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Équateur: Un enregistrement audio prouve l’acharnement contre Rafael Correa

21 Septembre 2023, 17:12pm

Publié par Bolivar Infos

Par Cynthia Garcia et Pablo Dipierri

 

Comme dans l'affaire des Cahiers, l'affaire Pots de Vin a été viciée par la mise en place de preuves ; comme dans l'affaire Lava Jato, le juge a été récompensé par une promotion.

 

Ivan Saquicela, l’actuel président de la Cour suprême de l'Équateur, avant de comprendre le dossier de l'affaire Pots de Vin contre l'ancien président Rafael Correa, considérait comme nulle et non avenue l'action des tribunaux de première instance, selon un enregistrement  audio divulgué auquel Pagina/12 a eu accès.

 

Cependant, Saquicela, alors juge d'une chambre pénale de la Cour suprême, a statué contre l'ancien président lorsque l'affaire est arrivée devant son tribunal. Puis, comme corollaire d'une ligne traditionnelle qui se répète dans ses dynamiques sur tout le continent, Saquicela a été récompensé en étant nommé à la tête de la plus haute cour de justice de l’Équateur.

 

L’enregistrement divulgué

 

« Aussi bien l'existence de l'infraction que la responsabilité présumée sont très différentes de l'accusation initiale qui n'existe plus et par conséquent, on aurait donc dû demander de justifier ses éléments et on ne le fait pas, » a déclaré Saquicela, l'actuel président de la Cour nationale de justice équatorienne, le 21 juin 2019 alors qu'il était encore magistrat de la plus haute cour. Son objection visait l'action de la juge Daniela Camacho et de la  procureur Diana Salazar dans une affaire qui s'est terminée par une condamnation  de prison de 8 ans  pour l'ancien président Rafael Correa, une poignée de fonctionnaires de son Gouvernement et d'hommes d'affaires accusés de corruption.

 

La déclaration de Saquicela a été faite deux jours après que Camacho ait participé à l'audience du 19 juin 2019, dont le solde a été la reformulation des accusations et l'avis de détention provisoire pour Alexis Mera, ancien secrétaire juridique de Correa, et María de los Ángeles Duarte, ancienne ministre des Transports et des Travaux publics.

« Analysons. Que dit l'écrit ? Madame la juge, s'il vous faut émettre le bulletin d'incarcération de la détention provisoire prononcée le 19 juin. Qu'est-ce que c'était le 19 juin ? La liaison. Que répond Daniela (Camacho) ? Je n'ai pas dicté de détention provisoire le 19. Très bien. Et si elle ne l'a pas dicté, pourquoi diable est-il emprisonné (Mera) ? », demande Saquicela dans un enregistrement audio auquel a accédé en exclusivité Página/12.

 

Lors de l'échange avec le magistrat, on lui dit que « si elle ne lui a pas dicté, elle devait le mettre en liberté immédiatement », et Saquicela répond : « Exactement, c'est tout. Alors pourquoi est-elle en prison (Duarte) ? ».

 

Le processus que Saquicela remettait en question était celui connu sous le nom d’affaire des »Pots de Vin », rebaptisé « Hontes » par les militants d'Alianza País avec les coordonnées de la persécution juridique et divulgué par la presse équatorienne comme l'affaire « Riz Vert », un plat typique de la région auquel l'un des fonctionnaires corrompus  aurait fait appel pour titrer l'affaire d'un mail envoyé à un fonctionnaire impliqué. L'enquête a eu des parcours similaires à ceux du Lava Jato au Brésil et de l’affaire des Cahiers en Argentine. Tant et si bien que des preuves ont été mises en place grâce à la rédaction d'un cahier par l'une des dénonciatrices pendant son arrestation, par le biais de reçus et de documents apocryphes tels qu'une prétendue preuve de réception d'un paiement à Mera, sans aucune signature ni paraphe. Même la détermination de la responsabilité attribuée à Correa a été concoctée sous la figure d'une « influence psychique », dans une prétendue irradiation de la volonté pour que d’autres commettent des délits.

 

En 2019, le bureau du procureur général de l'État a ouvert une enquête officielle sur l'affaire « Riz Vert » et l'a appelée l'affaire « Pots de Vin 2012-2016 ». En 2020, Salazar a accusé plusieurs fonctionnaires et anciens fonctionnaires du Gouvernement Correa d’avoir participé au soi-disant système de corruption en recevant des paiements destinés à financer la campagne électorale du corréisme en échange de l'octroi de travaux publics. En 2021, le procès a commencé à la Cour nationale de justice.

 

Le processus a été truffé d'irrégularités et d'étapes de tragicomédie telles que la préparation de témoins à la police de Quito et la suspension ultérieure de l'audience au cours de laquelle ils devaient témoigner car ces témoins se sont avérés non fiables pour les accusateurs. L'audience avait été programmée en un temps record parce que les adversaires politiques de Correa avaient besoin de le condamner avant que les délais de sa disqualification électorale ne s'éteignent ou, à défaut, pour que la nouvelle de sa condamnation démoralise ses partisans et que Guillermo Lasso puisse s'imposer aux élections.

 

Le lien avec l'Argentine et la persécution contre la vice-présidente Cristina Kirchner sont indiscutables étant donné que la décision de la Cour suprême locale qui a soutenu la constitutionnalité de la loi sur le repentir a été connue cette semaine face à un recours déposé par l'ancien ministre de la Planification fédérale, Julio De Vido.

 

En Équateur, l'attention a été attirée par José Conceição dos Santos, un ancien directeur d'Odebretch dans le pays qui a avoué en septembre 2019 que l'entreprise de construction avait remis 2 600 000 dollars pour la campagne présidentielle d'Alianza País en 2013 et 2 500 000 dollars supplémentaires pour les élections régionales de 2014. Cependant, il n'a même pas été inculpé par le parquet.

