Bolivie : Passation de pouvoir ou investiture ?
par Juan Carlos Zambrana Marchetti
Après la victoire écrasante de Luis Arce Catacora en Bolivie, la presse a donné une information surprenante. Comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé avec le renversement d’ Evo Morales et la prise de pouvoir arbitraire de Jeanine Añez, le Gouvernement par intérim de cette dame envisage une cérémonie de passation de pouvoir.
Le mot « passation » implique la présence des 2 présidents au même endroit et que le président sortant remette au président entrant l’écharpe présidentielle comme, par exemple, en Uruguay. Ces cérémonies de passation de pouvoir sont essentiellement des actes qui évoquent un profond respect des institutions démocratiques d’un pays et une extraordinaire civilité, éducation et maturité politique. Cet acte protocolaire est toujours le même parce qu’il est conçu pour que le Gouvernement sortant remette le commandement du pays de la même façon qu’il l’a reçu. En considérant la façon violente et anticonstitutionnelle dont Jeanine Añez est arrivée au pouvoir, il serait aberrant qu’elle prétende remettre ce pouvoir de la même façon.
Dans cette logique, des personnages comme le général Williams Kaliman, le Général Orellana, Luis Fernando Camacho, la résistance Cochala, les plateformes citoyennes, les piticas, les policiers qui ont brûlé la wiphala près du Palais Quemado, ceux qui ont lancé des gaz sur les « cholitas[1] » qui protestaient contre le coup d’Etat et les militaires qui ont tué 36 indigènes à Senkata et Sacaba devraient être présents.
L’idée est totalement aberrante parce qu’avec Evo Morales toujours en exil et ses ministres en prison ou enfermés dans des ambassades, Jeanine Añez se dépêche de contrôler les rênes d’un événement dans lequel les invités spéciaux seraient les oppresseurs du peuple bolivien. C’est une tentative agressive du Gouvernement d’Añez pour se blanchir au dernier moment et c’est visible dans l’information quand à tout moment, elle se nomme elle-même Gouvernement « constitutionnel. » Il semblerait que ce soit une décision politique, légale et médiatique, de se rapprocher devant les caméras des présidents élus de la Bolivie pour évoquer la constitutionnalité et la normalité. Mais il n’y a rien eu de tel dans le renversement de Morales ni dans le Gouvernement d’Añez et tenter de le suggérer au dernier moment, est plus qu’aberrant.
En considérant, en outre, que le pays vit une crise sanitaire et économique et que le monde affronte une seconde vague de coronavirus, ce qu’il faut faire, dans ces circonstances, c’est une cérémonie d’investiture du nouveau président sobre, coordonnée par le pouvoir législatif. Cet acte devrait être planifié en respectant toutes les mesures de biosécurité, y compris la distance sociale. Il ne faut pas oublier que ce sera une investiture pendant l’épidémie de coronavirus, ce qui implique d’éviter les attroupements et les grands rassemblements. Il y a de grandes différences entre une cérémonie de passation de pouvoir et une cérémonie d’investiture du nouveau président. La première implique 2 parties, la seconde seulement une. Dans beaucoup de pays, y compris en Bolivie, on utilise l’investiture du président par laquelle on inaugure son mandat. Aujourd’hui plus que jamais, il n’y aucune raison de forcer les choses et il n’y a pas de place pour la frime ni pour les manœuvres médiatiques.
[1] Le terme chola (ou son surnom cholita, littéralement petite chola) désigne dans un espagnol familier une jeune femme bolivienne ayant une forte identification à la culture indigène. Il fait notamment référence aux Boliviennes de l'Altiplano qui conservent le style vestimentaire caractéristique de la tradition aymara.
(https://www.bolivia-excepcion.com/tout-savoir/culture-et-fetes-boliviennes/cholitas)
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2020/10/28/bolivia-transmision-o-posesion/
URL de cet article :
http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/10/bolivie-passation-de-pouvoir-ou-investiture.html