la plus grande nation du monde, moins pour son extension et ses richesses que pour sa liberté et sa gloire. » Les rêves d'intégration, parce qu'ils ne parlent pas d'unité ou d'union, surtout en Amérique du Sud, restent incomplets, à mi-chemin ou simplement paralysés.

 

Aux aspirations tronqué que la Communauté Andine des Nations (CAN) ou le Marché Commun du Sud (MERCOSUR) ont suscité à la fin du XXe siècle, en pleine période néolibérale s'ajoutent celles qui sont nées à l'arrivée de Gouvernements nationaux–populaires d'une nouvelle sorte qui on vu dans la proposition d'élargissement du MERCOSUR et le renforcement de l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR), un pari d'intégration propre.

 

25 ans après le début du XXIe siècle, les estimations nous amènent sur des terrains baignés de pessimisme bien qu'actuellement 8 des 12 Gouvernements sud-américains se reconnaissent et soient qualifiés de « progressistes » ou « de gauche ». Ceci devrait supposer un scénario encourageant pour la concrétisation des discours déjà ennuyeux mais l'ordre du jour intégrationniste de la région continue d'être piégé dans ce qui a été, est et ce qui devrait être sans que les peuples soient impliqués dans ces processus.

 

Récemment, dans la ville de Puerto Iguazú-Argentine a eu lieu le 62ème sommet des présidents du Mercosur et de ses Etats associés lors duquel, à nouveau, les dilemmes et les disputes autour de l'avenir du mécanisme d'intégration apparaissent dans l'ordre du jour de ses associés et se présentent à nous comme un miroir de ce qui se passe dans d’autres mécanismes d'intégration et comme un thermomètre du cycle politique dans la région.

 

MERCOSUR 2023

 

Après 30 ans de fonctionnement et avec des réussites modestes, le Mercosur affronte ce que beaucoup appellent une crise d'identité. Même si le renforcement de l'union douanière pendant ses premières années, a porté des fruits et a encouragé un marché interne attractif pour certains secteurs industriels comme celui des automobiles ou de l’élevage, il est également vrai que le devenir de l'économie mondiale a exigé de ses membres qu’ils s'adaptent à scénario volatil dans lequel les cycles politiques nationaux, régionaux et mondiaux jouent un rôle important.

 

Beaucoup sont d'accord sur le fait que le processus d'intégration au MERCOSUR est suspendu depuis plus de 10 ans et on débat entre une zone de libre commerce incomplète et une union douanière imparfaite. Cette diatribe atteint de nouvelles dimensions dans la mesure dans laquelle certains associés–à cause de ces mêmes cycles politiques nationaux–exigent plus de souplesse pour pouvoir négocier des accords commerciaux bilatéraux avec des pays tiers ou des blocs de pays, ce qui leur est actuellement refusé.

 

Dans cet ordre d'idée, les changements que le mécanisme d'intégration a subi pendant ces 30 ans ont été très liés aux moments politiques qui se produisent à l'intérieur des pays de ses associés et qui sont l'expression, en même temps, des cycles qui vont se dérouler dans la région.

 

De sorte que le mécanisme est passé de ce qu'on appelle le « régionalisme ouvert » qui l‘a vu naître, caractérisé par une réduction de la présence de l'État dans l'économie et une ouverture du commerce, qui ont impliqué la privatisation des entreprises publiques et la libéralisation des marchés–une vision encouragée, principalement par le Consensus de Washington et recommandé par des organismes internationaux comme le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale.–vers ce qu’on appelle le « régionalisme post-néolibéral » qui a coïncidé avec l'arrivée de ce qu'on qualifie de « nouvelle gauche » aux Gouvernements de la région au début du XXIe siècle.

 

Généralement, le régionalisme post-néolibéral vise à l'élargissement de l'ordre du jour politique et à l'incorporation de nouvelles de thématiques ignorées sous le régionalisme ouvert, des aspects qui n'ont pas été pris en compte ou qui l’ont été seulement partiellement et de façon marginale : la migration, la pauvreté, les inégalités, le développement partagé, la citoyenneté régionale, etc.… Une série de thèmes qui, sans sous-estimer l'importance pour les pays de l’économie et du commerce, a permis l'analyse conjointe de thématiques qui affectent la région, ce qui a imprimé un point de vue différent et rafraîchit le visage de ce mécanisme que beaucoup voient déjà épuisé.