 

Dans l'enregistrement qui a été renvoyé à ce média, Saquicela a averti que Camacho accusait d'une série de délits dont la concussion allant de la corruption et du trafic d'influence à l'association de malfaiteurs mais a ensuite abandonné cette ligne d'intrigue et a dû reformuler la proposition. « Alors, la concussion a disparu et maintenant j'ai trois délits, il est évident que les éléments de conviction de ces trois délits, aussi bien de l'existence de l'infraction que de la responsabilité présumée sont très différents de l'imputation initiale, qui n'existe plus », a déclaré le juge.

 

Près de deux ans plus tard, Saquicela a ratifié ce qui a été fait par le pouvoir judiciaire. Bien que la défense de l'ancien chef d'État équatorien ait allégué que le juge dont l’enregistrement audio est maintenant mis au jour et ses partenaires Marco Rodríguez et Iván León, président du tribunal après la destitution troublée de 16 magistrats à l'initiative du Conseil de la magistrature, n'ont même pas été tirés au sort pour statuer sur l'affaire, les juges ont approuvé la sentence contre Correa.

 

Condamner est la tâche

 

Dans cet enregistrement audio divulgué par une personne qui était à la réunion avec le juge Saquicela, la chose la plus grave que dit le magistrat est que l'accusation initiale est changée pour tous les autres délits qui finissent par lui être attribués par la suite. C'est ce que les juristes appellent le principe de congruence. Pour le dire simplement : Correa et d'autres ont été accusés pour une chose et condamnés pour une autre.

 

L'enregistrement montre le scandale, la volonté de certains juges de condamner pour n'importe quoi, la façon dont a été mise en place l’affaire qui a ensuite été mise en place par Saquicela lui-même. Construire la fraude de ces processus de persécution à des fins de proscription.

 

Des spécialistes du droit pénal ont dit à Página/12 que cet enregistrement audio pourrait représenter un fait nouveau qui donne lieu à un recours pour l'examen de l'ensemble de l'affaire des pots-de-vin.

 

Comme corollaire, pour souligner et pour que l'on comprenne, dans le meilleur style  de Sergio Moro au Brésil, qui a fini par être ministre de Jair Bolsonaro, l'establishment équatorien a récompensé Saquicela avec la présidence de la Cour de son pays le 5 février 2021.

 

La parole de Correa

 

« Nous, nous essayons honnêtement. Lorsque nous étions gouvernement, nous avons fait une réforme judiciaire qui a été un exemple dans le monde. Il y a des publications, des rapports. Malheureusement, nous pouvons changer l'infrastructure, les processus, mais nous ne pouvons pas changer le cœur de l'être humain. Alors, face aux premières pressions, beaucoup de juges se sont vendus au pouvoir de service. »

 

Cette phrase a été prononcée par Correa dans une interview pour l'émission La Garcia, par AM 750 le 27 mars 2023.

 

Correa, comme d'autres présidents de l’étape progressiste en Amérique latine, dénonce depuis des années la persécution judiciaire, le réseau de Lawfare et la proscription.

 

Dans ce même programme, le 4 novembre 2021, le dirigeant régional a fait référence à la sentence dans l’affaire dite des Pots de Vin, la plus grave des accusations contre lui. Ce matin de printemps à Buenos Aires, Correa a été interviewé en personne dans les studios de l'AM 750. Les contagions massives de Covid commençaient à diminuer, les vaccins faisaient effet et nous revenions à la vie sociale.

 

L'interview s'est déroulée sans masque mais toujours avec les panneaux acryliques séparant la table et les micros de la radio.

 

Là, l'ancien président équatorien a déclaré : « J'ai plus de 46 affaires ouvertes. Chaque matin, je me lève pour voir quelle est ma dernière affaire. Mais maintenant, le plus grave, c'est que j'ai été impliqué dans une affaire de pots-de-vin qui n'a jamais existé. Ils m'ont accusé d'être le chef d'une organisation criminelle. Comme ils n'avaient pas de preuves, j'ai finalement été condamné comme instigateur par influence psychique. Ce procès a été mené en pleine pandémie alors qu'ils avaient suspendu toutes les audiences sauf celle-là. »

 

« Et à la dernière étape, à la cassation, ils ont sorti la sentence en 17 jours ouvrables pour que tout soit prêt un ou deux jours avant le 18 septembre 2020, date de l'enregistrement des candidatures pour m'empêcher d'être candidat et même m'empêcher de retourner dans le pays. »

 

« Parce que modestie à part, si j'étais dans le pays, même sans être candidat, nous gagnions l'élection. Ils gagnent par la tricherie. Lasso est un président fruit d’un piège. »

 

Correa se réfère au second tour d'avril 2021, où le candidat de l'anticorréiste mouvement conservateur CREO, allié du Parti social chrétien, Guillermo Lasso, a battu son rival corréiste Andres Arauz avec plus de 53% des voix.

 

Cette chronologie n'est pas fortuite : la sentence contre Correa dans l’affaire des pots-de-vin date d'avril 2020. En septembre de la même année, une cour de cassation a confirmé à la majorité la condamnation Correa et d'un groupe de ses collaborateurs à 8 ans de prison. Depuis lors, Correa a été proscrit et n’a pas pu rentrer dans son pays.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

source en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/09/20/ecuador-un-audio-filtrado-prueba-el-lawfare-contra-rafael-correa/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/09/equateur.un-enregistrement-audio-prouve-l-acharnement-contre-rafael-correa.html