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Chili: Commémorations en clair-obscur

17 Septembre 2023, 17:44pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par  Sergio Rodriguez Gelfenstein

 

Le pays se débat au milieu d’un nouveau piège de la droite que le président, son Gouvernement et les partis qui le soutiennent ont observé comme des nigauds du pouvoir qui dirige le pays.

 

J’écris cette semaine du Chili où j’ai assisté à un séminaire international organisé par la municipalité de Recoleta, la Fondation Constituante XXI et d’autres organisations pour commémorer le 50e anniversaire de la mort au combat du président Salvador Allende Gossens et l’intronisation de la dictature civico-militaire fasciste qui s’est établie dans ce pays pendant 17 ans.

 

Un climat sombre plane sur un pays qui n’a pas réussi à surmonter la division et l’affrontement imposés par la dictature. Cette date a eu des commémorations ambivalentes » : les uns ont rappelé le camarade président Salvador Allende Gossens, son épopée, sa loyauté envers le peuple et son immolation héroïque pour la défense de la démocratie, et d’autres ont rappelé avec joie l’irruption violente des forces armées qui « a libéré le Chili du cancer marxiste. »

 

« Nous sommes tous coupables, et personne ne l’est »...

 

Le Gouvernement s’est mis de côté en organisant une commémoration élitiste sans la participation massive qui lui aurait donné le relief que la date et le président Allende méritaient. La rhétorique antérieure du président Boric, assumant une neutralité honteuse, évoque la théorie controversée des « deux démons » qui tient Allende et la dictature pour responsables du coup d’État.

 

Il ne pourrait en être autrement si l’on s’en tient au fait que le Chili a un président faible, lâche, timoré, hésitant et pusillanime, tout ce qui est exploité par la droite la plus récalcitrante pour passer à l’offensive et maintenir le peuple dans un immobilisme paralysant qui a commencé le 15 novembre 2019 lorsque les élites de pouvoir dont Boric, ont signé un accord de gouvernance le 15 novembre 2019 lorsque les élites du pouvoir, dont Boric, ont signé un accord de gouvernabilité entre partis qui a immobilisé la protestation sociale qui maintenait Piñera et son Gouvernement « contre les cordes » et au bord de sa défenestration. Il faut dire que la pandémie a malheureusement fait sa part.

 

Boric a bénéficié de cet accord que beaucoup au Chili considèrent comme une trahison envers le peuple et une décision en faveur des entrepreneurs et de la droite. Comme à la fin des années 80 du siècle dernier, les puissances occultes du pays ont eu recours à une sortie médiatisée qu’ils pouvaient contrôler et manipuler à leur guise afin d’éviter une alternative qui aurait le peuple comme acteur et comme moteur des transformations et qui aurait conduit le Chili à un véritable rétablissement de la démocratie aujourd’hui légalement contrainte par une Constitution approuvée frauduleusement sous la dictature civique et militaire.

 

L’accord du 15 novembre, qui a ensuite porté Boric à la présidence, a permis de maintenir le modèle économique néolibéral et d’approfondir la démocratie répressive imposée par ses prédécesseurs. La soumission de Boric aux États-Unis est absolue. Son alignement surprenant avec Washington sur le conflit en Ukraine est l’expression d’une décision d’obéir aux ordres du maître comme un toutou. Même Pinochet exerçait une plus grande autonomie en matière de politique étrangère.

 

Tout cela a conduit le Gouvernement à minimiser la date pour en faire une célébration à huis clos dans un palais de la  Moneda entouré de centaines de policiers et des rues vides, muettes, sans le peuple qu’Allende a défendu jusqu’à la dernière minute de sa précieuse vie.

 

Les commémorations les plus importantes ont eu lieu dans la municipalité de Recoleta où le maire Daniel Jadue, son équipe et d’autres organisations populaires et sociales ont pris soin de rappeler Allende dans sa véritable dimension, de créer une véritable fête culturelle et un grand débat d’idées destiné à contribuer au processus de formation politique nécessaire pour que le Chili puisse reprendre la voie d’une véritable démocratie, réelle, participative et avec une action du peuple.

 

En ce qui me concerne, je faisais partie d’un panel réalisé au siège de la Confédération Nationale des Fonctionnaires de la Santé Municipalisée (Confusam), un syndicat de travailleurs de la santé combatif dans lequel les politiques publiques de l’Unité Populaire ont été reprises. J’ai fait un exposé sur la politique internationale du Gouvernement populaire et sur la pensée internationaliste du président Allende,

 

Dans le cadre des événements organisés à Recoleta, j’ai eu l’occasion d’exposer les différents niveaux d’analyse du conflit en Ukraine pour expliquer les répercussions internationales et la transformation que cela entraîne dans le système international et le passage d’un modèle atlantiste à un modèle qui a son axe dans le grand espace eurasien.

 

Mais l’événement le plus émouvant et le plus beau auquel j’ai assisté était une rencontre au lycée Andrés Bello où j’étudiais quand le coup d’État de septembre 1973 a eu lieu. Là, nous nous souvenons et nous dévoilons une plaque avec le nom de six camarades assassinés et d’un disparu sous la dictature qui étaient élèves dans ce lycée. En parcourant les couloirs et les cours de l’école où j’ai commencé ma formation éducative et politique en tant que militant révolutionnaire, j’ai pu évoquer ce jour funeste, il y a 50 ans.

 

Alors que ces commémorations ont lieu, le pays se débat au milieu d’un nouveau piège de la droite que le président, son Gouvernement et les partis qui les soutiennent ont observé comme des moutons du pouvoir qui gouverne le pays. Dans une manœuvre magistrale, la droite fasciste est en train de rédiger une nouvelle Constitution tellement réactionnaire, tellement rétrograde et conservatrice que même des secteurs allant de la droite un peu moins rétrograde à la gauche officielle ont appelé à la rejeter, ce qui, il faut le dire, ne cesse d’être encourageant face à l’ampleur de la régression que représenterait l’adoption d’une Constitution médiévale en plein XXIe siècle.

 

Mais dans le fond, on va finir par valider et légitimer l’actuelle Constitution de Pinochet, qui donne une continuité à un système d’économie néolibéral, de démocratie restreinte et de justice « dans la mesure du possible. »

 

Plus d’ombres que de lumières ont été observées lors de cette commémoration mais les dernières paroles du président Allende, qui n’ont jamais perdu de leur actualité, continueront à être entendues : « ...D’autres hommes surmonteront ce moment gris et amer où la trahison prétend s’imposer. Continuez en sachant que tôt ou tard, vous ouvrirez les grandes allées par où passe l’homme libre pour construire une société meilleure. Et Vive le Chili! Vive le peuple! Vive les travailleurs!

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

source  en espagnol:

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/09/16/chile-celebraciones-en-claroscuro/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/09/chili-commemorations-en-clair-obscur.html