 

Dans cette étape, caractérisée par l'élargissement survenu à l'intérieur du bloc où le Venezuela et la Bolivie–non sans rencontrer, d’obstacles- ont engage leur incorporation au mécanisme, le MERCOSUR, en accord avec le nouvel esprit de l'époque, est passé d'une prééminence dans l'ordre du jour commercial à former un programme d'intégration et de coopération productive, sociale et citoyenne. L'inclusion du Venezuela et de la Bolivie apportait des forces puisque les deux pays sont riches en ressources énergétiques comme le pétrole, le gaz et les minéraux qui ont ajouté des capacités dans un domaine dont la plate-forme manquait auparavant.

 

Mais l'irruption de gouvernement de droite à partir de 2015 a fait penser à un retour vers les idées d'ouverture commerciale et d'insertion dans l'économie mondiale propres au  régionalisme ouvert qui ne s'est pas produit du tout parce qu’à l'échelle mondiale, les aspirations de renforcement de la mondialisation économique se sont heurtées à un environnement de « protectionnisme commercial » dont les plus importants représentants ont été Donald Trump et le Brexit.

 

Pendant ce laps de temps, les associés du MERCOSUR les plus amicaux envers la mondialisation–à l'exception de Bolsonaro–ont interdit l'idée de souplesse pour que les membres puisse négocier des accords commerciaux de façon bilatérale avec d'autres pays ou d'autres blocs du pays. On a repris l'idée initiale de prépondérance commerciale  et peu à peu la vision sociale du MERCOSUR qui trouvait dans le Venezuela–suspendu du bloc en décembre 2016–un stimulateur et un dynamiseur de cet autre ordre du jour éternellement ignoré a été annulée.

 

Lors de ce cycle politique, on obtient, après 20 ans de négociations, un premier accord d'association commerciale avec l'Union européenne qui n'a finalement pas été signé à cause des désaccords de plusieurs pays européens avec le président du Brésil de l'époque, jaillir Bolsonaro. L'Uruguay manifeste également son intérêt pour négocier un accord commercial avec la République Populaire de Chine de façon individuelle et la ratification de l'entrée complète de l'État Plurinational de Bolivie au bloc entre dans le congélateur et ce que le Venezuela avait vécu 10 ans auparavant dans ce même processus se répète.

 

Union européenne, la Chine et la « Nouvelle Vague progressiste »

 

La victoire de Lula en octobre de l'année dernière a marqué un nouveau chapitre de l'histoire du MERCOSUR non parce que les ciments ou les logiques commerciales associées au secteur industriel, et surtout agro-industriel, l’ont vu comme un ennemi -au contraire, c'est un domaine qui pendant ses deux premiers mandats a crû vertigineusement au Brésil comme avec Dilma, Temer et Bolsonaro.–mais parce qu’il rétablit l'activisme en politique étrangère qui était absent d’ Itamaraty et en particulier du Palais du Planalto pendant ces 4 dernières années.

 

Son refus des nouvelles exigences de l'Union européenne (UE) dans cet accord et ses déclarations sur la nécessité que le Venezuela et la Bolivie soient incorporés de plein droit démontrent l'affirmation précédentes, bien que cela ne doive pas générer de faux espoirs.

 

L'accord commercial entre l'Union européenne et les pays membres du Mercosur a été négocié pendant plus de 20 ans. Les spécialistes en la matière affirment que l'accord obtenu en 2019, en vertu de la confluence, -pas spontanée, évidemment–des Gouvernements de droite qui soutenaient explicitement l’agro-industrie ne finit pas de se concrétiser à cause des exigences du bloc européen en matière d’environnement qualifiées de néo-coloniales par Lula et Alberto Fernandez, entre autres, au 62e sommet des présidents du Mercosur et de ses Etats associés.

 

Alors bon, la relation commercial- entre les deux plates-formes peut être qualifié de néo-coloniale et d’asymétrique parce qu'elle assigne un modèle primaire-exportateur aux pays du MERCOSUR. Deux tiers des importations de l'Union européenne sont des importations de matières premières agricoles et minérales. Pendant Les 20 ans de négociations, le MERCOSUR a renforcé la production et l'exportation de produits agricoles, minéraux et énergétiques alors que l'Union européenne exporte vers le MERCOSUR des produits à contenu technologique moyen et haut.

