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Argentine : Une réforme du travail qui attaque les conventions, le droit de grève et les conquêtes historiques

22 Décembre 2023, 18:18pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Par Lucho Aguilar

 

Quelques jours, après son investiture, Javier Milei a annoncé un gros décret qui porte atteinte au porte-monnaie et aux conditions de vie de millions de personnes. Ce décret contient une réforme du travail par décret, écrite par des gérants des ressources humaines du groupe Techint et d'anciens fonctionnaires de Macri.

 

Il modifie les principales lois sur le travail 14.250 (paritaires), 20.744 (contrats de travail), 23.551 (associations syndicales), 25.877 (régime du travail) et 24.013 (emploi). L'Argentine n'est pas un paradis pour la classe ouvrière mais les travailleurs conservent encore des conquêtes obtenues au prix de décennies de lutte.

 

Les principales attaques:

 

  1. Le droit de grève

 

Ce décret destiné à élargir le concept de « services essentiels », à pratiquement toutes les activités économiques. Non seulement le transport et la santé qui sont déjà compris dans ce concept, mais l'éducation, l'industrie alimentaire, métallurgique, les médias, les services frigorifiques, les télécommunications et un etc… tellement long qu'on pourrait dire « toute activité économique. »

 

Quand les travailleurs voudront faire une réclamation, ils devront garantir « 75 % de la prestation normale de services. » Presque un service normal, si nous tenons compte de l'absentéisme qui existe traditionnellement dans toute activité. Mais ils réservent également le droit à une « commission de garantie composée de 5 membres dont la solvabilité technique ou académique est reconnue » d'élargir la liste. Pouvez-vous imaginer ce que feront les « experts »  amis de Milei ?

 

2. Des licenciements moins chers

 

L'article 245 de la loi sur les contrats de travail ((LCT)), remplace et remplacer par un autre qui fait baisser l'indemnisation pour les patrons : « la base de calcul de cette indemnisation n'inclut rat pas le salaire annuel complémentaire, ni les concepts de paiement semestriel ou annuel. » tant d’éléments en sortent qu’il et préciser qu'elle ne pourrait être inférieure « à 67 % du montant correspondant à un mois de salaire. »

 

Mets le grand changement est la stimulation du « modèle UOCRA » que Milei a promis pendant sa campagne. Il s'agit d'un fonds de cessation du travail instauré sous la dictature de Videla qui permet aux patrons de la construction de licencier sans raison, sans ancienneté, et avec une « indemnisation » différente de celle à laquelle a  droit tout travailleur, mais en plus beaucoup plus basse. Selon le gros décret, « grâce à une convention collective du travail, les parties pourront remplacer le présent régime d'indemnisation par un fonds ou un système de cessation du travail avec un apport mensuel qui ne pourra être supérieur à 8 % de la rémunération. »  L’apport est inférieur à celui de l’UOCRA dans lequel l'apport patronal est de 12 %. De plus, « les employeurs pourront opter pour souscrire un système privé de capitalisation afin de soutenir l'indemnisation prévue. » Une espèce « d'assurance » pour pouvoir renvoyer les travailleurs quand ils veulent, et comme ils veulent.

 

3. Renvoyer ceux qui protestent.

 

Aujourd'hui, la loi garantit que « la participation du travailleur à une grève ne peut en aucun cas constituer une cause de licenciement. » Milei modifie l'article 24 de la loi sur le contrat de travail qui évoque la « cause juste » d'un licenciement. Les patrons pourront « ne pas poursuivre la relation de travail », s’ils sentent qu'ils subissent une « injure grave. » Les pauvres ! Un exemple, monsieur ? « Constitue une injure grave au travail la participation à des blocages ou à des prises d’établissements:

 

.a.Quand, pendant une mesure d'action directe, on porte atteinte à la liberté de travail de ceux qui ne sont pas d’accord avec cette mesure grâce a des actes, des faits, des intimidations ou des menaces.

 

b–Si on empêche ou fait obstacle, totalement ou partiellement, à l'entrée ou à la sortie de personnes et ou de choses de l’établissement.

