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Guatemala : Un coup d'Etat raté

13 Janvier 2024, 16:35pm

Publié par Bolivar Infos

 

 

Le 14 janvier aura lieu le tant attendu changement de pouvoir au Guatemala. La tentative pour empêcher le Gouvernement légalement élu d'arriver au pouvoir a échoué, grâce à des protestations sociales massives.

 

L'année 2023 fut un défi et a été pionnière pour la direction future de tout le pays. Le fait que l'élection de Bernardo Arévalo soit suivie par son investiture et par  le remplacement de charges politiques a rencontré énormément d'obstacles : il existe ce qu'on appelle le « pacte des corrompus » entre de hauts fonctionnaires du Gouvernement, en majorité de droite, et des personnes qui occupent des postes importants dans le secteur de l'économie. Ces dernières années, ce « pacte des corrompus » avait réussi à gagner une influence importante dans le système politique, à l'exception du pouvoir exécutif. Tout indiquait que le Guatemala allait passer d'une démocratie hybride à l’autoritarisme.

 

Mais, au premier tour des élections présidentielles de juin dernier, la population guatémaltèque a voté pour le parti Mouvement Semence d’ Arévalo qui, jusqu'alors, avait passé pratiquement inaperçu, initiant ainsi un changement de pouvoir. Au second tour des élections d’août dernier, les Guatémaltèques ont clairement élu Semence comme le nouveau parti gouvernant. Le pacte des corrompus a pris diverses mesures pour empêcher le nouveau Gouvernement d'assumer sa charge. De façon surprenante et impressionnante, des autorités, des communautés et des assemblées de districts indigènes ont décidé alors de descendre dans la rue. Les protestations de masse qui ont suivi en paralysé le pays pendant un mois. Le presque coup d'état a été évité grâce à un soulèvement populaire sans précédent.

 

Démocratie à partir de la base

 

Le processus de retour vers l’autoritarisme avait réussi certaines avancées importantes au Guatemala. En plus des élections, la criminalisation et la persécution politique avait aussi modelé le climat du pays. Les campagnes de terreur psychologique contre des groupes  des individus politiquement organisés, leur persécution et leur intimidation légale ont rappelé les opérations militaires de l'époque de la dictature. La diffusion de fausses informations sur le parti Semence et les protestations massives sur les réseaux sociaux ont également provoqué une grande incertitude.

 

Déjà en 2022, avant que commence la campagne électorale, le célèbre journaliste José, Ruben Zamora, l'ancienne chef de la commission spéciale contre l'impunité, Virginia Laparra et l'avocate Claudia Gonzalez avaient été arrêtés. Le fait que les voix critiques soient emprisonnées avant les élections présidentielles a provoqué une profonde indignation et des manifestations de solidarité parmi la population. Mais la persécution et la criminalisation systématique d'avocats, de journalistes et d'activistes par le comité électoral d’État sous la direction de Consuelo Porras, s'est poursuivi. En très peu de temps, au moins 45 personnes sont parties en exil et plus de 10 ont affronté des procédures pénales.

 

De plus, le Gouvernement d'Alejandro Giammattei, auquel il restait à peine quelques jours de pouvoir, s'est discrédité à cause d’une corruption évidente. Particulièrement surprenante, la malversation du budget destiné à la vaccination contre le COVID–19. Selon le ministre de la santé, entre 10 000 et 11 000 personnes sont mortes à cause du virus.

 

L’indignation et la désapprobations des Guatémaltèques s'est manifesté ensuite dans les urnes : le parti Mouvement Semence de Bernardo Arévalo et de sa camarade de formule Karin Herrera a obtenu 58 % des voix alors que Sandra Torres, la candidate de l'Unité Nationale de l’Espoir, membre du pacte des corrompus, a été punie par seulement 36,9 % des voix.

 

Persistance et changement

 

Après ce résultat, le ministère public a engagé une campagne de persécution illégale contre Arévalo, Herrera et leur parti. Le répertoire technocratique de la bureaucratie a cherché à empêcher un changement de pouvoir. Les procédures d'interdiction du parti Semence ou la réexaminassions des résultats électoraux pour des raisons indues n'ont été que quelques-une de ces mesures. Des mouvements sociaux, en particulier les communautés indigènes, n’ont merde pas laissé cela sans réponse, et ont répondu au niveau national par des protestations pacifiques, festives et presque ludiques et ont permis à Semence, traduit comme semence d'espoir, de germer. La fin de la protestation a été la grève nationale illimitée avec des blocages au niveau national qui a débuté le 2 octobre et dure déjà depuis plus de 100 jours au moment où j'écris cet article.