 

Même si avec la présidence tournante du Brésil au MERCOSUR et de l'Espagne à l'Union européenne, les espoirs sont positifs pour qu'on puisse ouvrir des espaces de rencontre en vue de finir de concrétiser la signature de l'accord, cette même année, comme le demandait Ursula Von Der Leyen lors de sa récente visite dans la région, deux facteurs semblent avoir une incidence sur ce processus : l'accord commercial avec la Chine et l'assouplissement que demande l'Uruguay en matière de négociation avec d'autres pays et d'autres blagues de pays.

 

Actuellement, la participation de la Chine aux exportations totales du MERCOSUR est rapidement passée de 2 % à 22,1 % pendant la période 2000–2018. La Chine est à présent le marché de vente et le plus important pour les Etats membres du MERCOSUR au détriment essentiellement de l'Union européenne qui a été historiquement l'associé commercial stratégique du bloc sud américain.

 

Lors de sa visite en Uruguay, le président Lula a mentionné la nécessité et la viabilité d'un accord commercial avec la Chine bien qu'il ait conditionné cet événement à la signature de l'accord avec l'Union européenne. Ces déclarations ont été faites au début de l'année, quelques mois avant qu'on apprenne les exigences environnementales qui contiennent des mécanismes de sanctions pour non-respect de cet aspect et qui exposeraient Brasilia à celles-ci.

 

D'autre part, parler de l'assouplissement proposé par l'Uruguay n’est rien d'autre que parler du processus d'innovation et de renouvellement par lequel doit passer le mécanisme d'intégration et qui semblerait avoir un consensus parmi les présidents, ce qui n'implique pas la critique sévère faîte de la position unilatérale de l'Uruguay pour négocier au-delà du bloc.

 

Il faut rappeler que dans la direction politique de ce pays, un consensus à propos du fait que le MERCOSUR doit servir essentiellement de véhicule qui facilite l'accès à de nouveaux marchés s'est renforcer. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir en 2020, Lacalle Pou a défendu la nécessité d'ouvrir au MERCOSUR des considérations pour établir des négociations commerciales bilatérales avec des pays tiers et des blocs du pays, une position défendue même par Tabárez, Vasquez et José Mujica, de tendance politique différente de Lacalle Pou, une possibilité aujourd'hui bloquée par le règlement interne du mécanisme.

 

Conclusion

 

Aujourd'hui comme auparavant, le contexte politique national et régional conditionne les rythmes du MERCOSUR et des autres espaces d'intégration de la région. L'opération militaire spéciale russe et la crise de l'Occident en tant qu'antichambre de la transition vers un nouvel ordre mondial multipolaire ont également une influence sur le bloc et cela exige de considérer des facteurs non traditionnels– dans le récit occidental–et de la redéfinition d'autres concept et d'autres situations.

 

La crise énergétique et la nécessité de contrôler les minéraux stratégiques modifieront, tout ou tard, la vision des élites du MERCOSUR concernant la Bolivie et le Venezuela, c'est pourquoi leur réintégration ne semble pas loin à l'horizon, au-delà des récits qui, surtout dans le cas du Venezuela, pèsent et ont été évidents lors de la dernière réunion des présidents du mécanisme.

 

Dans ce contexte, le MERCOSUR se présente comme nouvelle scène de dispute de l'Occident avec la Chine et comme une preuve de plus de l'éloignement que la région a de l'Europe et de la vision néo-colonial de celle-ci. Le prochain sommet CELAC-Union européenne mettra à nouveau en évidence cette situation.

 

L'actualisation et le renouvellement du MERCOSUR apparaît actuellement comme une nécessité stratégique pour la survie de ce mécanisme. Il reste aux associés de plein droit, suspendus et en processus d'adhésion à discuter de leur portée en ayant comme référence le fait que les fractures internes à cause de la configuration actuelle de son règlement génèrent plus de dissensions que de consensus.

 

Au-delà de la nostalgie que déchaîne l'épopée indépendantiste de nos pays obtenue grâce aux efforts communs des peuples et des armées sud-américaines dirigées par Bolivar et d'autres hommes et femmes au XIXe siècle, l'intégration de notre région doit être comprise comme un objet stratégique destiné à renforcer l'Amérique latine et les Caraïbes en tant que pôle de pouvoirs continental, alternatif et indépendant, avec une portée géographique, économique, démographique et géostratégique qui nous donne, dans un contexte de transition vers un nouvel ordre mondial, une voix propre pour défendre nos droits et notre situation dans un monde post–mondialisé.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/07/14/pensamiento-critico-mercosur-y-sus-dilemas/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/07/pensee-critique-le-mercosur-et-ses-dilemmes.html