 

c ; –Si on cause des dommages à des personnes ou à des choses qui sont la propriété de l'entreprise (marchandises, matières premières et fournitures) ». C'est-à-dire que si un patron ne paye pas les salaires, et si une grève l'amène à perdre un peu de matière première, il peut considérer que c'est une «injure » et te jeter à la rue.

 

4. L'externalisation progresse

 

L'externalisation du travail a progressé depuis la dictature, c'est vrai. Mais Milei lui donne un tour de grande envergure. La loi (article 29 de la LCT) change de façon que « les travailleurs seront considérés comme des employés directs de ceux qui enregistrent la relation de travail, sans préjudice d'avoir été engagés en vue d'utiliser leur prestation ou de les fournir à des entreprises tierces. » C'est-à-dire qu'on ne laisse aucune chance de réclamer la « solidarité » de l'entreprise principale comme on peut le faire actuellement. Une loi à la mesure de Techint, Edesur, Edenor et des grandes entreprises qui utilisent cette fraude du travail.

 

5. « Droit d’épreuve » progresse également

 

La loi sur le contrat de travail fixe, la période d'essai utilisée par les employeurs pour utiliser quelques mois des jeunes en les payant moins et en leur donnant moins de droits : ça a souvent été trois mois, parfois six mois. Maintenant, Milei l’augmente. L'article 71 affirme qu'il faudra « huit mois. », C'est-à-dire que « n'importe laquelle des parties pourra éteindre la relations pendant ce laps de temps sans donner de raison, sans droits et sans indemnisation. » Toute entreprise pourra engager des travailleurs dans les stations qui produisent le plus ou pour un projet déterminé, et ensuite les licencier.

 

6. J’utilise ton temps comme je veux

 

La classe patronale a toujours voulu disposer du temps de ses esclaves (ou travailleurs) selon son bon plaisir. Différentes luttes ont obtenu la journée de huit heures, certains jours par semaine qui permettent à toute personne d'organiser son travail, ses loisirs, sa vie et même ses revenus.

 

Mais maintenant, les patrons pourront tout gérer en fonction de leurs besoins de production et de leur bénéfices. Selon l'article 79, « les conventions collectives de travail (…) pourront établir des régimes qui s'adaptent aux changements des modalités de production, aux conditions propres de chaque activité en prenant en compte, en particulier, le bénéfice et l'intérêt des travailleurs. » Oui, ne me dites pas… A cet effet, on pourra disposer collectivement du régime d’heures supplémentaires, d'une banque d'heures, de congés compensatoires, entre autres aménagements relatifs à la journée de travail. Pour avoir une idée, la « banque d'heures » permet aux entreprises de prendre les heures mensuelles de travail (ou les jours annuels) et de les distribuer comme elles veulent.

 

7. Les droits acquis

 

En Argentine, la classe ouvrière a obtenu un droit qu'on appelle « ultra activité » qui est inclus dans la loi numéro 14 250. Qu'est-ce que cela signifie ? Que si un syndicat ne se met pas d'accord avec les chambres patronales dans une négociation collective, paritaire, les avantages qui existent dans la convention continuent à s’appliquer Le gros décret de Milei remet en question ce concept. Il dit : « Une convention collective de travail arrivée à échéance, ne conservera que les règles relatives aux clauses normatives. Le reste des clauses (obligatoires) pourront rester en vigueur seulement avec un accord des parties ou par la prorogation spécifique mise en place par le pouvoir exécutif national. » C'est-à-dire que s’il n'y a pas d'accord, le « roi » Milei pourra décider de l'avenir de ta convention.

