Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chili: 50 ans après l'assassinat de Víctor Jara, le chant de la mémoire et de la justice se poursuit

17 Septembre 2023, 17:43pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par  Dario A. Extremera Peregrín

 

 

 

Au cours de ses dernières semaines, Víctor Jara a fait en sorte que ses filles Manuela et Amanda et sa femme, Joan, restent pendant un certain temps dans une maison à Isla Negra, loin de Santiago, face à l'instabilité croissante au Chili et à la possibilité de plus en plus proche d'un soulèvement militaire.

 

Le 11 septembre, dans la matinée, après avoir entendu les informations sur la mobilisation des troupes et le coup d'État, l'auteur-compositeur-interprète s'est rendu à l'Université technique de l'État (aujourd'hui Université de Santiago du Chili), son lieu de travail, où il devait se présenter à l'ouverture de l'exposition Pour la vie... toujours !

 

« Victor a réussi à me contacter dans l'après-midi et m'a dit qu'il devait rester à l’université parce qu’il y avait un couvre-feu. Il m'a dit combien il m'aimait, que je devais être courageuse et m’a dit au revoir... C'est la dernière fois que je lui ai parlé, »e membres de l a raconté Joan Jara dans le documentaire Remastered : Massacre au stade.

 

Le lendemain matin, un groupe de mambo des de l'infanterie a emmené l'auteur-compositeur-interprète ainsi que des centaines d'étudiants et de professeurs au stade du Chili (aujourd'hui stade Víctor Jara), un centre de détention où les militaires ont retenu des milliers de Chiliens. Là, ils ont torturé et aussi assassiné.

 

Jara, musicien reconnu et partisan de l'Université Popular et Allende, a été reconnu par les gardes dans la file des détenus, séparé des autres et frappé. À partir de ce moment, quatre jours de torture et de vexations ont commencé pour  l'artiste.

 

Il a été assassiné le 16 septembre avec Littré Quiroga, directeur du Service national des prisons, qui l'a accompagné dans ses dernières heures. Leurs cadavres ont été jetés sur un terrain vague, près d'un cimetière.

 

Les militaires se sont acharné sur lui : il avait 56 fractures osseuses et 44 balles dans le corps.

 

La veuve de l'auteur-compositeur-interprète a évoqué le moment où elle a appris sa mort : « Le 18 septembre, à la première heure, un jeune homme est venu chez moi pour me dire que le corps de Victor avait été reconnu à la morgue... Il était en très mauvais état  et couvert de sang, à moitié nu et plein de blessures par balle. Ses mains pendaient de ses poignets, son visage était ensanglanté.

 

50 ans après le crime, la justice a finalement rattrapé les coupables.

 

Le mois dernier, la Cour suprême du Chili a condamné sept anciens militaires pour l'enlèvement et le meurtre de Jara et Quiroga.

 

Raúl Jofré González, Edwin Dimter Bianchi, Nelson Haase Mazzei, Ernesto Bethke Wulf, Juan Jara Quintana et Hernán Chacón Soto (qui s'est suicidé chez lui avant d'être emprisonné) ont été condamnés à 15 ans et 1 jour de prison en tant qu'auteurs des homicides, et de 10 ans et un jour en tant qu'auteurs des enlèvements qualifiés.

 

Le septième condamné était Rolando Melo Silva, pour dissimulation. Il a été condamné à 2 peines : 5 ans et 1 jour, plus 3 ans et 1 jour.

 

À ces condamnations s'ajoute celle de Pedro Pablo Barrientos, un ancien lieutenant, reconnu coupable du meurtre de Jara en 2016 par un tribunal étasunien en procès civil.

 

Barrientos doit verser une compensation de 28 000 000 de dollars à la famille de l'auteur-compositeur-interprète et, en juillet de cette année, il a été déchu de la nationalité étasunienne. Les autorités chiliennes font les démarches pour qu’il soit extradé de la nation du Nord.

 

Les peines de cette année sont le résultat d'une longue bataille juridique initiée par Joan Jara en 1978. Il s'agit également de la confirmation des condamnations prononcées par le juge Miguel Vásquez en 2018 contre 9 anciens officiers de l'armée que la Cour d'appel de Santiago a confirmées et augmentées en 2021.

 

Après la condamnation de Barrientos en 2016, à la sortie du tribunal, Joan a déclaré à EFE : « Je pense que c'est une excellente nouvelle pour beaucoup de gens qui, au Chili, attendent la justice pour leurs proches . »

 

Pour elle, sa famille et de nombreux Chiliens, la condamnation des meurtriers de Victor Jara peut représenter la fin d'une angoisse de plusieurs décennies, la fin d'un chapitre de leur vie qui a commencé de manière violente et traumatisante, et un pas de plus dans la préservation de la mémoire historique.

 

Cette décision de justice est également un message fort contre l'impunité de ceux qui ont commis des crimes dans le passé et croient que tout restera caché.

 

Bien que certains se réclament de Pinochet et justifient le coup d'État du 11 septembre, la barbarie politique et le mauvais gouvernement criminel qui s'est installé au Chili et dans d'autres pays de la région, des milliers de Chiliens n'oublient pas et continuent d'exiger justice pour les victimes de la dictature.

 

La justice arrive parfois tard, et il y a de l'impunité ; la mémoire des peuples, des justes, reste toujours semée dans le présent en attendant que la justice se réveille alors qu’on parcourt le chemin difficile pour que les grandes avenues s’ouvrent.

 

La mémoire a persisté. Lentement et tardivement, mais la justice arrive. Là, les paroles et les idées de Victor Jara continuent et sont toujours là. Ils n'ont jamais pu faire en sorte que son chant cesse d'avoir un sens.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

source en espagnol:

http://www.cubadebate.cu/especiales/2023/09/16/a-50-anos-del-asesinato-de-victor-jara-el-canto-de-memoria-y-justicia-continua-en-chile/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/09/chili-50-ans-apres-l-assassinat-de-victor-jara-le-chant-de-la-memoire-et-de-la-justice-se-poursuit.html