 

Nouveau cabinet et fortes attentes

 

À court terme, l'investiture du gouvernement de Bernardo Arévalo est un succès, mais le nouveau Gouvernement affronte des défis importants : renforcer la démocratie dans un pays dont les institutions continuent à être pénétrées par des structures de pouvoirs illégales, affronter une bureaucratie corrompue et inefficace, aborder les problèmes les plus importants concernant la santé et l'éducation qui ont été abandonnées durant des décennies, depuis l'accord de paix de 1996 et sont associées à de fortes attentes de la population, la création d'une gouvernance au sein d'un appareil administratif et d'institutions politiques factionnelles imposées par des intérêts opposés.

 

Prévenir un coup d'Etat de cette manière permet un processus destiné à restaurer la démocratie endommagée. Mais la lutte pour le pouvoir continue même à l'intérieur des structures de l'État. Par exemple, le pacte des corrompus continue à avoir une grande influence avec sa majorité au Congrès. Les grands pots-de-vin avant la l'investiture avaient pour objectif de s'assurer une majorité. Par conséquent, les représentants du Mouvement Semence doivent commencer leur mandat sans statut de parti et dans une situation dans laquelle l'équilibre des pouvoirs est fortement divisé. Des postes importants dans le système judiciaire sont toujours occupés par ceux qui ont tenté par tous les moyens de saboter les résultats des élections. En même temps, des parties de l'économie sont toujours centrées sur le fait de maintenir leurs privilèges à l'intérieur de l'État et de continuer à bénéficier d'accords concernant des mégaprojets et l'industrie de l’extraction.

 

Dans le cabinet, le nouveau Gouvernement, se voit obligé de réunir différents groupes à cause de la distribution des sièges. D'un côté, des technocrates, des patrons privés, ainsi que plusieurs membres fondateurs du Mouvement Semence, mais aussi d'anciens ministres et conseillers des Gouvernements précédents. D'autres part, il a un problème de représentation parce que les représentants des protestations : les indigènes, les jeunes et la communauté LGBTIQ ne sont pas présents ou leurs intérêts et leur voix ne sont pas reflétés. La majorité des membres du cabinet ont des connaissances techniques mais peu d'expérience politique.

 

De plus, les États-Unis ont déjà envoyé des signaux clairs en incluant des représentants du Gouvernement dans la liste d'acteurs corrompus et antidémocratique (liste Engel) et en menaçant de sanctions économiques. Les États-Unis ont révoqué les visas de plus de 100 parlementaires sur les 150. Grâce a la pression internationale et avec le soutien de représentants de l'Union européenne et de l'Organisation des Etats Américains qui, pour leur part, ont apporté un suivi constat à ce processus, Arévalo pourra être investi dimanche prochain.

 

Ce qui permet de prévoir un changement à court terme, c'est la liberté de la presse et la liberté d'expression, les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l'homme et la lutte contre la corruption. Mais cela comprend aussi le retour des exilés et la mise en place des droits des communautés indigènes. Si le nouveau Gouvernement réussit à renforcer la démocratie dans son propre pays, cela pourrait aussi avoir un impact sur les pays voisins d'Amérique centrale où des régimes autoritaires comme ceux du Nicaragua ou du Salvador ont un contrôle ferme de la politique et de la société.

 

Des défis pour la société civile et les peuples indigènes

 

Au milieu de tout cela apparaît un espace :après des années d'exclusion et de persécution, la société civile a à présent l'occasion de se renforcer, d’étendre son organisation et de mettre en place les droits de l'homme et les droits civiques. Trouver l'équilibre adéquat entre conserver leur propre autonomie par rapport au Gouvernement et coopérer avec lui sera crucial.

 

L'insatisfaction populaire a augmenté avec les Gouvernements autoritaires et corrompus. La conscience politique et le fait de croire que la participation et l'exercice du droit de protestation ont des effets transformateurs concrets ont augmenté. L'un des défis à présent et de continuer à faire pression pour garantir que les revendications exprimées se mettent en place, et que les intérêts de tous les groupes sociaux soient représentés dans le Gouvernement. La gestion par le Gouvernement de mégaprojets d'infrastructures qui menacent l'environnement et les communautés locales pourrait être un test décisif pour cela.

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos

 

Source en espagnol :

https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/01/12/guatemala-un-golpe-frustrado/

URL de cet article:

http://bolivarinfos.over-blog.com/2024/01/guatemala-un-coup-d-etat-rate.html