 

8. Légalisation de la discrimination

 

Aujourd'hui, un travailleur ne peut être discriminé à cause de ses opinions politiques ou syndicales, de son identité de genre entre autres choses. Les lois sur le travail interdisent ces discriminations et garantissent, au moins officiellement, le poste de travail. Milei autorisera ces licenciement qui ne coûteront que quelques pesos au patron. Selon l'article, il y aura un «augmentation de l’'indemnisation pour les licenciement motivés par un acte discriminatoire. », Si une « sentence judiciaire corrobore l'origine discriminatoire du licenciement, l'indemnisation payée sera augmentée. » de plus de 50 %. Mais, « l'extinction du lien de travail et tous ses effets se produiront. » C'est-à-dire qu'un patron fasciste peut te licencier parce que tu es homosexuel, sourd ou mapuche, il devra seulement payer quelques pesos de plus (si le juge te donne raison.)  C'est le pire   libéralisme du monde.

 

9. Pas de liberté pour le droit de protestation

 

Ce nouveau décret invente des articles pour la loi sur le contrat de travail. Il ne s'agit pas de droits positifs ou nouveaux mais d'interdictions. L'article 20 s'intitule « Actions interdites. » Et il énumère une série d'actions que les travailleurs ne peuvent pas faire. Peu importe si on ne les paye pas, si on les licencie, si des camarades meurent, rien. Parmi les actions interdites se trouve le fait « de porter atteinte à la liberté du travail de ceux qui n'adhèrent pas à une mesure de force, d’empêcher ou de faire obstacle, totalement ou partiellement, à l'entrée ou à la sortie de personnes et ou de choses de l'établissement, de causer des dommages aux personnes ou des choses qui sont la propriété de l'entreprise ou de tiers situées dans l'établissement (marchandises, fournitures et matières premières ». Comme nous le disions, le critère et si large que toute mesure peut être « interdite. » En effet, la grève provoque toujours des « dommages », même le droit bourgeois le reconnaît. De plus, le Gouvernement affirme que les syndicats qui les réalisent « seront passible de sanctions. »

 

10. Fraude au travail : profitez de l’offre

 

Tandis qu'il attaque les droits des ouvriers et interdits la revendication, il accorde des avantages aux patrons. Par exemple, si l'un d'entre eux a pendant des années 50 travailleurs non déclarés, il faudra attendre une « sentence judiciaire ferme » pour que la déclaration soit effectuée et qu'il ait des amendes. Mais en plus, ces amendes seront énormément diminuées puisque « les éléments déjà payés dans le cadre du régime en question seront déduits, un système d'intérêts moins lourd et des facilités de paiement seront mis en place". Tout ce qu'il fait, c'est encourager le travail au noir, ce qui est bien loin de ses promesses électorales libertaires.

 

Nous pourrions continuer. Par exemple, avec la règle qui permet à un« travailleur indépendant » d'avoir jusqu'à cinq employés « autonomes » pour qui  les lois sur le travail ne s'appliquent pas. Un encouragement de « l'esprit d'entreprise des employeurs ». Mais ce qui est important, c'est de voir clairement que Javier Milei, avec son corps d'avocats de Taking et Macri est en train d'attaquer à nouveau les droits du travail que nous avons encore. Et qu'en plus, il veut ôter à la casse ouvrière ses droits de grève et d'organisation qui sont ceux qui ont permis de conquérir ces droits et qui peuvent permettre d'affronter le plan à la tronçonneuse et de faire avancer toutes ces revendications.

 

Les syndicats viennent de dire: « Il faut attendre. » Cette semaine, les organisations sociales et de gauche n'ont pas participé à la journée de protestation du syndicalisme combatif. On ne peut pas rester les bras croisés face à ce gros décret. Il faut qu’il y ait des assemblées urgentes pour discuter de l'ensemble du plan à la tronçonneuse et qu'on convoque un plan de lutte unitaire. Sinon, la droite gardera même ses fauteuils confortables, ils ne dorment pas.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2023/12/21/argentina-milei-decreto-una-reforma-laboral-que-ataca-convenios-el-derecho-de-huelga-y-conquistas-historicas/

URL de cet article :

http://bolivarinfos.over-blog.com/2023/12/argentine-une-reforme-du-travail-qui-attaque-les-conventions-le-droit-de-greve-et-les-conquetes-historiques.html