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Equateur: Le dilemme

17 Octobre 2023, 17:14pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Quelques causes structurelles qui expliquent le résultat électoral du second tour.

 

À quelques exceptions près, le résultat d'une élection présidentielle s'explique beaucoup plus par la politique que par la campagne. Et pourtant, nous tombons presque toujours dans la tentation d'avoir le vertige face à la conjoncture en perdant de vue les sillons profonds qui nous permettent vraiment de comprendre pourquoi une victoire ou une défaite électorale se produit.

 

Ce qui s'est passé en Équateur n'a pas fait exception.

 

Daniel Noboa sera le prochain président du pays. Il a gagné au second tour avec 52 % des voix contre 48 % pour Luisa Gonzalez. Des pourcentages très similaires à ceux obtenus par Lasso et Arauz en 2021 (52,3% contre 47,6%).

 

Et il y a aussi beaucoup de ressemblance entre les premiers tours où Arauz a obtenu 32,7% en 2021 et Luisa 33,6% en 2023 ; et de son côté, Lasso a obtenu près de 20% et Noboa maintenant 23%.

 

De plus, il y a un haut degré de similitude dans la composition si fragmentée de l'Assemblée entre 2021 et 2023. Et il en va de même pour le pourcentage d'atomisation des autres candidats qui n’ont pas accédé au second tour.

 

Pourrions-nous dire qu'une telle ressemblance est une pure coïncidence ? Non. Pas question.

 

Malgré les multiples différences circonstancielles entre un moment et un autre, la similitude des résultats électoraux a beaucoup plus à voir avec le processus politique que vit l'Équateur ces derniers temps.

 

En d'autres termes : nous ferions une grave erreur d’analyse en supposant que ce qui s'est passé lors de ce rendez-vous électoral est dû aux différences entre les profils des candidats (Noboa ne ressemble pas à Lasso, ni Luisa à Arauz). Nous ne devrions pas non plus considérer que les voix obtenues par les deux sont la conséquence de leur performance dans le débat présidentiel. Ni des jingles ni des spots. Ni sur les réseaux sociaux. Pas même de la situation d'insécurité croissante. Ni de la mort de Villavicencio. Ni des offshore de Noboa.

 

Cette thèse ne contredit pas du tout le fait que ces situations aient eu une importance relative dans la façon dont les citoyens ont décidé. Elle ont  eu une importance, oui, mais leur influence a été marginale si on la compare à un autre ensemble de variables de nature politique durables dans le temps.

 

Quelques-unes de ces raisons structurelles qui expliquent le résultat électoral sont les suivantes :

 

  1. Le corréisme est la principale identité politique du pays mais cela ne suffit pas pour qu’il obtienne la majorité au second tour. Il est toujours central, aussi bien pour que contre lui.

 

2. La fragmentation partisane et la forte volatilité sont là pour rester. Le phénomène de la démocratie Spotify a également atteint l'Équateur. Cela est clairement remarqué lors de la radiographie de tout ce qui se trouve en dehors du corréisme : peu importe qui est le candidat ou le parti, ils finissent par se réunir au second tour, en mode tactique malgré les hétérogénéités politiques.

 

3. La population qui souffre le plus et qui a le moins de revenus est un sujet clé dans le nouveau (dés)ordre social et politique. Une bonne partie d’entre elle a cessé de croire aux institutions. L'Équateur traverse une profonde crise de représentativité. Les solutions ne seront pas trouvées en regardant dans le rétroviseur. La seule voie est de tout repenser vers l'avant, en identifiant les nouvelles demandes sans préjugés et en trouvant des réponses précises et adroites et en posant de nouveaux horizons en phase avec la nouvelle époque.

 

4. Le bloc indigène est un acteur fondamental en Équateur. Non seulement quantitativement mais à cause de sa pertinence politique. Ces dernières années, bien qu'il ne vote pas de manière homogène, son conflit non résolu avec le corréisme est un obstacle à la construction d'une majorité progressiste qui s'impose au second tour.

 

Ces deux derniers points constituent le principal défi historique et, en même temps, le plus grand dilemme qu'une bonne partie de la société équatorienne a pour vaincre politiquement et électoralement le néolibéralisme. Ce n'est qu'avec une alliance programmatique, solide et généreuse de tous ses partis qu'on pourra affronter le prochain rendez-vous électoral (qui est au coin de la rue, en février 2025).

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.telesurtv.net/opinion/El-Dilema-Ecuatoriano-20231016-0039.html

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/10/equateur-le-dilemme.html